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Vu d’Afrique du Sud. Aux sources des “mensonges” de Donald Trump sur les fermiers blancs

Liza Fabbian 25/08/2018
La presse du pays a remonté le fil des propos du président américain, qui s’était alarmé le 23 août de supposées “saisies et expropriations de fermes et de terres” appartenant à des agriculteurs blancs en Afrique du Sud.

“La tempête Twitter Donald Trump a finalement trouvé l’Afrique du Sud sur la carte du monde […]. Mais comme Trump tire son inspiration de quelques illuminés, le résultat est à peu près conforme à ce qu’on pouvait attendre : désastreux”, constate un journaliste du site sud-africain DailyMaverick, dont la journée a bien mal commencé jeudi 23 août.


L’ombre d’un think tank de Washington
Donald Trump a visiblement été inspiré par un débat diffusé mercredi soir sur la très conservatrice chaîne Fox News, dans l’émission de Tucker Carlson. Celui-ci s’est indigné de la situation en Afrique du Sud, en “se basant sur un article et des commentaires d’un chercheur du [think tank] Cato Institute basé à Washington […], un groupe inscrit dans la mouvance américaine libertarienne de droite aux États-Unis”.


Croisement d’influences
Autre facteur d’influence, selon Daily Maverick : la campagne menée par l’organisation de défense de la culture Afrikaner AfriForum, qui représente une portion de la minorité blanche sud-africaine et qui maintient qu’il existe “une campagne insidieuse visant à tuer les fermiers blancs d’Afrique du Sud, pour que les Noirs puissent occuper leur terre.”
Toujours d’après le site,
Les représentants d’AfriForum se trouvaient justement aux États-Unis il y a quelque temps pour vendre cette histoire, et ils ont apparemment trouvé les chercheurs du Cato Institute sur leur chemin.”
Un sujet sensible en Afrique du Sud
Le gouvernement sud-africain envisage d’amender la constitution pour permettre l’expropriation sans compensation des terres arables et leur redistribution en faveur de la majorité noire du pays. Mais, contrairement à ce que laisse entendre Donald Trump, rien n’a encore été voté en ce sens et les modalités de ces éventuelles expropriations ne sont pas connues. Le tweet du président américain fait en outre un lien contestable avec les attaques de fermes, un sujet sensible et complexe en Afrique du Sud.
Le site sud-africain Bussinesstech cite à ce sujet le communiqué de l’Anti-Defamation League (ADL) américaine, qui s’est dit “troublée que le Président des États-Unis relaie une idée persistante et fausse, véhiculée par les suprémacistes blancs, selon laquelle les fermiers blancs sud-africains seraient tués à grande échelle par la majorité noire du pays.”
Le site sud-africain rappelle qu’il y a eu “47 fermiers sud-africains assassinés entre les mois de mars 2017 et 2018 “, selon le plus grand syndicat agricole du pays, à mettre en perspective avec les “19 000 homicides commis à l’échelle du pays” à la même période. En 2017, le site de fact- checking Africa Check avait pour sa part mis à mal l’idée que les attaques de fermes dans le pays avaient des motivations principalement raciales.
Les responsables sud-africains montent au créneau
Quant aux responsables politiques sud-africains, ils sont intervenus pour démentir les “mensonges” de Donald Trump rapporte l’hebdomadaire Mail & Guardian.
“La ministre sud-africaine des affaires étrangères Lindiwe Sisulu a estimé que ce tweet était ‘malheureux’ et ‘basé sur de fausses informations’’’. Elle a demandé que l’ambassadeur des États-Unis à Pretoria vienne s’expliquer sur la question. Quant au Président sud-africain Cyril Ramaphosa, il a pris la plume dans une tribune du Financial Times, afin de préciser le projet et le calendrier de son gouvernement. “Il ne s’agit pas de remettre en cause la propriété privée”, précise le chef de l’État, qui rappelle que “la réforme agraire ne doit pas menacer les investissements étrangers, ni mettre en péril la sécurité alimentaire” de l’Afrique du Sud.