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✊ SPECIAL NAKBA _ Les 70 ans de la Nakba, la conférence IARPP de 2019 en Israël et les actions en protestation

Elizabeth
Berger, Rebecca Fadil, Samah Jabr & Christine Schmidt, Chronique Palestine,
29 avril 2018

Les récents
massacres à Gaza n’ont fait que renforcer l’héritage de la Nakba comme un arc
d’atrocités permanent plutôt qu’un seul événement de 70 ans, isolé dans le
temps.
“L’esprit
des Palestiniens est plus fort que n’importe quel mur !”

Résister
à la Nakba en tant que réalité historique et contemporaine est donc un défi de
taille pour nous en tant que cliniciens de la santé mentale et en tant qu’êtres
humains.

Néanmoins,
nous aimons croire que notre trousse professionnelle à outils nous prépare
spécialement à ce travail dans une certaine mesure, en tant qu’étudiants de la
motivation qui accordent une grande importance à des réalités attestées; et
plus encore, en tant que professionnelles de la santé qui s’engagent à défendre
le bien-être du public et tentent de parler au nom des victimes, de ceux dont
on interdit la parole et des opprimés.
Bien que
cette mission soit très difficile en ce qui concerne la Palestine, nous
considérons que l’appel au Boycott, au
Désinvestissement et aux Sanctions
(BDS) de la société civile
palestinienne offre de puissantes voies de résistance non violentes, suscitant
un intérêt et un engagement croissants à l’échelle internationale. Nous
rapportons ici des actions de protestation qui ont été lancées récemment en
parallèle avec le mouvement BDS qui agit dans le même sens.
En
décembre 2017, le Conseil d’administration de l’Association internationale de
psychanalyse relationnelle et de psychothérapie (IARPP)
a révélé son intention de tenir sa réunion annuelle de 2019 en Israël. Nous,
soussignées, avons envoyé une lettre par courrier électronique au Conseil pour
lui demander de reconsidérer ce choix de lieu, citant la politique israélienne
de violation des droits de l’homme et l’extrême difficulté rencontrée par les
cliniciens palestiniens pour assister à une telle réunion.
Le
Conseil a rapidement refusé, affirmant que notre requête « étouffait le
débat ». Nous avons ensuite obtenu l’aide du Réseau de
santé mentale UK-Palestine
et de la Jewish Voice for Peace
pour rééditer notre lettre sous forme de pétition qui a été signée (situation
d’avril 2018) par plus de 1300 professionnels de la santé mentale dans le
monde.
Loin de
clore le débat, l’action de protestation a ouvert la porte à un vigoureux débat
tant au sein des membres de l’IARPP qu’en de nombreux autres lieux. L’action de
protestation a fait l’objet de nombreuses déclarations de soutien telles que
celle du groupe directeur du Réseau de santé mentale Royaume-Uni-Palestine et
publiée par Alice Rothchild MD du Conseil consultatif de Jewish Voice
for Peace–Health Advisory Council
.
Fait
important, 24 professionnels de la santé mentale palestiniens qui sont citoyens
d’Israël ont rédigé une déclaration en appui de la pétition et 34
professionnels de la santé mentale membres de l’organisation israélienne de
défense des droits de l’homme Psychoactive
(dont 11 sont également membres de l’IARPP) ont publié une déclaration séparée
en appui à la pétition de protestation.
Parfois,
les parcours suivis par ces groupes et qui ont conduit à ces déclarations
étaient très pénibles. Dans certains cas, ceux qui soutenaient la protestation
étaient sous l’intimidation de ceux qui défendaient la position officielle
israélienne, et des menaces étaient proférées pour faire taire les voix de ceux
qui résistaient, exigeant ainsi un grand courage de la part de ceux qui
prenaient la parole.
Nous
avons été heureuses de constater que la protestation a rassemblé non seulement
des signatures mais aussi de nombreux bénévoles désireux d’organiser leurs
propres communautés dans une action coordonnée. La pétition et d’autres
documents et lettres ont été traduits en plusieurs langues et des groupes de
travailleurs de la santé mentale d’autres pays ont exprimé leur intérêt à
former leurs propres réseaux locaux en faveur de la Palestine.
En outre,
une attention considérable a été accordée à la conférence internationale de
2018 que l’IARPP organise à New York, stimulant un large éventail de réactions
de protestation. Certains participants aux présentations programmées ont choisi
de retirer leur participation; une table-ronde n’a pas pu se dérouler. D’autres
membres de l’IARPP ont écrit des lettres à l’IARPP expliquant leur retrait
complet de l’organisation. Par contre, d’autres présentent à la réunion de New
York des communications en appui à la Palestine.
Les
soussignées ont organisé un forum alternatif de trois heures intitulé
« Voices on Palestine », une session par et pour les travailleurs de
la santé mentale sympathisants de la Palestine. Notre forum se tiendra à la
mi-journée dans une salle de conférence du même hôtel que la réunion de l’IARPP
et a été programmé pour éviter tout conflit avec un conférencier de l’IARPP.
Nous invitons tous les travailleurs de la santé mentale intéressés à se joindre
à nous. Le Conseil et les membres de l’IARPP ont également été invités à y
participer, dans l’espoir de développer une véritable interaction avec eux.
Nous
pouvons donc conclure que les initiatives de protestation de nature
professionnelle ne font pas cesser le dialogue, comme on l’a souvent soutenu
dans la critique des boycotts culturels et universitaires. Les initiatives de
protestation ne font taire personne. Au contraire, le processus et le but de
telles actions de protestation font surgir de manière créative des désaccords
latents, et de façon à ce qu’ils puissent être discutés ouvertement. Bien que
personne ne puisse parler au nom de ceux qui ont été réduits au silence, sauf
ceux qui se sont tus, nous observons que les actions de protestation peuvent
élargir le débat entre toutes les parties et approfondir l’engagement
international. La résistance est donc elle-même un mode puissant de discussion,
empêchant que les voix qui ont été réduites au silence ne restent à jamais
inaudibles.