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Le Bangladesh s’inspire de Duterte dans sa guerre contre la drogue

Lina
Sankari, L’ Humanite, 28 Mai, 2018

91
personnes auraient été tuées dans des exécutions extra-judiciaires. Cette
campagne contre le trafic hors du cadre légal marque une nouvelle étape dans le
durcissement du pouvoir bangladais.

Le pouvoir
a ordonné l’arrestation de centaines de Rohingyas qui auraient été utilisé par
les trafiquants pour passer les pilules de Ya ba. Photo : AFP

Les
méthodes de Rodrigo Duterte s’exportent au-delà des frontières philippines.
Signe de la montée de nouvelles formes d’autoritarisme en Asie, le Bangladesh a
lui-même engagé une lutte sanglante contre les trafiquants de drogue menant
sans doute à des exécutions extra-judiciaires. Depuis le 15 mai, 91 personnes
ont ainsi trouvé la mort sur un total de 2 300 arrestations. 2,5 millions de
dollars de drogue auraient par ailleurs été saisis. Officiellement, la plupart
sont décédés dans des fusillades mais, selon les témoignages de plusieurs
familles, leurs proches seraient morts en détention sans que preuve ait été
faite de leur implication dans le trafic. Selon Odhikar, une association de
défense des droits de l’homme, la plupart des personnes exécutées se
révéleraient être des toxicomanes et des convoyeurs de drogue tuées dans des
villes reculées du pays. 

4% de la
population accroc
Cette
guerre contre la drogue marque une nouvelle étape dans le durcissement du
pouvoir bangladais sous la houlette de la Ligue Awami, le parti laïc héritier
de la lutte pour l’indépendance contre le Pakistan. Cheffe du gouvernement
depuis 2009, Sheikh Hasina réprime sévèrement les syndicalistes mais aussi les
journalistes, les opposants politiques. Elle a également permis à la police de
détenir, torturer et tuer des militants islamistes présumés. «Nous sauverons le
pays des griffes de la drogue tout comme nous l’avons fait pour réprimer le
militantisme (islamiste, ndr) », explique sans ambages Sheikh Hasina.
Selon les autorités, 7 millions de Bangladais, soit environ 4% de la
population, seraient des consommateurs réguliers de drogue et particulièrement
de Ya ba, la pilule « des déments », un mélange de méthamphétamine et
de caféine, le plus consommé en Asie et produit en Birmanie. L’équivalent de
plus de 40 millions de dollars de cachets entrerait dans le pays
annuellement. 
« N’importe
qui pourrait être ramassé demain »
La lutte
contre cette drogue s’est renforcée depuis l’été dernier et l’exil massif de
Rohingyas fuyant les massacres en Birmanie. Le pouvoir a ainsi ordonné
l’arrestation de centaines de réfugiés qui auraient été utilisé par les
trafiquants pour passer les pilules de Ya ba.  « Au lieu de prendre
des mesures efficaces pour nettoyer les réseaux et renforcer la loi pour
pourchasser les barons, les autorités ont soudainement commencé cette guerre
contre les petits. N’importe qui pourrait être ramassé demain et étiqueté en
tant que dealer. Personne n’est en sécurité hors du règne de la loi », dénonce
Badiul Alam Majumdar, co-fondateur de l’association des Citoyens pour la bonne
gouvernance (Shujan). Aux Philippines qui sert de modèle pour cette campagne
contre la drogue, 4200 personnes ont trouvé la mort. Le trafic reste néanmoins
présent.