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Turquie. Un début de campagne difficile pour Erdogan

Courrier International, 28/05/2018

À un mois des élections anticipées, le président turc a
lancé sa campagne vendredi 24 mai, alors que sa popularité est en chute
dans les sondages et que l’économie du pays se trouve dans une
situation difficile.
Un véhicule faisant la promotion de la campagne de Recep
Tayyip Erdogan traverse Ankara, en Turquie, le 28 mai 2018.  Photo Diego
Cupolo/NurPhoto/AFP

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a présenté jeudi
24 mai son programme pour les élections présidentielle et législatives
anticipées qui se tiendront le 24 juin. Avec l’aide des voix du MHP, le
parti d’extrême droite avec lequel il a forgé une alliance, Erdogan espère
emporter l’élection dès le premier tour. Mais “Le Chef”, comme le surnomment
ses partisans, est en berne dans les sondages. D’après une enquête citée par le
quotidien de l’opposition kémaliste et laïque Sözcü
, il ne serait
crédité que de 42 % des intentions de vote au premier tour et ne serait
même que légèrement en tête lors d’un éventuel second tour.

L’état de l’économie turque, en particulier la chute
spectaculaire du cours de la monnaie nationale, qui a atteint son niveau le
plus bas le 23 mai, joue en sa défaveur. “Tout le monde retient son
souffle et regarde l’envolée du dollar, qui n’est que l’illustration de la crise
qui s’aggrave de jour en jour en Turquie”, écrit l’éditorialiste Hasan Cemal sur le site
Internet d’opposition libérale T24.
 Le journaliste vise Erdogan
et assure que “cela est la faute d’un seul homme, qui s’accapare le rôle de la
Banque centrale, décide seul des taux d’intérêt et est responsable de la chute
des cours”.
La presse progouvernementale, elle, croit voir la main de
l’étranger derrière ces évolutions : “Que l’on me traite de complotiste
tant que l’on voudra, mais le retrait des investisseurs de Turquie est une
opération politique, c’est la réalité”, estime un
éditorialiste du quotidien islamo-nationaliste Yeni Safak.
Un pays polarisé à l’extrême
“Les raisons de s’inquiéter du bon déroulement des
élections”, titre le site
internet
Bianet,
qui s’inquiète, comme une partie de l’opposition, que le gouvernement ait
recourt à la fraude pour assurer sa victoire, des accusations de ce type ayant
notamment déjà eu lieu lors du référendum constitutionnel d’avril 2017.
D’autant que s’il peut espérer remporter la présidentielle, l’AKP, le parti au
pouvoir, craint de perdre les élections législatives, ce qui entraverait
l’action de l’exécutif. “J’entends certains dire qu’ils voteront pour Erdogan
mais qu’ils ne donneront pas leurs voix à l’AKP parce qu’ils sont mécontents de
l’action de leurs élus locaux ou de l’arrogance de certains cadres du parti.
Mais ceux-là tombent dans le piège dressé par l’impérialisme et les puissances
étrangères qui, n’ayant pas réussi à renverser Erdogan, veulent lui lier les
mains grâce à l’Assemblée”, prévient le
journal progouvernemental Star
.
Quel que soit le résultat des élections, le lendemain du
scrutin est aussi source d’inquiétudes dans un pays polarisé à l’extrême. Le quotidien
d’opposition Cumhuriyet s’indigne
ainsi des propos tenus le
24 mai par un invité de la chaîne progouvernementale Akit TV : “Je
place tous mes espoirs dans la victoire, mais si le contraire se produit, le
25 juin je prendrai mes armes, j’implorerai l’aide de Dieu et je
descendrai dans la rue.”