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💥 SPECIAL SYRIA _ Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni mènent des frappes en Syrie

Christophe
Vogt, Jerome Cartillier, La Presse, 13 avril 2018

Les
États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont mené samedi des frappes ciblées
contre la Syrie pour punir le régime de Bachar al-Assad accusé par Donald Trump
d’avoir mené des attaques chimiques «monstrueuses».

Sont
visées avec différents types de bombes des cibles multiples, notamment des
infrastructures de production chimique, ont dit des responsables américains,
précisant que des missiles de croisière Tomahawk ont notamment été
utilisés.
Au moment
même où le président américain s’exprimait depuis la Maison-Blanche, des
détonations étaient entendues à Damas, marquant un nouveau chapitre dans ce
pays ravagé par une guerre sanglante qui dure depuis sept ans.
Selon un
correspondant de l’AFP sur place, plusieurs explosions successives ont été
entendues suivies par des bruits d’avions tandis que des colonnes de fumée
s’élevaient du nord-est de la ville.
«J’ai
ordonné aux forces armées des États-Unis de lancer des frappes de précision sur
des cibles associées aux capacités du dictateur syrien Bachar al-Assad en
matière d’armes chimiques», a lancé M. Trump.
«Une
opération combinée est désormais en cours avec la France et le Royaume-Uni,
nous les remercions tous les deux», a-t-il ajouté.
La défense
anti-aérienne syrienne est entrée en action contre «l’agression américaine,
britannique et française», a rapporté la télévision d’État syrienne.
Le régime
syrien a jugé que cette opération militaire constituait une violation
«flagrante» du droit international et était «vouée à l’échec».
La
Russie, soutien indéfectible du régime de Damas, a vivement réagi par la voix
de son ambassadeur aux États-Unis, Anatoli Antonov. «Nos mises en garde n’ont
pas été entendues», a-t-il estimé, jugeant que ces frappes étaient une
«insulte» au président russe Vladimir Poutine.
Pas de
pertes américaines
Selon le
général Joe Dunford, chef d’état-major américain, les forces occidentales ont
visé samedi à 1h, trois cibles liées au programme d’armement chimique syrien,
l’une près de Damas et les deux autres dans la région de Homs, dans le centre
de la Syrie.
Il a
précisé qu’aucune autre opération militaire visant la Syrie n’est prévue à ce
stade.
Selon
lui, les alliés ont pris soin d’éviter de toucher les forces russes, massivement
présentes dans le pays, mais que Moscou n’avait pas été averti à l’avance des
cibles choisies.
«Il est
clair que le régime Assad n’avait pas reçu le message l’an dernier», a déclaré
le ministre américain de la Défense Jim Mattis, rappelant la frappe américaine
d’avril 2017 sur la base militaire d’Al-Chaayrate, près de Homs, après une
autre attaque à l’arme chimique imputée à Damas.
«Nous
avons été très précis et la réponse était proportionnée, mais, en même temps,
ce fut une frappe lourde», a-t-il ajouté, précisant que les forces américaines
avaient employé deux fois plus de munitions que l’an dernier.
Aucune
perte américaine n’a été rapportée lors de l’opération, selon le Pentagone.
Selon
l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), des centres de recherche
scientifique, «plusieurs bases militaires» et des locaux de la garde
républicaine à Damas et ses environs ont été pris pour cibles.
De
Londres, la première ministre britannique Theresa May a affirmé qu’il n’y avait
«pas d’alternative à l’usage de la force», assurant que «tous les recours
diplomatiques» avaient été explorés, en vain.
Le
ministère britannique de la Défense a annoncé avoir frappé, à l’aide de quatre
avions de chasse Tornado GR4 de la Royal Air Force, un «complexe militaire»
près de Homs, à l’ouest de la Syrie. Il a parlé d’une opération «couronnée de
succès».
Moscou a
«trahi ses promesses»
Depuis
Paris, le président français Emmanuel Macron a souligné que les frappes
françaises étaient «circonscrites aux capacités du régime syrien permettant la
production et l’emploi d’armes chimiques».
«Nous ne
pouvons pas tolérer la banalisation de l’emploi d’armes chimiques», a-t-il
martelé.
Donald
Trump a mis en garde l’Iran et la Russie, qui ont déployé des milliers d’hommes
et du matériel pour aider Bachar al-Assad à reconquérir le pays, contre leurs
liens avec la Syrie.
M. Trump
a exhorté Moscou «à quitter la voie sinistre» du soutien à Bachar al-Assad. Il
a affirmé que la Russie avait «trahi ses promesses» de 2013 sur l’élimination
des armes chimiques syriennes.
Il a
aussi estimé que le sort des pays de la région était entre les mains de leurs
habitants et qu’aucune intervention militaire américaine ne pourrait, à elle
seule, apporter une «paix durable».
En avril
2017, Donald Trump avait fait bombarder une base militaire syrienne, en riposte
à une attaque au gaz sarin imputée au régime, qui avait tué plus de 80 civils à
Khan Cheikhoun (nord-ouest).
Cette
fois encore, c’est une attaque chimique présumée –le samedi 7 avril à Douma,
près de la capitale syrienne– qui est à l’origine des frappes déclenchées dans
la nuit de vendredi à samedi après une mobilisation de la communauté
internationale, déjà saisie par l’horreur d’une guerre civile qui a fait plus
de 350 000 morts depuis mars 2011.
«Preuve»
de l’attaque chimique
Le
bombardement intervient quelques heures seulement après que le Département
d’État a assuré avoir «la preuve» de l’utilisation d’armes chimiques par les
forces de Bachar al-Assad.
Le
président américain avait rapidement adopté une rhétorique belliqueuse après
l’attaque, dénonçant dès le lendemain une «attaque chimique insensée»,
prévenant qu’il faudrait en «payer le prix fort» et pointant du doigt la
«responsabilité» de la Russie et de l’Iran soutenant «l’animal Assad».
Le danger
est bien là, selon les experts. Russes et Iraniens ont beaucoup d’hommes sur le
terrain pour aider Damas à reprendre tout le pays à de multiples groupes
rebelles.
La
Russie, indéfectible soutien au régime de Bachar al-Assad, a fait usage à douze
reprises de son veto en sept ans de conflit sur des projets de résolution au
Conseil de sécurité contre la Syrie.
Selon un
bilan à mi-mars de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui
dispose d’un vaste réseau d’informateurs à travers la Syrie, 106 390 civils ont
été tués dont près de 20 000 enfants.
Dans ce
pays qui comptait quelque 23 millions d’habitants avant le conflit, environ la
moitié de la population a été contrainte de fuir son foyer en raison des
combats.