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Italie: comment l’immigration a été instrumentalisée durant la campagne électorale

Olivier Tosseri, LesEchos, 01/03/2018

Malgré la
baisse des arrivées de migrants sur les côtes et les besoins de main-d’oeuvre
pour l’économie, les partis politiques jouent sur la peur de l’immigration.


 
L’année
dernière, 120.000 migrants sont arrivés dans la Péninsule, contre 180.000
l’année précédente – AFP PHOTO/Jean-Christophe Magnenet
Avant que
ne commence la campagne électorale, le gouvernement pensait avoir enlevé un
argument à ses adversaires populistes.  L’action
ferme du ministre de l’Intérieur,
Marco Minniti sur le dossier de
l’immigration avait permis la baisse significative des arrivées de migrants sur
les côtes italiennes. 

L’an
dernier, elles ont chuté de 35 % en provenance de Libye où  des accords
ont été conclus
avec les tribus et les milices locales pour enrayer
les départs. Quelque 120.000 migrants sont arrivés dans la Péninsule en 2017,
contre 180.000 l’année précédente. L’image de fermeté du ministre et la
quasi-disparition dans les médias des images de navires des ONG secourant en
mer des embarcations en difficulté donnaient la sensation que la situation
était sous contrôle.
Report de
la loi sur le droit du sol
Il aura
suffi d’une série de
faits divers
impliquant ces dernières semaines des étrangers pour
que le dossier immigration domine la campagne électorale. Le climat est devenu
délétère depuis l’automne et le  report par le
gouvernement de l’adoption du droit du sol
, pourtant sous certaines
conditions, pour les enfants nés en Italie de parents étrangers. Paolo
Gentiloni a justifié sa décision par les divisions de l’opinion et au sein de
la classe politique.
Profondes
divisions
Elles
n’ont jamais été aussi profondes, attisées par des discours xénophobes de la
Ligue, imitée par Silvio Berlusconi. 

Le
Cavaliere, cherchant à ne pas perdre du terrain face à un allié qui devient de
plus en plus un rival au sein de la coalition de centre droit, a stigmatisé
« la bombe sociale que représentent les immigrés. 600.000 n’ont pas le
droit de rester en Italie et vivent de petits crimes et d’expédients. Nous les
expulserons. » Un discours identique à  Matteo
Salvini
pour qui « l’immigration incontrôlée apporte le chaos,
la rage, les vols et le trafic de drogue », et qui ne cesse de dénoncer
« l’invasion » de son pays « transformé en un énorme camp de
réfugiés ».

6 millions
d’étrangers
Des
propos en contradiction avec les chiffres du ministère de l’Intérieur qui
recensait au 1er janvier 2017 un peu moins de 6 millions d’étrangers
dont 491.000 en situation irrégulière, soit environ 8 % du total. Sur
l’ensemble de l’année dernière, le nombre d’immigrés en situation irrégulière
n’aurait augmenté « que » de 50.000 personnes. Ils sont actuellement
près de 186.000 dans les différentes structures d’accueil réparties sur
l’ensemble du territoire.
Immigration
et délinquance
Alors que
70 % des Italiens disent se sentir en insécurité, la coalition de centre
droit en tête dans les sondages fait le lien entre immigration et délinquance,
tandis que la gauche demeure timide sur le sujet. Aucune proposition en
revanche concernant l’intégration alors que le pays, qui perd chaque année près
de 300.000 habitants, a besoin de travailleurs aussi bien pour ses entreprises
que pour la viabilité de son modèle social.