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Pourquoi le mot islamophobie dérange: réponse à Justin Trudeau

Daniel Baril 02/02/2018
Justin Trudeau s’est à nouveau illustré par des propos insipides lors de la commémoration de la tuerie de la mosquée de Québec.

Prenant la parole à cette cérémonie du 29 janvier, le premier ministre du Canada s’est demandé « pourquoi le mot islamophobie nous met mal à l’aise?» Comparant ce terme à celui d’homophobie pour lequel, dit-il, «personne ne se plaint», il a déclaré qu’il y avait donc «une réflexion que nous allons devoir avoir en tant que société».

Cette affirmation est un aveu qu’il n’a pas réfléchi aux différences sociologiques à la source de ces deux termes. Sans tenir compte de la mauvaise construction sémantique du mot islamophobie qui réfère plus à la haine qu’à la peur, son sens actuel et son usage médiatique se sont développés à la suite d’une série d’attentats terroristes internationaux qui a débuté avec l’attaque du World Trade Center. S’en est suivi la montée de l’islamisme politique, alimenté par les guerres d’Irak et d’Afghanistan, qui a culminé avec les horreurs et les génocides commis par l’État islamique menaçant par sa terreur la planète tout entière. Le Québec et le Canada n’y ont pas échappé.
Il y a donc des raisons objectives qui font qu’il est légitime, voire salutaire, de craindre et de combattre la montée de ce courant fasciste dont aucune région du monde n’est à l’abri.
De plus, le terme islamophobie est couramment utilisé pour faire taire toute critique de l’islam présentée non pas comme un discours rationaliste sur la religion, mais comme une forme de «racisme antimusulman». Cet usage a été répandu au niveau international par les islamistes. Au Québec, c’est notamment le cas du collectif d’Adil Charkaoui qui voit de l’islamophobie dans la loi 62 qui vise à ce que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert.
Si le terme islamophobie dérange, cher Monsieur Trudeau, c’est tout simplement parce que le concept occulte délibérément les causes du sentiment de crainte face à l’islamisme politique et qu’il culpabilise ceux qui éprouvent un tel sentiment en leur disant qu’ils sont racistes.
Faut-il aussi vous expliquer, Monsieur Trudeau, qu’on ne retrouve rien de semblable du côté des homosexuels?
Faut-il aussi vous expliquer, Monsieur Trudeau, qu’on ne retrouve rien de semblable du côté des homosexuels? Ils n’attaquent pas les hétérosexuels, ne mènent pas de lutte armée pour les éliminer, ne les jettent pas en bas des édifices, ne commettent pas de génocides, ne décapitent ni ne lapident personne en raison d’une orientation sexuelle différente. Ils n’utilisent pas le terme homophobie pour faire taire les humoristes souvent sarcastiques, voire offensants, à leur égard.
Même si certains hétérosexuels voient dans l’homosexualité une menace à leur virilité, il faut bien reconnaître qu’homophobie et islamophobie, malgré une même construction erronée, ne sont pas des ressentiments construits sur des contextes sociologique et politique semblables et ne suscitent pas les mêmes craintes. Les deux réalités n’ont rien de comparable. Nul besoin d’envisager une commission parlementaire pour faire le point sur le sujet.
Philippe Couillard l’immigrant
À cette même cérémonie de commémoration du 29 janvier, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a pour sa part déclaré que «nous sommes tous venus d’ailleurs rejoindre les Premières nations. Il n’y a que la date qui change». Et la foule applaudit ces propos obscurantistes qui ont pour effet de dire que nous sommes tous des immigrants. À moins qu’il ne fasse référence à son retour d’Arabie saoudite, Philippe Couillard n’est pas venu d’ailleurs : il est né à Montréal le 26 juin 1957.
S’il n’est pas de mise de considérer que des gens nés ici de parents immigrés sont des immigrants, il n’est pas de mise non plus de considérer que nous sommes tous venus d’ailleurs et que nous serions donc tous immigrants. Cette posture de colonisé efface la réalité de la nation québécoise qui donne des ulcères à Philippe Couillard. Et si nous étions tous venus d’ailleurs, il faudrait aussi considérer que c’est le cas pour les premières nations; il n’y a que la date qui change.
Le «nous» de Philippe Couillard a rejoint le multiculturalisme sans âme et sans nation de Justin Trudeau. En décembre 2015, ce dernier déclarait au New York Times Magazine que «le Canada n’a pas d’identité propre» et qu’il est «le premier État postnational» au monde. Je ne veux pas vivre dans ce pays-là. Si un État peut à la rigueur se définir comme multiculturel, les citoyens ne peuvent pas se définir comme étant sans appartenance à un groupe spécifique, qu’il soit ethnique, culturel ou religieux. L’approche communautarienne et multiculturaliste qui occulte l’identité nationale ─ canadienne ou québécoise ─ en prétendant l’existence d’un grand «nous» composé d’une multitude de petits «nous», ne fait que renforcer la posture identitaire des groupes minoritaires. Qui plus est, elle le fait en misant principalement sur leur identité religieuse, alors que la religion est l’un des éléments identitaires les plus diviseurs dans une société.
L’identité ne devient alors respectable que pour les groupes minoritaires, mais pas pour la nation québécoise qui est elle-même une minorité au sein du Canada.
La commémoration de la tuerie de la mosquée de Québec s’est faite sur le thème du «vivre ensemble». Une chorale y a pourtant chanté «Chantons ensemble la langue de nos âmes; Célébrons nos différences». Je veux bien chanter avec tout le monde. Mais qu’on nous dise sur quel pied il faudrait danser : danser ensemble ou selon nos différences?