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La solution à deux États est-elle encore possible?

La solution « à deux États » (Israël et Palestine) vivant côte à côte et dont les frontières seraient proches de celles de 1967, avec des échanges mineurs de territoires, est moribonde.



L’Autorité palestinienne (AP), tout comme la communauté internationale en général, appuie la solution à deux états comprenant un État palestinien indépendant (Cisjordanie, Gaza et Jérusalem Est) vivant en paix avec Israël dans ses frontières de 1967 ainsi qu’une solution « juste » pour les réfugiés.

Il existe tout un débat à savoir ce qu’il adviendrait du caractère juif et démocratique d’Israël si Israël annexait la Cisjordanie et Gaza. C’est un faux débat, car ni le gouvernement de droite/extrême droite israélien dirigé par Benjamin Netanyahou ni les partis d’opposition du centre et de gauche ne désirent annexer tous ces territoires.
Netanyahou adopte une vision restrictive de la solution à deux états. Selon lui, les Palestiniens devraient reconnaitre Israël comme un État juif et accepter la démilitarisation de la Cisjordanie et son contrôle militaire par Israël. Israël garderait sous sa juridiction, Jérusalem-Est et des colonies de peuplement. La Palestine serait un État autonome et non souverain sur les questions de sécurité.
Ce qui intéresse la droite et peut être certains partis du centre en Israël, c’est une annexion partielle de la Cisjordanie et la création d’un état autonome palestinien dans Gaza et une partie de la Cisjordanie.
Ce qui intéresse la droite et peut être certains partis du centre en Israël, c’est une annexion partielle de la Cisjordanie et la création d’un état autonome palestinien dans Gaza et une partie de la Cisjordanie. Cette dernière est présentement divisée en zones A, B et C . L’AP a en théorie juridiction administrative et sécuritaire sur la zone A (20% de la Cisjordanie) et administrative sur la Zone B (20%) qu’elle cogère avec Israël. Israël assure le contrôle total de la Zone C (60%). En pratique, Israël contrôle militairement toute la Cisjordanie.
La Zone C contient toutes les colonies, plus de 200. Ces dernières renferment les gros blocs de colonies situés près de la frontière de 1967 comprenant autour de 210 000 colons. À cela, s’ajoutent les nombreuses colonies isolées contenant autour de 170 000 colons. Jérusalem-Est, annexée par Israël en 1980, absorbe 205 000 colons. Si l’on ajoute les colonies illégales, selon la loi israélienne, on arrive à une population autour de 600 000 colons. La population palestinienne maximale qui pourrait être annexée par Israël est estimée à 620 000 soit 300 000 pour la zone C et 320 000 pour Jérusalem-Est.
Dans le scénario d’une annexion partielle, la population palestinienne annexée aurait les mêmes droits que les Israéliens et donc la menace pour Israël de perdre son caractère juif et démocratique serait minime puisque la population arabe israélienne et palestinienne sous juridiction israélienne y serait minoritaire (2,4 millions) et qu’elle ne mettrait pas en danger la majorité juive en Israël et les colonies annexées (6,5 millions). Dans ce scénario, la démocratie israélienne s’appliquerait tant aux Juifs qu’aux Arabes, ce qui n’est pas le cas présentement dans les territoires occupés.
La question du statut de Gaza reste en suspens tant que le Hamas restera une organisation terroriste.
Selon les lois internationales, une annexion unilatérale par Israël de la Zone C, en tout ou en partie, serait illégale. Une annexion totale de cette zone serait similaire à la politique illégale sud-africaine des Bantoustans où les colonies encercleraient les villes/villages palestiniens, rendant improbable l’établissement d’un territoire contigu palestinien viable.
Certains font la promotion d’un État binational (Israël plus Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est) où Israéliens et Palestiniens vivraient ensemble en harmonie dans un état démocratique et laïc où tous les citoyens auraient les mêmes droits. Cette solution est appuyée par l’extrême gauche palestinienne et occidentale et le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) anti-israélien.
Peu considérée tant en Israël que dans les cercles internationaux, l’option d’un état binational n’est pas sur la table. Quant à la solution à deux états, elle bat de l’aile surtout après les déclarations du président Trump favorables à Israël sur la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme la capitale d’Israël.
Dans un contexte où le rapport de force est nettement en faveur d’Israël, trois scénarios sont envisagés.
Le scénario le plus pessimiste pour les Palestiniens suppose un état palestinien autonome restreint (Scenario 1) aux zones A et B de la Cisjordanie plus Gaza. Toute la zone C en plus de Jérusalem-Est serait annexée à Israël. Pour les lieux saints, Israël maintiendrait le statu quo. La sécurité militaire sur la Palestine serait assurée par Israël. Dans cette option, Israël maximise l’absorption de territoires avec le moins possible de population palestinienne.
Dans un scénario plus favorable aux Palestiniens, soit une autonomie élargie (Scenario 2), seuls les gros blocs de colonies et une partie de Jérusalem-Est sont annexés à Israël. En retour, Israël cède des territoires israéliens. Le statut des lieux saints et de la sécurité militaire est semblable au Scenario 1. Une aide massive internationale est fournie à la Palestine et aux réfugiés.
Le scénario le plus optimiste pour les Palestiniens prévoit un état palestinien souverain (Scenario 3) qui se réaliserait par étape sur une longue période, avec des garanties strictes sur la sécurité d’Israël, des transferts réciproques de territoires et une aide internationale comme dans le Scénario 2. Cela pourrait se réaliser si un président et un congrès américain à majorité démocrate étaient élus en 2020, une hypothèse réaliste et si l’opposition israélienne arrivait au pouvoir d’ ici l’automne 2019, une hypothèse optimiste.
En regard des déclarations de Trump sur Jérusalem, et de l’ébauche de son plan de paix qui serait, selon plusieurs sources, clairement favorable à Israël, l’AP a opté pour une action diplomatique dans l’espoir d’exercer une pression internationale sur Israël et les EU. L’AP ne veut ni de Trump comme médiateur ni de son plan de paix. Ce plan offre, selon Saeb Erekat, l’ancien négociateur pour l’AP, une “autonomie éternelle pour la Palestine”. Israël refuse l’exclusion des EU comme médiateur principal alors que l’Union européenne soutient une approche multilatérale incluant les EU, une option acceptable par l’AP.
Étant donné la profonde méfiance entre les dirigeants israéliens et américains, d’ une part, et les dirigeants palestiniens, d’autre part, il est probable que la voie de la négociation frappe de nouveau un mur, avec pour conséquence, la poursuite de la colonisation et l’annexion graduelle des gros blocs de colonies menant à de nouvelles explosions de violence voire à une nouvelle guerre dans la région. Peut-être un nouveau leadership émergera en Palestine, en Israël et aux EU d’ici 2020 qui pourrait rebrasser les cartes en faveur de négociations de paix.