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Journée nationale concernant l’islamophobie: un comité parlementaire recommande au gouvernement de la décréter

Mélanie Marquis 01/02/2018
Le débat sur l’islamophobie peut reprendre. Un comité parlementaire a recommandé jeudi au gouvernement fédéral de décréter le 29 janvier “Journée nationale de commémoration et d’activités concernant l’islamophobie et toute autre forme de discrimination religieuse”.

Il s’agit de la 30e et ultime recommandation d’un volumineux rapport – non unanime – publié jeudi par le comité permanent du Patrimoine canadien, qui avait reçu le mandat de se pencher sur la question après l’adoption en Chambre de la controversée motion M-103, en avril dernier.
La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, avait laissé entendre lundi que le gouvernement libéral attendait de prendre connaissance du rapport de ce comité avant de prendre une décision concernant la demande de décréter une journée nationale contre l’islamophobie.
À l’entrée de la période des questions, jeudi, elle a dit avoir besoin de davantage de temps pour étudier les recommandations du comité – même si celle sur laquelle on la questionnait, la 30e, tient en une phrase.
“Il y a toujours un processus; je dois m’assurer d’avoir la position du gouvernement, et j’aurai l’occasion d’annoncer la position du gouvernement”, a expliqué Mme Joly, sans préciser quand le verdict pourrait tomber.
Le Conseil national des musulmans canadiens avait écrit à Justin Trudeau en décembre dernier pour lui demander de décréter le 29 janvier, anniversaire de l’attentat à la mosquée de Québec, “Journée nationale de commémoration et d’action contre l’islamophobie”.
Le premier ministre a indiqué que la réflexion libérale se poursuivait. “On est en train de travailler avec la communauté, avec tous les différents partis pour s’assurer que ça soit fait de la bonne façon”, a-t-il fait valoir mardi dernier en marge d’une annonce au parlement.
La veille, dans le discours qu’il avait livré à Québec lors de la cérémonie de commémoration de l’attaque, Justin Trudeau avait mis beaucoup d’accent sur le fait que l’islamophobie existait dans la société canadienne.
La recommandation du comité permanent du Patrimoine canadien risque de relancer le débat sur le terme “islamophobie” sur la colline du Parlement à Ottawa. Les conservateurs et les bloquistes ne sont pas à l’aise avec le terme et s’étaient opposés à la motion M-103.
Au Québec aussi, l’idée de créer une journée nationale contre l’islamophobie divise – des partis représentés à l’Assemblée nationale, seule la petite formation de gauche Québec solidaire souscrit à l’idée.
Le premier ministre Philippe Couillard a signalé qu’il estimait plus judicieux de souligner l'”engagement contre le phénomène du racisme et de la discrimination plutôt que de singulariser une de ses manifestations”.
Dissidence conservatrice
Les élus conservateurs, minoritaires au comité, signent un rapport dissident où ils évoquent cinq aspects de la motion qui posent problème, dont “l’allégation non fondée “d’un climat de haine et de peur qui s’installe dans la population”” et la définition du terme islamophobie.
Ils y accusent les libéraux d’avoir “perverti la motion afin de politiser une question à laquelle des millions de Canadiens attachent de l’importance”, ce qui a eu “pour effet de semer la discorde et d’accroître la menace pour les Canadiens”.
Les conservateurs proposent, dans leur liste de recommandations, de désigner le 29 janvier comme une journée de commémoration, mais avec un libellé différent: “Journée nationale de la solidarité avec les victimes d’actes d’intolérance et de violence antireligieuses”.
Les médias pointés du doigt
Certains des témoins qui ont défilé devant le comité ont abordé le rôle des médias dans la lutte à l’islamophobie.
“Certains étaient d’avis que les reportages sensationnalistes sur certains groupes, en particulier les musulmans, peuvent déformer la réalité et encourager la haine”, est-il écrit dans le rapport déposé jeudi matin en Chambre.
Ayesha Chaudry, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en religion, loi et justice sociale de l’Université de la Colombie-Britannique, a suggéré que les médias “contribuent à perpétuer et à entretenir les opinions selon lesquelles les musulmans sont violents”.
La professeure a ainsi “proposé d’offrir aux médias des séances de formation de sorte que les reporteurs (sic) puissent comprendre comment ils en viennent à contribuer à des discours qui véhiculent des idées arrêtées sur la violence inhérente à l’islam”, lit-on dans le rapport.