Palestine. L’ONU dénonce la détention de Salah Hamouri
Pierre
Barbancey, L'Humanité, 28 Mai, 2018
Le groupe
de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations unies vient de publier
un rapport concernant l’avocat franco-palestinien et estime que celui-ci doit
être libéré immédiatement.
Le
procureur et les services secrets
ont évoqué la possibilité de prolonger
la
détention de Salah Hamouri
après le 30/juin.
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Fait rare
qui montre la gravité de la situation : le groupe de travail du Conseil des droits de
l’homme de l’ONU dédié aux détentions arbitraires vient de publier un rapport
sur Salah Hamouri. Depuis le 23 août 2017, l’avocat franco-palestinien est en
détention. Simple, au départ (il a été arrêté en toute illégalité à son
domicile de Jérusalem-Est, occupée par Israël depuis 1967), transformée ensuite
en détention administrative. Aux six mois exigés par le ministre de la Défense,
Avigdor Lieberman, se sont ensuite ajoutés quatre-vingt-dix jours. Pourquoi ? Personne ne le sait. Le dossier
est secret et même les défenseurs de Salah Hamouri n’en connaissent pas le
contenu ! Tous les
recours, y compris devant la Haute Cour de justice d’Israël, ont été rejetés.
Salah
Hamouri est soumis à ce qu’on appelle le transfert « Bosta »
Le 5
janvier 2018, le groupe de travail de l’ONU s’est adressé au gouvernement
israélien en posant plusieurs questions sur le cas de Salah Hamouri. Il n’a
obtenu aucune réponse. Au regard du droit international, le groupe rappelle que
la privation de liberté est notamment considérée comme arbitraire lorsque celle-ci
est le résultat « de l’exercice des droits ou des libertés garanties par plusieurs
articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme » ou lorsqu’il est « clairement impossible de justifier
une base légale ». Le groupe de travail de l’ONU relève par ailleurs que, selon ses
sources, Salah Hamouri a rencontré beaucoup de difficultés pour avoir accès à
une assistance juridique légale et que « les autorités israéliennes n’ont pas permis au
représentant du Consulat de France de rencontrer Salah Hamouri lorsque celui-ci
était avec son avocat ».
Ce n’est
que deux mois après sa mise en détention que le prisonnier franco-palestinien a
pu recevoir la visite de sa famille, soit le 18 octobre 2017. Mais pas son
épouse, Elsa, qui est interdite d’entrée sur le territoire israélien et donc
non plus son fils, qui vient d’avoir 2 ans et réclame son père. Ces visites
n’ont lieu qu’une fois par mois pour une durée de quarante-cinq minutes, « dans des conditions très
restrictives ». Salah
Hamouri ne peut voir sa famille qu’au travers d’une vitre et la communication
se fait avec un téléphone. « De plus, note le groupe de travail, les salles de visites
sont bondées (avec plus de détenus par salle), les téléphones sont sur écoute
et ne permettent aucune confidentialité ». La prison de Naqab, où il a été placé au
vingtième jour de sa détention, est située dans le désert (extrêmement chaud
l’été, glacial l’hiver), à trois heures de route de Jérusalem-Est, où vivent
ses parents.
Les
sources contactées ont permis aux membres du groupe de travail de considérer
que Salah Hamouri « a été interrogé dans des conditions inhumaines, placé à l’isolement
dans une pièce qui ne remplissait pas les conditions de vie humaine minimales ». Tout semble bon pour tenter de
briser physiquement et psychologiquement les prisonniers. Ainsi, Salah Hamouri
est soumis à ce qu’on appelle le transfert « Bosta ». Chaque fois qu’il doit être entendu par le « tribunal », il est transféré la veille dans
une autre prison, non loin de Jérusalem, à Ramleh où il passe une nuit « dans des conditions de détention
inhumaines ». Même
chose pour le retour. Des nuits qui peuvent s’additionner si l’audience est
prévue un dimanche, début de la semaine en Israël, le prisonnier étant
transféré le vendredi soir. Dans la prison même, la nourriture est très
mauvaise et les prisonniers doivent payer s’ils veulent (et peuvent) améliorer
leur ordinaire, les familles apportant également des couvertures, une paire de
chaussures et le nécessaire pour la toilette. Salah Hamouri, qui était
également en master lors de son arrestation, n’est pas autorisé à poursuivre
ses études.
Aucune
contrainte ne peut être exercée contre Israël
Fidèle à
ses habitudes et à sa morgue, le gouvernement israélien n’a donc pas daigné
répondre au groupe de travail du Conseil des droits de l’homme des Nations
unies qui demandait si des circonstances exceptionnelles – et donc lesquelles –
nécessitaient l’incarcération de Salah Hamouri. Dans ces conditions et puisque
aucune preuve n’est fournie par Israël, la détention s’avère effectivement
arbitraire, ce qui contrevient à la Convention internationale des droits
politiques et civiques dans ses articles 9 et 26, dont Israël est pourtant
signataire, ainsi que de la Déclaration universelle des droits de l’homme, articles
3, 8 et 9.
Le groupe
de travail estime donc que Salah Hamouri doit être libéré immédiatement, qu’il
convient de lui accorder le droit exécutable de compensations et de
réparations, en accord avec les lois internationales, et il appelle le
gouvernement israélien à prendre toutes les mesures contre les responsables de
la privation de liberté de l’avocat franco-palestinien. Le rapporteur spécial
de l’ONU pour la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés va être saisi.
Ces
observations n’ont pas force de loi et aucune contrainte ne peut être exercée
contre Israël. Elles montrent cependant que Tel-Aviv bafoue les droits de
l’homme en plaçant en détention administrative des centaines de personnes,
méprise les institutions internationales en refusant de répondre aux questions
posées par un organisme de l’ONU. Le 22 mai, le tribunal de Jérusalem a
confirmé la détention administrative de Salah Hamouri jusqu’au 30 juin. Le
procureur et les services secrets ont, par ailleurs, évoqué la possibilité de
prolonger la détention après cette date. Une question se pose désormais : Emmanuel Macron peut-il vraiment
recevoir Benyamin Netanyahou le 5 juin prochain, alors qu’un Français est
détenu arbitrairement en Israël, que près de 120 Palestiniens ont été tués dans
la bande de Gaza et des milliers d’autres blessés à balles réelles ?