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Bolsonaro est bien allé à l’ONU, mais ce sont Olavo* et les évangéliques qui ont parlé….

Mário Maestri 27/09/2019
Commentaire dans l’émission Duplo Expresso (vídeo) du 26/09/2019

Tradotto da Fausto Giudice
Le 21 septembre, un article du journal A Folha de São Paulo annonce que le Mythe (Bolsonaro) et ses conseillers enragés ont perdu de leur force. Depuis le début du mois, il aurait cessé de faire signe surtout à ses fans les plus fana. En d’autres termes, les 12% de l’électorat inconditionnel sur lequel il compte, dans lequel se distinguent les hommes âgés, très instruits, très bien payés et pentecôtistes. L’article insinuait que Bolsonaro obéirait à la “liturgie” de la fonction et, surtout, garderait son sang-froid à la veille de l’ouverture de la 74ème Assemblée générale de l’ONU, une occasion exceptionnelle de restaurer son image face à l’opinion publique mondiale. À New York, on a vu ce qu’on a vu. C’est Bolsonaro qui a ouvert la bouche, mais ce sont Olavinho* et les évangéliques qui ont émis leurs grognements.
Encore une fois, c’était une dose de cheval. Cependant, il ne s’agissait pas d’une déclaration erratique et improvisée, écrite par Jairzinho, incapable de signer son nom sans qu’on lui tienne la main. Rédigé sous la direction du général Heleno, avec des objectifs politiques clairs, le discours s’adressait avant tout au public brésilien, et était indifférent à la communauté diplomatique présente. Le ton général était olavista et évangélique, avec une prédication idéologique bizarroïde et absolument indifférent à la vérité des faits, certainement connue du public select qui l’écoutait. Il a avancé la proposition de lutter contre le socialisme et le Forum de São Paulo, son incarnation maléfique, et a dénoncé “l’idéologie du genre”. Il a fait indirectement l’éloge du coup d’État de 1964 et a révélé une attaque des impies contre Dieu, la patrie et la famille. Il a accusé l’idéologie d’envahir la culture, l’école, les médias, les universités, les foyers et, surtout, de pervertir les petits enfants, plus occupés au Brésil à éviter les “balles perdues” de la police militaire. Tout cela pour expulser Dieu de l’âme humaine. 
Je suis le Mythe
Bolsonaro s’est présenté comme un prophète destiné à sauver le pays qui était au bord de l’abîme socialiste. Prédestiné, il aurait échappé par “le miracle de Dieu” à la blessure au couteau du “militant de gauche”, c’est-à-dire Adelio Bispo de Oliveira, déclaré irresponsable, vu son état mental, par la Justice. Selon lui, l’attaque socialiste contre le Brésil avait été ourdie avec l’aide de dix mille faux médecins cubains, asservis par Fidel. Ils auraient repris, vêtus de blanc, l’action des guérilléros, en tenue vert olive, des années 1960, mis en déroute au Brésil par les braves militaires ! Opération socialiste soutenue par des organismes de défense des droits humains et, croyez-le ou non, par l’ONU ! Des médecins cubains ont travaillé ou travaillent dans une centaine de pays, tous présents à la cérémonie d’ouverture e l’AG de l’ONU, sans qu’on ait jamais découvert un bazooka camouflé en thermomètre.
La dictature vénézuélienne a également eu droit à des noms d’oiseaux tandique qu’il a couvert d’éloges les militaires brésiliens, qui ont accueilli ceux qui ont fui le Venezuela. Il a annoncé les efforts des USA et d’autres pays pour rétablir la “démocratie” dans le pays bolivarien et a menacé d’intervenir dans les pays latino-américains qui suivaient la même ligne que lui. Quelque chose de radicalement contraire à la Charte des Nations Unies. Il a appelé à combattre le Forum de Sao Paulo, qui est, selon lui, une organisation criminelle créée par Fidel Castro, Lula et Hugo Chávez pour implanter le socialisme en Amérique latine. Soit dit en passant, ce Forum, à tendance social-démocrate, n’accepte pas les organisations révolutionnaires, ayant expulsé les FARC, en 2002 !
Bolsonaro a réaffirmé, sans élaborer, l’orientation libérale radicale du Brésil, les concessions et privatisations, l’ouverture du marché, la dérégulation radicale, etc. En revanche, il a consacré à l’Amazonie un passage énorme. À ce sujet, le Capitaine Néron [autre des surnoms qu’il s’est attribué, NdT] a proposé, sans rougir, « l’engagement solennel en faveur de la préservation de l’environnement et du développement durable ». Il a affirmé, dans la foulée, que le Brésil est « l’un des pays qui protège le plus l’environnement » dans le monde. La forêt serait, a-t-il dit, « pratiquement intacte ». Il a rejeté une partie de la responsabilité des incnedies d’août 2019 sur les brûlis “spontanés” et ceux « pratiqués par les Indiens et les populations locales ». Il n’a pas dit un mot sur les méga-grileiros et l’agro-business, ses partenaires et bailleurs de fonds.
Tapant du pied, il a déclaré fièrement que le sentiment patriotique brésilien aurait été réveillé par les “attaques sensationnalistes” d'”une grande partie des médias internationaux”. Il a ensuite récité le credo patriotique des hauts officiers sur la défense de la grande forêt. L’Amazonie ne serait pas un patrimoine de l’humanité, ni le poumon du monde. Et elle n’est pas en train d’être ravagée ou consumée par le feu. Il a dit cela alors que les feux sont encore actifs dans la grande forêt. Sans nommer la France et l’Allemagne, il dénoncé l’atteinte à la souveraineté nationale brésilienne et remercié, pour avoir défendu son gouvernement, avant tout Donald Trump au G7. Ensuite, il a présenté sans hésitation le plan mercantile de destruction de l’immense forêt.
Dieu est brésilien !
Il a réaffirmé qu’il n’y aura pas d’autre délimitation des réserves et que leur exploitation est nécessaire, car elles sont riches en minéraux, qu’il a énuméré un à un – or, diamants, uranium, niobium et terres rares. Il a maltraité le chef Raoni, les ONG environnementales, les intérêts internationaux qu’il a qualifiés de dévergondés. Il a fait l’éloge du chef indien qu’il avait emmené dans ses bagages à l’ONU pour prouver que le second gouvernement putschiste a aussi ses Indiens, qui veulent voir exploiter la forêt. Dans les faits, Bolsonaro promet de pas laisser pierre sur pierre.
Il a annoncé une nouvelle “politique indigéniste” qui garantisse “l’autonomie économique des indigènes”. En d’autres termes, l’ouverture des réserves à l’exploitation minière, agricole et de plantation. Pour lui, c’est une nécessité, car, selon lui, le “monde a besoin d’être nourri”. Le projet des généraux putschistes et de l’impérialisme, de partenariat du grand capital international dans l’exploitation et la dévastation des réserves et de la forêt, également avancé. Cette politique, il en a donné les grandes lignes lors de la campagne électorale et il l’a réaffirmée lors des méga-incendies du mois d’août.
Sans faire le geste de flinguer avec ses doigts, il a proposé la pratique, au Brésil, des “normes les plus élevées des droits de l’homme”, avec “la défense de la démocratie et de la liberté d’expression, de la religion et de la presse” et la lutte contre “la corruption et la criminalité”. Il a célébré l’extradition par son gouvernement des exilés politiques italien, chilien et paraguayen de gauche. Il a fait référence au vol de “centaines de milliards de dollars”, par les gouvernements socialistes précédents, pour acheter “une partie des médias et du parlement”. Crimes réprimés par Sérgio Moro, ministre de la Justice et de la Sécurité publique, qu’il a défini comme un symbole de droiture au Brésil. Cela malgré le fait que l’homme est actuellement accusé – avec des preuves irréfutables – d’avoir guidé politiquement ses procès et de les ériger en actes illégaux. Il a rendu hommage aux quatre cents policiers militaires tués en 2017, sans parler des plus de 6 200 civils qu’ils ont assassinés dans l’exercice de leurs fonctions, l’année suivante, en toute impunité. Il a affirmé que le pays est plus sûr et plus hospitalier, dans l’attente de touristes.
Croisade chrétienne
Le passage qu’il a consacré à la “persécution religieuse”, définie comme un “fléau” international, était long, soutenant fortement “la création de la Journée internationale du souvenir des victimes d’actes de violence fondés sur la religion ou la conviction”. Dans une attaque implicite contre la législation contre le racisme, le féminicide, l’homophobie, etc., il a déclaré avec mépris que “les droits de tout type et de toute sorte” sont protégés, mais pas ceux des “millions de chrétiens” et d’autres religions attaqués dans le monde. 
Au Brésil, pays où la population pratique un large compromis en matière de religion, passant de l’une à l’autre sans grands problèmes, les cultes afro-brésiliennes sont la seule croyance religieuse discriminée et objet de persécution. Ils sont impunément attaqués, par les secteurs pentecôtistes, l’une des principales bases de soutien du bolssonarisme. Le discours du deuxième président putschiste a mis en lumière la persécution des chrétiens en particulier, reprenant les vues et les propositions de l’extrême droite chrétienne yankee, qui soutient Trump et a financé sa campagne.
Une fois de plus, il a indirectement loué l’action et l’excellence de l’armée nationale dans les missions dites de paix de l’ONU. La plus récente et la plus célèbre d’entre elles est certainement le contrôle militaire de la population haïtienne par des troupes brésiliennes fournies, à la demande des USA. Au cours de cette opération, le général Heleno a été démis de ses fonctions parce qu’il était accusé d’avoir organisé un massacre dans un bidonville d’Haïti. Il a mis en avant les USA, Israël, le Chili, l’Argentine de Macri, à qui il a fait signe de la tête, comme partenaires internationaux. Il a terminé en citant la Bible, en donnant une homélie générale sur le credo olavo-évangélique, en remerciant “tous pour la grâce et la gloire de Dieu !
Mission impossible
Ce discours avait tout d’une longue fake news envoyée par WhatsApp à des électeurs sans méfiance, s’appuyant sur la vision du monde et du Brésil olaviste et évangélique, avec une grande place accordée à l’adulation des généraux des forces armées, de Trump et de la droite chrétienne yankee. Plus que la réalité, l’article paru dans la Folha de São Paulo et d’autres déclarations des principaux médias dans le même sens, sur la modération attendue du Mythe Déshydraté, a exprimé le désir et l’espoir des grandes classes dominantes nationales et internationales de voir un Bolsonaro domestique et civilisé, autant que possible, aidant et non entravant le putsch dans sa consolidation.
Mais c’est la nature du bolssonarisme, et lui, comme le scorpion, ne peut l’abandonner. La baisse rapide et continue du soutien populaire est principalement due à l’énorme crise économique du pays, avec plus de quarante millions de chômeurs et de sous-employés, qu’il n’a pas reconnus. Les lacunes du capitaine, qui ne connaît pas les paroles de l’hymne national et de ses guignols et gnafrons, ne font qu’aider à cette dégringolade incessante . Mais il est impossible de renverser la situation de crise sociale, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre du reformatage général du coup d’Etat dans le pays sous l’hégémonie du grand capital.
Dans le meilleur des cas, la crise se stabilisera. Toutefois, la tendance générale est à l’aggravation de la crise. Surtout si l’économie mondiale entre en récession, comme on le prévoit généralement. Bolsonaro n’a peut-être pas encore vu le fond du puits.
Le capitaine dyslexique se tourne vers ses inconditionnels et s’efforce de les garder dans son giron. Et il cherche à renforcer les alliances avec ses plus fervents partisans. Au Brésil, les généraux bradeurs, les hordes évangéliques, les milices, les forces policières et militaires. Dans le monde, Trump et le christianisme fondamentaliste, aux USA ; Netanyahu, en Israël ; Piñeda, au Chili, et ainsi de suite. Ne croyant déjà plus en la possibilité de conquérir l’hégémonie sur la population brésilienne, il cherche à construire et à consolider le mouvement extrémiste, inséré dans la constellation de l’extrême droite internationale, avec un accent particulier sur l’Amérique et l’Europe. Il espère survivre jusqu’en 2022 et, éventuellement, se proposer à nouveau comme président. S’adressant au public interne, indifférent au monde, Bolsonaro a chanté les les louanges pour ses passions, déclaré son amour pour Trump dans les couloirs de l’ONU, mais il a oublié Rodrigo Maia, le marais du Centrão [les parlementaires qui se vendent au plus offrant, NdT] et le Parlement conservateur, précisément ceux qui ont dans leurs mains, de plus en plus, le Bic qui signe les grandes décisions putschistes !
NdT
*Olavo de Carvalho, le gourou de Bolsonaro, est le maître à penser de la “nouvelle droite alternative » brésilienne, aujourd’hui au pouvoir. Installé en Virginie, il distille sa « pensée » via ses livres et youtube. Estimant que le nazisme est une idéologie de gauche et l’Inquisition catholique une invention des protestants, il a entre autres mérites, celui d’avoir fait de l’astrologie une discipline universitaire au Brésil. Bref, un Steve Bannon de Carnaval de Rio.