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Célébrations à Jérusalem, massacres à Gaza

Jeremy
Salt, Chronique Palestine, 22 mai 2018

Israël
revendique fréquemment son « droit » d’exister. En fait, les États
n’existent pas de droit et n’ont pas non plus de droit d’exister.
Parodie
d’Ivanka Trump, ouvrant l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, tandis que les
soldats israéliens tuent des manifestants non armés à Gaza – Composition :
WeAreNotNumbers

Ils
continuent d’exister parce qu’ils ont une armée puissante, capable de s’emparer
de territoires et d’imposer leur domination à la population autochtone. Ils
existent parce qu’ils ont le soutien de leur peuple, même, éventuellement, de
ceux qu’ils ont conquis. Ils existent parce qu’ils gouvernent avec le
consentement du peuple, comme manifesté par la consultation électorale et les
formes démocratiques de gouvernement. Ils existent parce qu’ils s’entendent
bien avec leurs voisins. Ils existent parce qu’ils forment des alliances fortes
avec des pays plus puissants qu’eux et parce que, globalement, ils forment une
communauté de nations engagées à respecter les règles qui les gouvernent tous.
Cela ne veut pas dire qu’ils ne les enfreignent pas, parce qu’ils le font
souvent, mais pas en permanence.

Israël ne
remplit que deux de ces critères. Elle a une armée puissante et une solide
relation avec une puissance lointaine, les États-Unis, mais elle n’a pas le
soutien du peuple, défini non seulement comme ceux qui vivent sur le territoire
sur lequel l’État a été établi, mais aussi ceux qui ont le droit de vivre sur
ce territoire. Appliqué à Israël, le terme « démocratie » est une fiction,
et pas seulement en raison de la discrimination à l’encontre des Palestiniens
vivant dans
l’État ou
de la suppression des droits de l’homme des Palestiniens vivant dans les
territoires saisis en 1967. C’est une fiction parce qu’en 1948, le premier acte
du gouvernement d’Israël a été d’expulser la majorité des personnes vivant sur
la terre qu’il a conquise. Le problème ne se limite pas seulement au fait
qu’ils sont privés du droit de vote. Ils ne peuvent même pas vivre sur cette
terre, comme ils en ont le droit intrinsèque et légal. Aucun État fondé sur
cette base ne peut être qualifié de  » démocratie « .
Quant à
ses voisins, Israël entretient des relations diplomatiques avec deux d’entre
eux, l’Égypte et la Jordanie. La  » paix  » entre eux est mieux
décrite comme un état de non-guerre, étant donné l’animosité populaire envers
Israël dans les deux pays. Les monarchies théocratiques antidémocratiques du
Golfe, de l’Arabie saoudite, du Qatar, des Émirats arabes unis et de Bahreïn
ont réagi favorablement aux efforts d’Israël en vue d’ouvrir des relations avec
davantage de pays arabes, mais aucun de ces gouvernements ne peut être
considéré comme représentant les souhaits du peuple.
Des États
se sont formés et défaits depuis le début de l’histoire. Ils disparaissent de
l’histoire ou émergent sous de nouvelles formes. L’Allemagne nazie a cédé la
place à l’Allemagne démocratique. Les principautés régionales d’Italie ont été
regroupées en un seul État-nation. L’État sud-africain de l’apartheid a
finalement été remplacé par un État démocratique. Les États coloniaux de
peuplement ont encore moins le droit que d’autres États de revendiquer un
 » droit  » à l’existence. Ils ont détruit le droit d’autres
d’exister comme ils le faisaient, dans certains cas depuis des dizaines de
milliers d’années. Les colons blancs d’Amérique du Nord ont détruit les
cultures indigènes. Tout comme les colons blancs d’Australie. Quel droit
ont-ils de revendiquer un  » droit  » d’exister ?
Israël
est un cas à part. Ce fut une anomalie dès le début, un État-colonial de
peuplement établi non pas au plus fort de l’impérialisme, mais à une époque de
décolonisation et d’autodétermination. L’organisation même qui a défendu ces
principes dans ses documents fondateurs, l’Organisation des Nations Unies, les a
enfreints dans le cas d’Israël. Il n’y a pas eu de vote démocratique sur
l’avenir de la Palestine.
Le projet
de partition fut adopté de justesse lors du vote à l’Assemblée Générale en 1947
parce que les États-Unis menaçaient de punir les pays vulnérables à moins
qu’ils ne votent  » oui « . Chassant la majorité des indigènes de
leurs terres, l’Etat-colonial de peuplement sioniste a ensuite détruit environ
500 de leurs villages, après avoir pillé les maisons de tout ce qu’elles
contenaient, meubles, tapis, livres et même petit équipement ménager.
Même les
Palestiniens qui n’ont pas été chassés mais qui ont quitté leur demeure pour
fuir les combats n’ont pas été autorisés à y retourner. Ceux qui ont été
expulsés physiquement ont été classés comme  » absents « , ceux qui
sont restés mais qui ont quand même perdu leurs biens immobiliers ont été
classés comme  » absents-présents « . Le mot absent implique une
absence temporaire, comme un étudiant qui ne se présente pas en classe, mais
Israël n’a jamais eu l’intention de laisser revenir les Palestiniens. Ces
circonvolutions verbales étaient des absurdités destinées à masquer le vol à
grande échelle.
L’expulsion
de la population palestinienne n’a pas été la conséquence de la guerre. C’était
plutôt l’inverse : la guerre a été lancée afin de les expulser. Leurs biens ont
été remis aux migrants européens, à l’exception des belles demeures de pierre à
Jérusalem et ailleurs volées par les dirigeants sionistes pour leur propre
usage. Malgré la destruction, le vol et le pillage, l’ONU a voté en faveur de
l’admission d’Israël en tant que membre, à condition qu’il respecte sa charte
et ses principes. Ce qu’Israël n’a jamais fait. Au contraire, depuis toujours
il viole en permanence la Charte des Nations Unies et les résolutions de l’ONU
sur la question palestinienne ainsi que tous les accords et traités
internationaux traitant des droits de l’homme et des droits civils.
De
nombreux États violent de temps à autre le droit international. Seul Israël vit
hors la loi de façon permanente, pour la simple raison que le fait de vivre
dans le cadre de la loi mettrait fin à son existence en tant qu’État juif. Le
sionisme n’est pas compatible avec le droit international, les droits de
l’homme et la démocratie, pas plus que le fascisme ou le national-socialisme ou
l’apartheid sud-africain ne l’étaient. Au moins, Hitler et Mussolini
exprimaient ouvertement leur mépris des démocraties progressistes : Netanyahu,
au contraire, parle constamment de son respect des valeurs démocratiques tout
en les traitant en pratique avec le même mépris que les dictateurs.
Ce n’est
pas un démocrate. C’est un sioniste et tant que les Palestiniens expulsés
seront empêchés de retourner sur leur terre et d’exercer leurs droits
démocratiques, Israël ne peut être qualifié de démocratie. Il faut ajouter que
leur retour serait authentique comparé au faux  » droit  » de retour
accordé aux Juifs du monde entier qui n’ont jamais vécu en Palestine et qui
n’ont aucun lien vivant avec la terre, passé ou présent.
En ce qui
concerne les Palestiniens, Israël n’a changé qu’en pire. L’État est attaché à
une idéologie tribale, atavique, primitive et criminelle de par sa nature même.
Elle n’a pas sa place dans un monde d’États-nations attachés à des valeurs
universelles, même si elles ne sont qu’irrégulièrement respectées. Israël
n’attribue la Palestine qu’aux juifs, où qu’ils vivent ; il traite ceux qui ont
un droit réel à la terre avec une cruauté et une brutalité qui choque le monde,
même si le monde est trop faible pour y faire quoi que ce soit ; il refuse
d’assumer toute responsabilité pour les crimes qu’il commet. L’idéologie
sioniste est défendue et appliquée à tous les niveaux de gouvernement, ce qui
donne lieu à des pseudo-législations faussées et à un racisme profondément enraciné,
même parmi les enfants.
Après
sept décennies de violence incessante et de tentatives de diviser le monde
arabe et de reléguer l’histoire arabe à l’histoire, Israël semble au-delà de
toute rédemption et de tout espoir de le voir changer en bien. Le  »
processus de paix  » est venu et reparti, détruit par Israël parce qu’il
n’a jamais voulu d’une paix véritable. Ce qu’il veut, c’est une  » paix
 » basée entièrement sur ses propres conditions, c’est-à-dire la
reddition. Hitler, aussi, voulait la paix, tant qu’il obtenait ce qu’il
voulait, des pans de la Tchécoslovaquie et de la Pologne sans que personne ne
s’y oppose. Ceux qui ont adopté une politique d’apaisement ne faisaient
qu’aiguiser son appétit de plus et quand ils ont finalement fait preuve de
fermeté, il était trop tard.
Israël se
délecte de son pouvoir. Il a une grosse armée, il a les États-Unis dans sa
poche, il a des armes nucléaires, alors qu’est-ce qui pourrait bien mal tourner
? Il peut faire ce qu’il veut, qu’il s’agisse de massacrer des dizaines de
Palestiniens le long de la clôture de Gaza en une seule journée, de tuer des
Iraniens et des Syriens par des frappes de missiles et d’assassiner dans des
pays étrangers des Palestiniens qui sont considérés comme une menace. Il s’en
tire en toute impunité, et, encouragé par l’immobilisme de la  »
communauté internationale « , il ne voit aucune raison de modifier son
comportement abominable.
Le
spectacle de l’ouverture de l’ambassade des États-Unis à Al Quds, ville occupée
en vertu du droit international, a été un spectacle monstrueux. Alors que les
célébrations de l’’indépendance’ d’Israël et le transfert de l’ambassade des
États-Unis se poursuivaient tout au long de la journée, les Palestiniens se
faisaient massacrer de l’autre côté de la clôture de Gaza. Personne ne s’en
souciait, pas Netanyahu, pas Ivanka Trump et pas son père resté à Washington,
violant le droit international en reconnaissant une ville occupée comme
capitale d’Israël. Le champagne coulait à flots. Trump a reçu les honneurs d’un
Balfour des temps modernes. Ivanka souriait de son sourire de poupée pendant
que son mari Jared parlait de la façon dont l’ouverture de l’ambassade allait
aider la cause de la paix.
L’assassinat
de Palestiniens non armés, y compris d’enfants, par des tireurs d’élite
israéliens ne devait pas gâcher la fête. De toute façon, Jared les a incriminés
: ce sont eux les responsables de la violence, pas les tireurs d’élite qui les
tuent, ni l’État qui a volé leur terre et les en a chassés. C’était grotesque.
Le massacre de cette journée n’avait rien d’exceptionnel, n’était pas une
aberration, mais était tout à fait conforme au comportement sauvage d’Israël
depuis 1948.
Prétendre
que Jérusalem est une ville juive n’est qu’une tentative de voiler la réalité.
Al Quds est une ville palestinienne occupée, ouverte aux musulmans, aux
chrétiens et aux juifs jusqu’à l’arrivée des croisés au XIe siècle, puis
jusqu’à ce que les sionistes mettent les pieds en Palestine au XXe siècle.
Chaque pierre de ses rues, de ses arcs, de ses murs et de ses belles maisons a
été posée au cours des 1000 dernières années et même avant par des artisans
musulmans et chrétiens, pas par des juifs et certainement pas par les sionistes
qui vivent dans des maisons palestiniennes volées et sur la terre de Palestine
volée.
Il n’y a
pas grand-chose d’autre à dire sur Israël qui n’ait déjà été dit. Il n’a
apporté au Moyen-Orient que violence et destruction, dirigées contre les
Palestiniens, les Libanais, les Jordaniens, les Syriens, les Irakiens, les Egyptiens,
les Tunisiens, tous ceux qui osent le défier. C’est un État fondé sur le vol et
le meurtre. Son idéologie dominante diffère peu des autres idéologies racistes,
de l’Allemagne nazie ou de l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Il
détruit indéfiniment, mais revendique indéfiniment son propre  » droit
 » d’exister. Le Moyen-Orient a été poussé au-delà des limites de
l’endurance humaine par cet état psychopathe. Norman Finkelstein a fait
remarquer un jour que pour qu’Israël change, il lui faudrait subir une défaite
militaire pour le ramener à la raison, mais ce qu’il pourrait découvrir si ce
jour arrivait, c’est que ce qu’il aurait pu avoir pour rien la veille, il ne
pourra l’obtenir à aucun prix le lendemain.