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Les migrants de la mer Égée peuvent de nouveau circuler hors des îles grecques

Marie
Verdier, La Croix, 20/04/2018

Le
Conseil d’État grec autorise les nouveaux demandeurs d’asile à circuler et à
gagner le continent.
Des
enfants dans le camp de migrants de Moria, sur l’île de Lesbos, en décembre
2017. / Anthi Pazianou/AFP

À
Athènes, le Conseil d’État donne en partie raison aux cinq associations qui
dénoncent la rétention et le sort tragique des demandeurs d’asile sur les îles
grecques de la mer Égée. Il a annulé, le 17 avril, la décision du service
grec de l’asile interdisant la liberté de circulation à tous les réfugiés
débarquant sur les îles au large des côtes turques.
Cette
décision du 20 mars 2016 avait été prise sur pression européenne dans la
foulée de l’accord UE-Turquie du 18 mars, visant à tarir les flux
migratoires en provenance du Moyen-Orient.
Des
modalités qui demeurent floues
Le
Conseil d’État autorise dorénavant les nouveaux arrivants – mais seulement
ceux-ci et non tous ceux qui sont sur les îles, comme le réclamaient les ONG –
à circuler librement, et donc à quitter les îles pour gagner les terres
continentales grecques.
« La
décision n’étant pas encore publiée, on en ignore l’argumentaire et la portée.
Modifiera-t-elle profondément la pratique
?», interroge Philippe Leclerc, représentant
du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) en Grèce. « Mais cela ouvre une
brèche », se félicite Eva Cossé, de Human Rights Watch en Grèce.
Plus de
cent arrivées par jour
Jusqu’à
présent, seules les personnes vulnérables et celles concernées par le
regroupement familial avaient droit à un transfert sur le continent, notamment
les mineurs non accompagnés (ils sont plus de 3 000 en Grèce). Au total,
14000 personnes en ont bénéficié.
Le
desserrement de l’étau sur les îles est jugé d’autant plus vital que ceux en
quête d’asile continuent à arriver au rythme de plus de 100 personnes par
jour – et même 1 700 ces deux dernières semaines, plus de 7 000
depuis le début de l’année. Ils ont été orientés vers des camps surpeuplés, aux
conditions d’accueil indignes.
Selon le
HCR, 13 500 personnes vivent ainsi dans ces camps, notamment à Lesbos où
se concentrent plus de 6 000 demandeurs d’asile, mais aussi à Samos et
Chios. Or plus de 75 % d’entre eux viennent de Syrie, d’Irak et
d’Afghanistan, et 4 % de République démocratique du Congo, en majorité des
femmes (20 %) et des enfants (32 %). Sauf exception, tous ont
vocation à obtenir le statut de réfugié. « On peut poursuivre les
procédures, et beaucoup mieux les prendre en charge sur le continent où les
conditions d’accueil ont été considérablement améliorées », plaide
Philippe Leclerc.
Un flux à
penser à l’échelle de l’Europe
Sur les
38 000 demandeurs d’asile répartis dans la partie continentale du pays,
21 000 sont dorénavant installés dans des appartements, les autres
habitant dans 32 camps.
La
politique de relocalisation dans d’autres pays européens est, elle, arrêtée
depuis septembre dernier, près de 22 000 personnes en ayant bénéficié au
total en deux ans. « Il faudrait pourtant trouver le moyen de poursuivre
ce partage de responsabilité et d’accueil entre pays européens », espère
Philippe Leclerc.
Depuis le
printemps 2016, 1 554 étrangers ont été renvoyés en Turquie. « Il
reste un état de droit en Grèce. Le pays n’a pas renvoyé massivement les
demandeurs d’asile sans examiner leur demande sur le fond comme le prévoyait
l’accord. Ce sont essentiellement des Pakistanais déboutés de leur demande
d’asile, qui ont été renvoyés », précise Eva Cossé.
Est-ce
pour cela que la route terrestre, en traversant le fleuve Evros entre la
Turquie et la Grèce, est à nouveau empruntée
? En mars, 1 600 personnes ont franchi cette
frontière terrestre non couverte par l’accord UE-Turquie, 600 rien que ces
trois derniers jours.
Pour les
migrants, « Samos, c’est une prison
! »

Deux ans
après la signature de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie visant à
stopper la crise migratoire en Méditerranée, les migrants s’entassent toujours
sur l’île grecque, sans espoir d’en partir.