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Extrême droite. L’offensive concertée des identitaires

Grégory
Marin, L’Humanité, 28 Mars, 2018

Les actes
de violence organisés par des groupuscules d’extrême droite se
multiplient: évacuation armée d’universités, intimidations, ouverture de
bases arrière…
Manifestation
contre l’ouverture du local du groupe d’extrême-droite, Bastion social, à
Marseille, le 24 mars. Robert Terzian/Divergence
D’inquiétantes
taches brunes apparaissent sur le territoire, de Lyon à Angers, en passant par
Strasbourg, Tulle ou Chambéry, et maintenant Marseille, Montpellier et
Toulouse. Lundi soir, à l’université Lille-II, l’assemblée générale, qui
suivait un rassemblement en soutien aux étudiants de Montpellier victimes de
violences d’extrême droite le 22 mars (lire notre édition du 26), était
« sous surveillance » d’un « groupe de militants d’extrême
droite », précise un communiqué de l’Unef, qui « tournait »
autour du campus en multipliant les intimidations. « En quittant l’AG vers
20 heures, je les ai vus s’attaquer à un gars, il s’est relevé le nez en sang »,
témoigne Salomé Bouché, de l’Union des étudiants communistes. Repérés, ils
auraient encore fait quelques victimes, revendiquées sur un compte Twitter,
depuis fermé, au nom de Red Lille…
La
semaine dernière, c’est la faculté de droit et de sciences politiques de
Montpellier qui était ciblée. Une assemblée générale d’étudiants a été
dispersée à coups de barres de fer et de planches de bois par des étudiants,
aidés d’hommes encagoulés qui ont pu agir, selon plusieurs témoignages, avec la
complicité de personnels de l’UFR de droit. « Ils ont voulu se défendre et
je ne peux pas les en blâmer (…) Je suis assez fier de mes étudiants, je les
approuve totalement », avait réagi le doyen de la faculté, depuis
démissionnaire, Philippe Pétel, sur France 3. Détail intéressant, cette
vidéo a été saluée sur Twitter par Damien Rieu, fondateur de Génération
identitaire et directeur de communication de la mairie FN de Beaucaire.
Pour les
militants d’extrême droite, le contexte est «porteur»
C’est que
ces attaques ne surgissent pas exactement de nulle part. Le contexte est
« porteur », écrivent les militants d’extrême droite sur les réseaux
sociaux. Plusieurs mouvements, pour certains ouvertement néofascistes, sont
quelquefois aidés par un discours qui s’est normalisé jusque chez des
« Républicains » d’étiquette. 
En cette période postattentat, Front
national et LR, mais aussi l’ex-premier ministre PS Manuel Valls, réclament des
mesures d’exception sur les fichés « S », stigmatisent binationaux et
immigration, etc., réponses sécuritaires que réclament aussi les groupuscules
identitaires. Génération identitaire n’a pas eu à se creuser la cervelle pour
trouver cette idée : des panneaux installés à l’entrée de Toulouse
indiquant que « les djihadistes (n’y) sont pas les bienvenus »… Ces
« offensives des petits groupes néonazis, toujours très liés au FN »
ne s’appuient-elles pas sur des « politiques successives qui intègrent
dans la société des éléments du logiciel fasciste ? » s’interrogeait
le doctorant en histoire Johan Paris, lors d’une contre-manifestation réclamant
la fermeture de l’Arcadia, un local identitaire de Strasbourg, début mars.
Outre la bataille pour l’hégémonie culturelle, ils travaillent aussi leur
implantation physique, sous pavillon du Bastion social essentiellement. 
Cet
avatar du GUD espère ainsi fédérer divers groupuscules en renouant avec le
solidarisme d’extrême droite, doctrine portée notamment par le Front national
dans les années 1980, que le contexte social leur permettrait de réactiver,
notait récemment dans Libération le politologue Jean-Yves Camus, en affichant
une volonté d’« “intervention sociale”, du côté des sans-abri, des
personnes en situation de précarité ». 
Du moins « tant qu’elles sont
de nationalité française ». Rien d’étonnant à ce que la frange la plus
dure du FN (le proche de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon, le sénateur FN
Stéphane Ravier, le vice-président Jean-François Jalkh) salue ces initiatives.