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Dix femmes reviennent sur les lieux publics où elles se sont fait harceler

HARCÈLEMENT – Il y a quelques mois, Eliza Hatch marchait dans la rue, à Londres, quand un homme l’a dépassée en lui demandant de “sourire”. Ces mots ont poussé cette photographe de 23 ans à créer un projet poignant sur le harcèlement sexuel, judicieusement intitulé Cheer Up Luv (“Un p’tit sourire, ma belle”).
Cette série de photos montre des dizaines de femmes dans les différents endroits où elles se sont fait siffler ou harceler sexuellement. Chacune raconte son expérience; beaucoup de ces agressions se sont produites dans des lieux publics: un trottoir, au coin de la rue, un banc…
Eliza Hatch raconte au HuffPost américain qu’après avoir entendu cet inconnu lui réclamer “un p’tit sourire”, elle s’est sentie très en colère. “Cette phrase, que j’entends régulièrement, a fini par m’énerver à tel point que j’ai eu besoin de faire quelque chose”, confie-t-elle. “Cela m’a poussée à aborder le sujet du harcèlement avec mes amies. Nous avons fini par échanger sur nos expériences pendant plus d’une heure, en parlant du harcèlement sexuel comme si c’était la chose la plus banale qui soit.” La photographe explique avoir été incitée à commencer ce projet après que ses amis de sexe masculin ont exprimé leur “incrédulité et leur horreur” en apprenant qu’elle et ses amies étaient si fréquemment victimes de harcèlement sexuel. “Je me suis rendu compte que le problème n’était pas seulement le harcèlement, mais aussi la prise de conscience de cette réalité”, déclare-t-elle.
Elle ajoute que ses photos ont été très bien accueillies, et qu’un nombre incroyable de femmes de tous âges, de toutes morphologies et de toutes origines veulent poser pour le projet. “Pour ces femmes, comme pour moi, ça a été une véritable thérapie. La réaction de mes modèles a été extrêmement positive, car ça leur a permis de se réapproprier ce qui leur était arrivé, et de transformer une situation dont elles avaient été les victimes en une situation où elles reprennent le pouvoir.”
Elle espère que cette série aidera les femmes à faire entendre leur voix dans les discussions sur le harcèlement de rue. “Ce projet est dédié aux femmes qui y ont participé, et à celles qui ont des expériences à partager sur le sujet”, précise-t-elle. “Je veux donner une voix aux femmes et continuer à sensibiliser l’opinion sur un problème dont on parlait très peu jusqu’à présent.”
Découvrez ci-dessous d’autres photos de la série Cheer Up Luv.
Jess
“Je rentrais du travail à pied et j’étais au téléphone. J’allais traverser la route. Un type en voiture s’est arrêté et m’a dit de monter avec lui. J’ai refusé et j’ai essayé de contourner la voiture, mais il a redémarré pour me barrer le passage. J’ai essayé de passer derrière mais il m’en a encore empêchée. Il s’est mis à crier: ‘Monte dans la voiture ou je t’écrase!’ Alors j’ai martelé le capot à coups de poings en lui hurlant dessus. Je pense que ça l’a déconcerté et ça m’a donné le temps de traverser et de m’enfuir.”
Florence
“Un été, il y a deux ans, j’allais à pied au supermarché, à Marseille. Un type qui sortait de sa voiture m’a dit: ‘[Les] pute[s], c’est magnifique'” (en français dans le texte).
Monica
“J’étais dans le métro, quand un homme plus vieux que moi m’a abordée et s’est mis à me poser des questions. On était seuls sur le quai et il m’a demandé si j’étais célibataire, si j’étais lesbienne, et finalement s’il pouvait me montrer son pénis. Il me coinçait entre le quai et la voie. Heureusement la rame est arrivée à ce moment-là, sinon je ne sais pas ce qu’il aurait fait.”
Gina
“Je venais de m’installer à New-York. Un jour j’ai décidé d’aller dans le centre-ville. Je me suis assise dans le métro; un type est monté et s’est mis debout face à moi en se tenant à la barre. Je me suis tournée vers la droite pour ne plus avoir son corps dans mon champ de vision. Bientôt, j’ai aperçu du coin de l’œil un mouvement bizarre sur ma gauche. En fait, c’était son pénis qui dépassait de sa braguette et il était en train de se masturber. Je me suis dépêchée de détourner le regard. Je me suis dit qu’il fallait être vraiment taré pour avoir l’idée de faire ça juste devant moi. Je suis petite, donc quand quelqu’un est debout en face de moi j’ai les yeux pile au niveau de cette partie du corps. Il y avait des tas de sièges libres et il choisissait quand même de rester debout devant moi. Très vite je n’ai plus eu qu’une seule idée: descendre à la station suivante. Je ne savais vraiment pas quoi faire. C’était une situation vraiment tordue.”
Maya
“On sortait de boîte avec des amies et ma copine, et on a décidé de prendre le bus pour aller ailleurs. Pendant qu’on l’attendait, un homme m’a abordée pour me draguer. Je lui ai tout de suite dit que j’étais lesbienne et que j’étais avec ma copine. Il a pris ça comme une espèce de défi et m’a dit que j’avais juste besoin d’une bonne queue, et il a essayé de la sortir. Heureusement, un ami s’est interposé et a fini par le faire partir. Ça a duré environ 20 minutes et c’était assez traumatisant.”
Gabriella
“J’avais 15 ans. Je rentrais de l’école à pied comme tous les jours, en uniforme. Ce jour-là, un homme n’a pas arrêté de m’envoyer des baisers depuis sa camionnette. J’ai décidé de l’ignorer parce que ça me répugnait, mais il a continué à m’en envoyer et à faire des remarques déplacées. J’ai continué mon chemin et puis je me suis retournée, et j’ai vu qu’il s’était arrêté. Il avait garé la camionnette, ouvert les portières et se dirigeait droit sur moi. Heureusement j’étais tout près de chez moi, alors j’ai dévalé la colline et couru jusqu’à la maison sans me retourner.”
Danielle
“J’étais dans un car en Croatie, et quatre gars se sont installés sur la rangée de sièges en face de moi. L’un d’eux s’est assis à côté de moi sans y être invité et s’est mis à faire la conversation. Pendant deux heures, il s’est collé à moi. Il essayait même de me toucher et de me caresser. Il cherchait à glisser sa main dans ma combi-short. Chaque fois, je lui disais de me laisser tranquille. Un couple assis en face de nous n’a pas réagi. Quand le car s’est arrêté, j’ai essayé de passer devant le gars et il m’a mis la main aux fesses.”
Jess
“Quand j’avais 12 ou 13 ans, j’allais à l’école en bus avec mes amies, et un homme d’une quarantaine d’années a essayé de photographier sous nos jupes avec son téléphone. Quelqu’un a fini par appeler la police mais ils ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire.”
Dorina
“Je marchais dans la rue à Manhattan quand j’ai vu un homme se diriger vers moi. Il tenait sa fille par la main et son jeune fils le suivait en trottinette. A mesure que nous avancions l’un vers l’autre, j’ai remarqué qu’il me fixait avec intensité, en détaillant mes jambes, ma robe d’été, mon décolleté. Au moment où nous nous sommes croisés il s’est penché vers moi brusquement en murmurant: ‘Mmmm, j’aimerais bien goûter ta petite pêche.’ J’étais horrifiée qu’il m’agresse verbalement en présence de sa fille, et qu’il donne ce genre d’exemple à son fils.”
Juliette
“J’avais 19 ans et je venais d’emménager à Paris. J’étais dans une rame de métro bondée et il y avait un mec collé contre mon dos. Il s’est mis à remuer. J’ai d’abord cru qu’il essayait de descendre de la rame, mais il m’a murmuré des choses à l’oreille. Je me suis retournée pour le regarder en essayant d’avoir l’air en colère, mais il a posé les mains sur mes hanches et a commencé à se frotter contre moi. Alors je lui ai marché brutalement sur les pieds et je me suis précipitée hors de la rame.”