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Violences faites aux femmes : après Balance ton porc, balance ton plan

Catherine Mallaval — 
Pour une fois, grâce à la prise de conscience post-Weinstein, la journée internationale pour l’élimination des violences contre les femmes mobilise. Le Président, Emmanuel Macron, qui doit s’exprimer ce samedi, est attendu au tournant.

Mobilisation générale. Tracts, clips, manifestations, déclarations, revendications : rarement un 25 novembre, journée internationale pour l’élimination des violences contre les femmes, n’a suscité autant d’élans. L’onde de choc Weinstein a fait son effet. Les (bonnes) consciences sont réveillées. Les attentes très fortes. Et voilà les syndicats qui balaient devant leurs portes et se mobilisent pour une approche spécifique du mal fait aux femmes dans la future norme de l’Organisation internationale du travail (OIT) alors que 20 % des femmes disent avoir été victimes de harcèlement sexuel au travail et que près de 10 viols ou tentatives de viols sont commis chaque jour sur un lieu de travail en France. Et voici EE-LV qui demande plus globalement un «plan d’action d’urgence contre les violences faites aux femmes, qui mettra la réponse à la hauteur de l’enjeu». Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, est aussi de la partie, à sa manière. Il est convaincu de l’importance du rôle de l’école pour lutter contre les comportements sexistes «dès le plus petit âge, pour détruire stéréotypes et préjugés»,sachant qu’à la base des comportements de harcèlement sexuel, il y a «l’idée qu’il y aurait un rapport de supériorité des hommes par rapport aux femmes». Sauf que les séances d’éducation à la sexualité prévues par la loi ne sont pas systématiquement organisées. Et que des courants rétrogrades, comme la Manif pour tous, ont eu la peau des ABCD de l’égalité lancés par Najat Vallaud-Belkacem du temps où elle était ministre de l’Education.
Les associations et féministes sont bien sûr au taquet. Cinq militantes, dont Caroline de Haas, fondatrice d’Osez le féminisme, ont lancé un hashtag #SoyezauRDV générateur de 700 000 soutiens en ligne. Une façon musclée d’interpeller le chef de l’Etat et de lui réclamer «véritable plan Orsec» contre les violences sexuelles, avec entre autres choses la formation de la police contre le harcèlement de rue, l’annulation de l’hommage au réalisateur Roman Polanski à la Cinémathèque, la définition d’un seuil d’âge au-dessous duquel les mineurs seront présumés ne pas avoir consenti à un rapport sexuel… Elles exigent également des moyens.
«Recueil de preuves»
C’est peu dire que le président Macron qui doit s’exprimer ce samedi à l’Elysée sur ce sujet des violences est attendu comme le messie à la rescousse d’une honte nationale : en 2016, 123 femmes ont été tuées par leur compagnon, ex-compagnon ou amant, soit une tous les trois jours, tandis qu’une femme sur sept a subi au moins une forme de violence sexuelle au cours de sa vie. Alors, Président on fait quoi ?
Emmanuel Macron, qui revendique vouloir faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, devrait dégainer un plan de «sécurité sexuelle», dont le quotidien libéral l’Opinion a eu quelques primeurs. L’objectif ? Frapper les mentalités, avec des campagnes de communication choc à base de clips réguliers contre les violences sexistes et sexuelles. Comme lorsqu’il s’est agi d’imposer le port de la ceinture en voiture et plus largement de lutter contre le nombre de morts sur les routes. Autre opération dans les tuyaux : le lancement d’un programme de sensibilisation contre la pornographie dans les établissements scolaires. L’exposition des enfants au porno commence en effet dès le collège, en moyenne vers l’âge de 11 ans…
En lame de fond, il est aussi question de briser le tabou qui empêche certaines femmes de dire ce qu’elles ont subi. De les inciter à ne pas taire. Ainsi, le Président devrait soutenir la proposition de sa ministre de la Justice, Nicole Belloubet, qui entend généraliser la possibilité de préplainte en ligne pour les victimes d’agressions. En outre, dans les hôpitaux, le «recueil de preuves» sans dépôt de plainte devrait être généralisé pour faciliter les démarches ultérieures de la victime. Encore en sus, le Président devrait annoncer une application numérique pour les victimes de cyber-harcèlement ou des arrêts de bus «à la demande» en soirée, une initiative déjà testée dans plusieurs communes.
Prescription
Cette journée sera aussi l’occasion de donner toute sa pompe au projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles qui devrait être présenté au Parlement en 2018. Aux manettes : la ministre de la Justice et Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes qui, déjà lancées dans une consultation citoyenne, planchent autour de trois axes (qui pourront être complétés). Il s’agit d’abord de rallonger le délai de prescription concernant les viols sur mineurs. Et de pousser le curseur à trente ans après la majorité (contre vingt actuellement). Il est ensuite question de fixer un âge de «présomption de non-consentement» à l’acte sexuel, soit un âge en dessous duquel une relation sexuelle entre un majeur et un mineur relèverait du viol même en l’absence de contrainte, menace, surprise ou violence : mettre la barre à 13 ans tient pour l’instant la corde. Enfin, sujet cher à Marlène Schiappa, la verbalisation du harcèlement de rue (terme auquel Nicole Belloubet préfère la notion d’«outrage sexiste»). Alors, un grand jour pour les femmes, ce 25 novembre 2017 ? Au moins, pour une fois, cette journée contre les violences ne passera pas aux oubliettes.