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À Bruxelles, plongée dans le lobbying au quotidien

25 Janvier 2017



Plus de 10 000 organisations sont enregistrées à Bruxelles sur le registre officiel des lobbys de l’Union européenne. Environ un millier sont françaises. Parmi elles, quelques ONG, mais surtout des grandes entreprises, des associations industrielles et des cabinets de consultants. Comment ces lobbyistes défendant les intérêts des milieux d’affaires œuvrent-ils pour faire entendre leurs positions auprès des décideurs européens ? Tous les acteurs de cette scène combattent-ils à armes égales ? Plongée au cœur du quartier européen de Bruxelles, à la rencontre de quelques lobbyistes français.

« Un jour, un collègue de mon cabinet me contacte. Une entreprise cliente va être obligée de transférer des lignes de production à l’extérieur de l’Union européenne. A cause du règlement Reach sur les substances chimiques [1] : un produit utilisé comme solvant dans un processus de fabrication ne sera plus autorisé dans l’Union. Cela signifie 150 emplois et 50 millions d’euros d’investissements qui vont partir ailleurs. Je lui réponds : “ Il faut en parler avec la Commission et l’agence Reach”. Des périodes transitoires sont possibles. ».

C’est ainsi qu’Hervé Jouanjean résume son nouveau travail depuis son bureau bruxellois. Avant ? Il était directeur général du Budget de la Commission européenne, après être passé par la direction générale au Commerce. C’est-à-dire les instances mêmes auprès desquelles il exerce désormais son activité de lobbying. À peine libéré par son ancien employeur, en 2014, le tout nouveau retraité devient consultant pour l’antenne bruxelloise d’un grand cabinet d’avocats français. La Commission, principal organe de pouvoir au sein de l’Union européenne (UE), Hervé Jouanjean la connaît donc très bien. Ce phénomène des « portes tournantes » – autrement dit des allées et venues entre Commission et secteur privé – est régulièrement dénoncé par les ONG bruxelloises.

Au-delà des cas emblématiques des anciens commissaires européens comme Manuel Barroso passé chez Goldman Sachs ou Connie Hedegaard chez Volkswagen [2], le phénomène concerne tous les échelons hiérarchiques de la Commission, et expliquerait en grande partie sa réceptivité aux arguments des lobbys. Des accusations que Hervé Jouanjean réfute, expliquant respecter à la lettre les règles déontologiques en vigueur. « J’ai quelques contacts qui me permettent d’être pris au téléphone, mais je les dérange peu. Ils savent que je suis sérieux sinon ils ne perdraient pas leur temps avec moi. Il faut d’abord des dossiers solides, c’est ce que j’explique aux clients quand je dis que la Commission travaille pour eux et non contre eux », explique le consultant.