Enchères: succès mitigé pour l’art contemporain africain
par Nicolas Michel, 13 Juin 2016.
Toy Painting, de Yinka Shonibare. © DR/Piasa |
Pour sa seconde vente aux enchères consacrée à l’art contemporain
africain, la maison Piasa a attiré un grand nombre de spécialistes et
vendu 57 % de ses lots.
Il faut reconnaître à la maison de ventes aux enchères Piasa
une belle constance. Malgré une première tentative au bilan mitigé,
elle organisait en effet jeudi 9 juin sa seconde vente consacrée à l’art
contemporain africain intitulée Origines & Trajectoires. Aux
manettes, le jeune Christophe Person, ancien de la Fondation Grameen
Crédit Agricole, détenteur d’un Master en « Art, Law and Business »
délivré par Christie’s éducation et auteur d’un mémoire sur le potentiel
de développement du marché de l’art contemporain africain. Avant que
les collectionneurs ne se prononcent, Person se montrait confiant.
Entouré par les œuvres qu’il avait sélectionnées « tant pour leur
identité africaine forte que pour leur forme attractive », il
reconnaissait avoir voulu montrer qu’il existait « des travaux de
qualité encore accessibles ». Le choix d’une gamme de prix raisonnables
pour des œuvres contemporaines – entre 300 et 28 000 euros – résultait
d’un choix stratégique assumé : « être abordable afin d’élargir le
champs des potentiels acheteurs ». Au-delà, la sélection offrait un
assez large panorama, plutôt « frais » selon les dires des nombreux
spécialistes présents le 9 juin au soir – parmi lesquels les
représentants des foires 1 : 54, Akaa et Joburg Art Fair, des galeristes, des artistes, des commissaires d’exposition, des journalistes.
classiques fréquemment présentés en France et en Europe – le Marocain
Mahi Binebine, le Malien Malick Sidibé, le Sud-Africain Bruce Clarke,
l’Ivoirien Aboudia, le Sénégalais Soly Cissé, le Camerounais Barthélémy
Toguo, le Nigérian Yinka Shonibare, etc. – la sélection permettait de
découvrir des artistes plus rares sur le second marché. Parmi eux, les
Ougandais Henry Mzili Mujunga et Joseph Ntensibe venus par
l’intemédiaire de Daudi Karungi, directeur de la future Biennale de
Kampala (Seven Hills, 3 septembre-2 octobre 2016) avec Elise Atangana.
Mais aussi des noms moins connus, mais à retenir, comme celui de
l’Ethiopien Ephrem Solomon, du Béninois Dimitri Fagbohoun ou des
Sud-Africains Athi-Patra Ruga, Bevan de Wet et Helena Hugo.
questionnant l’identité, la féminité, l’environnement et les migrations,
attention médiatique favorable, modestie des prix n’ont pourtant pas
suffit à faire d’Origines & Trajectoires un grand succès de
ventes. Sur les 93 lots présentés, 53 sont partis (57 %) et, dans
l’ensemble, les prix sont restés proches de leur estimation basse, voire
inférieurs. Ainsi La roue, de Mahi Binebine, a été achetée pour 32 200 euros (frais compris), et Ashoebi II, de Nnenna Okore, pour 25 760 euros. Une exception notable, la sculpture de Yinka Shonibare de 2013, Toy Painting,
dont l’estimation haute était à 7 000 euros et qui s’envole finalement
pour 29 624 euros ! A noter aussi, les deux gravures de Bevan de Wet (Unlikely Allies) qui dépassent leur estimation haute et partent pour plus de 3 000 euros, tout comme La Danse, de Soly Cissé, à 7 410 euros.
enchères vient infirmer les affirmations selon lesquelles l’art
africain contemporain « exploserait » et confirmer l’idée d’une
croissance du marché encore fort prudente. Même si, selon un artiste
présent dans la salle, certains des plasticiens vendent leurs travaux
souvent plus cher sur le premier marché (via leurs galeries ou « de la
main à la main »). De plus en plus visibles, de plus en plus médiatisés,
de plus en plus exposés, les artistes contemporains issus du continent
continuent en réalité de souffrir d’un mal qui les handicape : le faible
intérêt que leur accorde la classe possédante africaine.