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« Cheikhs de voyage » et poches réfrigérantes : le petit coup de pouce du Mossad à l’interdiction du Hezbollah en Allemagne

Paul Middelhoff 14/05/2020
Les services secrets israéliens, le Mossad, affirment avoir fourni des indices décisifs pour l’interdiction du Hezbollah. Les responsables du gouvernement allemand ne sont pas satisfaits de cette déclaration.

Tradotto da Fausto Giudice
Le nitrate d’ammonium sert d’engrais pour les plantes et est également contenu dans les poches réfrigérantes que les athlètes utilisent pour refroidir leurs ecchymoses. Le mélange d’ammoniac et d’acide nitrique peut également être utilisé pour produire des explosifs. Le terroriste norvégien Anders Behring Breivik, par exemple, a utilisé du nitrate d’ammonium pour fabriquer une voiture piégée qui a tué huit personnes au centre d’Oslo en 2011. La substance est dangereuse si elle tombe entre de mauvaises mains.
L’information selon laquelle, entre 2012 et 2016, les mêmes poches réfrigérantes contenant du nitrate d’ammonium ont été stockées dans les locaux d’une entreprise de transport dans le sud de l’Allemagne est donc grave. Et cela a été fait pour le compte de la milice terroriste [sic] libanaise Hezbollah. C’est ce que dit un document du ministère fédéral allemand de l’Intérieur, daté de fin mars. Cela justifie l’interdiction d’activités contre le Hezbollah en Allemagne, qui a été annoncée par le ministre de l’Intérieur Seehofer (CSU) il y a deux semaines.
Le fait que les partisans du Hezbollah en Allemagne aient apparemment stocké pendant des années la matière première pour la production d’explosifs est un élément important de l’ordonnance d’interdiction du ministre. Mais les autorités allemandes n’ont pas trouvé le dépôt elles-mêmes.
Deux jours seulement après que Seehofer eut annoncé l’interdiction, les médias israéliens ont rapporté que le service de renseignement extérieur, le Mossad, avait fourni aux Allemands les informations sur les poches réfrigérantes dans le sud de l’Allemagne. Et ce n’est pas tout : la chaîne de télévision israélienne N12 cite un fonctionnaire israélien qui se vante que le coup porté contre le Hezbollah est le résultat de mois de coopération du Mossad « avec toutes les parties concernées en Allemagne ». Les déclarations du fonctionnaire donnent l’impression que les Allemands auraient fait beaucoup moins de progrès dans leurs enquêtes sans l’aide des Israéliens.
Seehofer avait reçu des éloges et de la reconnaissance du monde entier pour son interdiction des activités de la milice terroriste [resic] : de l’ambassadeur israélien en Allemagne, du secrétaire d’État US Mike Pompeo, et même des cercles gouvernementaux saoudiens. S’avère-t-il maintenant que l’interdiction du Hezbollah par Seehofer est en fait le glorieux résultat d’une enquête israélienne ? Que ce ne sont pas les services secrets allemands qui ont recueilli et évalué les traces de l’organisation terroriste, mais qu’ils ont reçu les indices nécessaires de leurs collègues de Tel-Aviv ?
Seulement un élément d’une enquête approfondie
Les milieux gouvernementaux allemands ne sont pas contents de la déclaration du fonctionnaire israélien. Les informations sur les poches réfrigérantes avaient en effet été obtenues auprès du Mossad. Mais ce n’était qu’un élément parmi d’autres dans un processus d’enquête complexe, selon Berlin. La majeure partie du travail a été effectuée par les services allemands eux-mêmes. Et en effet, le décret d’interdiction de 30 pages du ministère de l’intérieur décrit en détail l’histoire du Hezbollah, son contexte idéologique, ses réseaux en Europe et ses activités en Allemagne.
Le document, dont dispose ZEIT ONLINE, contient, par exemple, des explications sur les « cheikhs de voyage » [reresic] qui ont été envoyés par le Hezbollah « pour soutenir les associations liées au Hezbollah en Allemagne et en Europe ». Un célèbre prédicateur du Hezbollah avait pris la parole dans des congrégations chiites à Berlin et à Brême en 2018 et 2019. Un serveur en Allemagne avait également été utilisé pour y stocker des logiciels malveillants, que le Hezbollah utilisait pour espionner les téléphones portables de soldats et des civils en Israël et aux USA. Le document fournit les noms des sites web des supporters et d’une association de donateurs et décrit comment des organisations de jeunesse liées au Hezbollah [en fait les Scouts de l’Imam Al Mahdi] en Allemagne recrutaient. C’est la justification minutieuse d’une interdiction qui doit résister à d’éventuelles plaintes en justice de partisans du Hezbollah.
Alors pourquoi le Mossad revendique-t-il aujourd’hui une partie de ce succès ? L’ambassade d’Israël n’a voulu faire aucun commentaire à la demande de ZEIT ONLINE. Les milieux gouvernementaux allemands soupçonnent les autorités israéliennes de vouloir signaler de cette manière qu’elles peuvent porter un coup douloureux à leurs ennemis jurés du Hezbollah, même en Europe.
En outre, toutes les déclarations de l’officiel israélien ne peuvent pas être confirméess. La chaîne de télévision N12 a rapporté que le Mossad avait également fourni aux Allemands des informations sur un homme d’affaires chiite ayant des liens avec l’Allemagne qui avait transféré plusieurs millions d’euros sur des comptes bancaires du Hezbollah. L’ordonnance d’interdiction du ministère de l’intérieur ne contient aucune information sur ce point. Et les fonctionnaires allemands interrogés ne savent pas qui est censé être l’homme d’affaires. Cette information ne peut tout simplement pas être corroborée, dit-on à Berlin.