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Covid-19: Faut-il vraiment fermer les écoles?

Leopoldo Salmaso 01/04/2020
Au fil des jours et des semaines, les dirigeants politiques ne peuvent plus se permettre d’interroger les experts sur le moment où il sera possible de desserrer le confinement à domicile de la population entière.

Les petites attaques contre les supermarchés “justifiées par la faim”1 et les faux avis de visites à domicile “pour des vérifications d’état-civil”2 sont des sonnettes d’alarme qu’il faut saisir immédiatement si l’on veut éviter une désagrégation sociale de portée et d’accélération probablement dévastatrices, comme on n’en a jamais vu même dans les films les dystopiques de science-fiction. Par conséquent, les dirigeants politiques ne devraient pas demander “quand”, mais “comment” on peut commencer à desserrer immédiatement ce confinement, en minimisant les risques d’une reprise épidémique importante.
En fin de compte, il s’agit de “faciliter” la courbe épidémique en accélérant autant que possible la phase de normalisation, et d’être prêts à contrer les retours de flamme prévisibles avec des mesures proportionnées, jusqu’à un confinement à domicile sélectif et/ou intermittent”3. Dans la figure 1, les valeurs temporelles sont soigneusement omises.
Ayant coordonné, en Tanzanie et en Italie, des enquêtes épidémiologiques avec les méthodes d’échantillonnage recommandées par l’OMS4 dans les pays appauvris, méthodes qui garantissent une excellente fiabilité à des coûts très pratiques (non seulement en argent mais surtout en temps et en ressources humaines), je propose de faire de même pour la surveillance de l’épidémie de Covid-19.
Tout d’abord, les décisions sur quand faire des tests spécifiques pour la détection du SRAS-CoV-2 (pour l’instant avec PCR à partir de prélèvements nasaux, mais bientôt également au moyen de tests d’anticorps) doivent être disciplinées et uniformisées rigoureusement. Sur la base de l’expérience accumulée dans les différentes régions italiennes, ainsi que dans des pays comme la Corée du Sud, un consensus peut être rapidement atteint sur quelques lignes directrices, que je me permets d’anticiper avec une approximation raisonnable dans le seul but d’accélérer le débat et l’obtention du consensus nécessaire :
1. Tous les professionnels de la santé, ou de professions apparentées, qui entrent fréquemment en contact avec des patients symptomatiques reçoivent les EPI (équipements de protection individuelle) au plus haut niveau de sécurité, et sont contrôlés chaque semaine par un tampon jusqu’à l’extinction du premier pic de l’épidémie ; puis à nouveau à l’occasion de foyers secondaires.
2. Les patients présentant des symptômes suspects sont testés conformément aux protocoles applicables. Leurs contacts sont placés en quarantaine à domicile et testés uniquement s’ils développent des symptômes, même légers.
3. En principe, et uniquement avec des dérogations justifiées, aucune autre personne n’est soumise au test, sauf dans le cadre des enquêtes par sondage mentionnées au point suivant.
4. Des enquêtes mensuelles sont effectuées sur des échantillons strictement randomisés qui couvrent l’ensemble de la population nationale, avec les pesées appropriées. Toute enquête à échelle régionale ou inférieure est cependant compatible et complémentaire avec la méthodologie adoptée au niveau national. L’échantillonnage des populations peut être utilement planifié en adaptant la stratégie OMS-PEV.
Deuxièmement, il convient d’adopter la méthode de Delphes 5 pour évaluer le rapport efficacité / coût des mesures actuellement adoptées pour contenir le premier pic épidémique. Cette méthode sera appliquée dès que possible, puis utilement répétée après chaque enquête par sondage. En résumé, voilà de quoi il s’agirait :
Un petit nombre d’experts sont réunis (virologues, sociologues, économistes). Ils choisissent les variables les plus pertinentes et conviennent pour chacune d’elles une valeur de 1 à 5 (1 = poids minimum; 5 = poids maximum pour la propagation de l’épidémie). La valeur zéro n’est pas autorisée car le score final est calculé en multipliant les scores partiels, cependant la valeur 0,… est autorisée, lorsque le score d’une cellule est si favorable qu’il atténue le score des autres cellules de la même ligne.
Tout cela a une valeur purement conventionnelle: les valeurs absolues n’ont pas d’importance mais seulement les valeurs relatives, c’est-à-dire la CLASSIFICATION. En fait, au final, tant que les critères sont clairs et partagés, le classement aide beaucoup à évaluer le POIDS RELATIF de chaque variable. Les extrêmes sont facilement identifiables (SCORE MINIMUM = mesures qui peuvent être prises immédiatement car elles ne sont pas très risquées et peu coûteuses; vice versa, la prudence est de mise avant de desserrer les mesures avec des points maximum). La tranche intermédiaire est arbitraire, mais elle sera clarifiée par l’acquisition d’informations supplémentaires, également grâce aux enquêtes par sondage.
Le tableau 1 a une simple fonction d’exemple : en fait, les «vrais» scores doivent être convenus par le groupe d’experts. Les couleurs verte, jaune, rouge sont également arbitrairement attribuées, mais offrent une idée immédiate des risques relatifs de chaque mesure.
Notez les points suivants :
– Tout le monde s’accorde facilement sur la variable qui influence le moins la progression de l’infection (sortir dans des lieux ouverts, seuls ou à distance, avec ou sans masque), et sur la plus risquée (101 personnes ou plus socialisant dans des endroits fermés, sans masques).
– Les variables en vert ont des scores très faibles, donc l’utilisation ou non du masque serait insignifiante. Si ces scores étaient confirmés, les mesures de confinement de la zone verte pourraient être assouplies immédiatement.
– La réouverture des écoles montre un comportement anormal, qui mérite une discussion approfondie.
Pourquoi rouvrir les écoles ?
Laissons de côté les arguments qui ont fait l’objet d’une vive controverse (par exemple les petits-enfants qui « tueraient » leurs grands-parents) ou qui ont été ignorés sans raison (les coûts sociaux6 non monétisés). Je propose ici des considérations épidémiologiques pures.
Dans le tableau 1, si l’on regarde le score de la première cellule, la réouverture des écoles est au niveau de risque le plus élevé, égal à “Rencontres dans des lieux fermés entre 101 personnes ou plus socialisant dans des endroits fermés, sans masques”. Les autres scores aussi sont similaires, à une exception frappante : efficacité à long terme, colonne 2, avec un score qui, à lui seul, déplace cette variable dans la zone verte. Pourquoi? Pour deux raisons:
Première raison : malgré d’énormes pressions médiatiques et commerciales, aucun expert au monde n’encourage l’illusion que des vaccins efficaces contre des virus variables tels que le SRAS-CoV-2 peuvent être produits, ni des médicaments résolvants7.
Deuxième raison : comme une vaccination artificielle ne peut être pratiquée, la vaccination naturelle peut être bien soutenue, précisément en favorisant la circulation du virus parmi les groupes de population qui ont montré qu’ils ne développent pas de maladie grave. En fait, à ce jour, il n’y a pas un seul enfant mort avec un test positif pour le SRAS-CoV-2, et la létalité associée a ce virus, chez les 10 à 39 ans, est de 0,2%.
Rouvrir les écoles favoriserait ce qui se passe sur notre planète depuis 3,7 milliards d’années : la coévolution vers une coexistence de plus en plus pacifique entre hôtes et parasites8; et c’est ce qui se fait régulièrement dans les laboratoires du monde entier pour obtenir des vaccins atténués, à commencer par Pasteur (1886, vaccin contre la rage) et en passant par Sabin (1959, vaccin contre la polio).
Notes
6 Y compris le besoin vital de protéger chaque enfant de la peur et de l’anxiété (voir le film exemplaire “La vie est belle” de Roberto Benigni).