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En assumant toute la responsabilité pour des panneaux d’affichage fascistes, Nave Dromi a montré son vrai visage, et celui d’Israël

Gideon Levy 21/02/2020
J’aime lire les articles d’opinion de Nave Dromi. Elle est directe, authentique, extrême, laïque, n’élude rien n’offre aucun n’équivoque : un fascisme pur, distillé, sans inhibitions et sans masques.

Tradotto da Fausto Giudice
Qu’est-ce qu’on en a à foutre de La Haye. On va revenir à Gush Katif. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou est le dernier rempart contre le système judiciaire. Les Palestiniens doivent demander pardon, « et si ça ne tenait qu’à moi, nous ne leur pardonnerions pas ». C’est ce qu’elle est – une fasciste hyper-ultranationaliste avouée qui croit que les Juifs méritent tout et les Palestiniens rien ; que les droits humains, c’est bon pour les chochottes et que tout le pays est à elle. Elle est beaucoup plus honnête que les prévaricateurs du centre gauche.
J’ai été impressionné par son honnêteté même en lisant son éditorial dans Haaretz de mercredi (« Nous avons eu raison d’accrocher des panneaux d’affichage montrant Abbas et Haniyeh comme des terroristes vaincus »), dans lequel elle défendait, cette fois-ci dans son rôle au sein du Projet Victoire d’Israël, les panneaux d’affichage obscènes de l’organisation qui dépeignent la victoire israélienne souhaitée comme la direction palestinienne à genoux avec ses terres détruites en arrière-plan. L’essai résumait la pensée fasciste israélienne. Il représentait également bien plus que l’extrême droite : beaucoup [d’Israéliens] rêvent d’une telle victoire israélienne, avec le président palestinien Mahmoud Abbas et le chef du bureau politique du Hamas Ismail Haniyeh ligotés et les yeux bandés, leur terre en feu.
Formulé de façon plus modérée, l’éditorial pourrait représenter l’opinion qui porévaut dans le courant dominant israélien. Israël se conduit en accord avec les valeurs de Dromi plus qu’avec toute autre valeur. Il est donc préférable de l’appeler par son nom : le fascisme. Le fait que le courageux et déterminé maire de Tel-Aviv, Ron Huldai, ait ordonné le retrait des affiches ne signifie pas que le message a été effacé. Il est profondément inscrit dans notre société.
Dromi veut mettre un terme à l’idée que c’est Israël qui doit faire des concessions. Que devrait-il concéder ? Il a volé un pays, expulsé un peuple, l’a dépossédé de ses terres, supprimé sa liberté, piétiné ses droits, tué, humilié, blessé et pillé – et maintenant il devrait aussi concéder ? Assez de cette distorsion. Nous devons changer le paradigme et passer des concessions aux exigences. Nous n’avons pas assez exigé. Nous n’avons pas assez volé. Nous n’avons pas versé assez de sang. Nous n’avons pas assez humilié ou tyrannisé. Nous devons exiger davantage. Nous devons vaincre la terreur, la faire tomber à quatre pattes, les yeux bandés, nous devons cesser de voir l’ennemi comme une victime. Victime ? Quelle victime ? Ils ont tué sept combattants de Palmach à Beit Keshet en 1948 ; qu’ils demandent pardon d’abord, comme elle l’a demandé dans un autre essai.
Vient ensuite l’argument principal, qui est le cœur du sionisme : les revendications des Palestiniens à la propriété de la terre sont sans fondement et injustifiées. Un peuple sans terre est venu sur une terre sans peuple, et qu’est-ce que ces nomades qui se sont retrouvés ici par hasard ont à voir avec notre terre – elle est toute à nous et seulement à nous. Ce n’est pas une opinion minoritaire ; si cela avait été le cas, l’État n’aurait jamais été établi tel qu’il était.
Sur quelle base ont-ils des droits ici ? Parce qu’ils ont vécu ici depuis des centaines d’années ? Parce qu’ils étaient l’écrasante majorité avant que les Juifs ne viennent ici en masse, la plupart d’entre eux fuyant l’horreur en Europe ? Parce qu’aujourd’hui encore, ils représentent la moitié de la population du pays situé entre le fleuve et la mer, la moitié vivant ici de longue date, native, enracinée, non immigrante ? Mais ils n’ont pas de promesse divine, et la Bible ne dit pas un mot sur leurs droits, donc ils n’existent pas. Les histoires bibliques donnent plus de droits de propriété que n’importe quel acte foncier ottoman. Pour faire simple, les Palestiniens ne sont pas juifs, et donc ils n’ont pas de droits.
« Mais ce conflit nous a été imposé», se lamente le créateur des images de reddition. Notre petit Srulik [personnage de BD, allégorie de l’Israélien, NdT], à qui ce conflit a été imposé, ne veut en réalité que la paix. Comme Dromi. La paix comme cette affiche de victoire nauséabonde à Tel-Aviv. En 1967, nous chantions : « Nasser attend Rabin », et en 2020, c’est toujours la même chanson. « Occupation » est un mot qui n’existe pas dans le dictionnaire israélien de Dromi. Les Palestiniens sont des « rejetistes ». Où avez-vous déjà entendu qu’un peuple refuse de se rendre comme le montre son affiche de victoire ? Quand est-il arrivé dans l’histoire qu’un peuple se batte pour sa liberté, pour ses droits nationaux, contre son occupant ?
Dromi n’est pas un phénomène marginal, une curiosité idéologique. Mis à part l’affiche délibérément provocatrice, elle représente fidèlement le sionisme depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui. C’est ce que pensaient les fondateurs de l’État, et ce que pensent les Israéliens aujourd’hui. Lisez Dromi et vous verrez Israël, sans les filtres du politiquement correct ou des libéraux dont le cœur saigne.