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Le ministre de l’Intérieur espagnol décore le chef de l’anti-terrorisme marocain, dénoncé pour avoir torturé un prisonnier politique sahraoui

Alfonso Lafarga 25/09/2019
Abdellatif Hammouchi a été dénoncé en France pour avoir torturé le prisonnier politique sahraoui Naama Asfari, condamné à 30 ans de prison.

Tradotto da Fausto Giudice
Le Comité des Nations Unies contre la torture a établi que le Maroc a torturé Naama Asfari.
Le gouvernement du Parti populaire a déjà décerné à Hammouchi la Croix du Mérite de la Police avec l’insigne rouge, la plus haute distinction du Corps national de Police.
Le ministre de l’Intérieur a également décoré le chef de la gendarmerie royale du Maroc.
Le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a décoré de la Grand-Croix de l’Ordre du Mérite de la Garde civile, la plus haute de ce corps, le chef de l’anti-terrorisme du Maroc, Abdellatif Hammouchi, dénoncé en France pour torture du prisonnier politique sahraoui Naama Asfari.
La même décoration décernée à Hammouchi, Directeur Général de la Surveillance du Territoire (DGST), en charge de la lutte contre le terrorisme, et Directeur Général de la Sûreté Nationale (DGSN), a également été attribuée au Général de corps d’armée, Mohammed Haramou, Commandant en Chef de la Gendarmerie Royale Marocaine, Les deux décorations ont été décidées en Conseil des ministres le 20 septembre 2019 et publiées au Journal officiel le 23 septembre.
C’est la deuxième fois qu’Abdellatif Hammouchi est récompensé en Espagne : la précédente fois, ce fut par le ministre de l’Intérieur du gouvernement du Partido Popular Jorge Fernández Díaz. En octobre 2014, il a reçu à Madrid la Croix du Mérite de la Police avec insigne rouge, la plus haute décoration de l’État espagnol de la Police Nationale, en marque de reconnaissance pour la collaboration de la police marocaine dans la lutte contre le terrorisme djihadiste.
Cette deuxième décoration a été décernée au chef des services de police marocains alors qu’en France, une procédure a été engagée contre lui pour torture du prisonnier politique sahraoui Naama Asfari, marié à Claude Mangin, citoyenle française, et d’Adil Lamtalsi, citoyen marocain franco-marocain, qui réside en France.
Le 20 février 2014, Hammouchi se trouvait à Paris lorsque des officiers de la police judiciaire française, envoyés par un juge, se sont présentés à la résidence de l’ambassadeur du Maroc pour l’entendre au sujet des allégations de torture de Naama Asfari et Adil Lamtalsi, présentées par l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) de France.
Hammouchi a refusé de les suivre et a allégué qu’il se trouvait dans une résidence diplomatique, un bâtiment jouissant de l’extraterritorialité. En conséquence, la coopération judiciaire entre Rabat et Paris a été gelée pendant un an, mais finalement « la France a cédé sans aucun doute : en juin 2015, l’Assemblée nationale a approuvé un accord de coopération judiciaire par lequel les plaintes déposées en France contre des citoyens marocains accusés de crimes au Maroc seront envoyées en priorité au Maroc, même si les victimes sont françaises », selon le correspondant du quotidien El País à Rabat.
Il ajoutait que « plusieurs avocats français ont indiqué que cela impliquait de tordre le bras de la justice française. Amnesty International ou Human Rights Watch ont dénoncé le fait que l’accord favorisait l’impunité des auteurs marocains de violations graves des droits humains. Mais la marche arrière de la France ne s’est pas arrêté là. En février 2015, la France a annoncé qu’elle décernait à Hammouchi l’ordre d’Officier de la Légion d’honneur, un échelon de plus que l’ordre de Chevalier, qui lui avait été décerné en 2011 ».
Le prisonnier politique sahraoui Naama Asfari a été arrêté en novembre 2010 et condamné à 30 ans de prison sur la base d’aveux signés sous la torture pour sa participation au camp de protestation de Gdeim Izik, selon la plainte déposée à cette époque. Il a été victime de harcèlement, de torture et de périodes d’isolement au point qu’en décembre 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture a établi que le Maroc avait torturé Naama et demandé expressément qu’il n’y ait pas de représailles contre lui ou sa famille.
Cependant, la pression a continué contre lui et sa famille et Claude Mangin est empêchée d’entrer au Maroc lorsqu’elle essaie de rendre visite à son mari à la prison de Kenitra, à 1 200 km d’El Ayoun, ce pour quoi en avril 2018 elle a fait une grève de la faim à la Mairie d’Ivry-sur-Seine, où elle vit, près de Paris.
La première décoration en Espagne au directeur de la Sûrté marocaine a suscité de vives critiques et des questions parlementaires au ministre Jorge Fernandez Diaz par plusieurs députés. Gaspar Llamazares de la Gauche unie a déploré que, alors que la France poursuivait Hammouchi pour torture, le gouvernement espagnol le décorait.