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BDS : la gifle d’une Israélienne aux députés allemands

CAPJPO-EuroPalestine 28 mai 2019
Dans un article intitulé “Députés allemands, suis-je antisémite ?”, et publié par Haaretz, Ilana Hammerman, écrivaine et traductrice israélienne qui soutient la campagne BDS, remet à leur place les parlementaires allemands qui se sont récemment permis d’estimer qu’appeler au boycott d’Israel est un acte antisémite.

“Allemagne! Je n’attends rien de toi. Ni de bon, ni de mal ! Voilà ce que j’ai à te dire à toi, Allemagne, dont la classe politique a décidé de nous assimiler, mes camarades et moi qui luttons contre la politique de l’Etat d’Israël, à rien moins que des antisémites.
Avoir assassiné toute ma famille maternelle et des millions d’autres de mon peuple, ne te donne, Allemagne, en rien le droit de taxer qui bon te chante, d’antisémite.
Celles et ceux qui luttent dans le cadre de la campagne BDS, ont toujours eu à coeur de condamner l’antisémitisme, sous toutes ses formes. Législateurs allemands, par votre argumentation aussi pesante que votre raisonnement est tortueux, vous faites triompher la confusion au long d’un texte taxant, sans honte, d’antisémite toute critique de l’Etat d’Israël.
La résolution que vous avez pondue, ne contient pas le moindre début de commencement d’une explication permettant d’avoir un petit aperçu de ce qui se passe dans la société israélienne.
C’est pourtant en se penchant sur tout un processus qui sous-tend l’ensemble de la société israélienne depuis tant d’années que nous pouvons réaliser comment Israël se trouve, à ce jour, au bord de sa propre ruine, entrainant dans sa chute tous ses habitants, qu’ils soient, ou pas, juifs. Ceci à un point tel, qu’il n’y a désormais pas d’endroit sur notre planète plus dangereux pour des Juifs, que l’Etat d’Israël lui-même.
La résolution inique adoptée par le parlement allemand, fait sans vergogne l’impasse sur la présence, au sein du parlement israélien comme de l’exécutif, d’hommes et de femmes qui font l’éloge du fascisme, pour instaurer une dictature nationaliste juive, inscrivant dans le marbre de la loi, l’oppression des autres peuples, et particulièrement des Palestiniens, de la mer Méditerranée au Jourdain.
Nulle part, Mesdames et Messieurs les législateurs allemands, vous ne faites non plus mention de tout le cheminement au long duquel, progressivement, pierre à pierre, ces idéologies fascistes ont réussi à faire promulguer sournoisement tout un arsenal de lois qui rappellent comment, dans les années trente, la peste brune a contaminé l’Allemagne .
Si l’on s’en tient à la résolution du Bundestag (parlement allemand), lutter sans concession contre la politique menée par Israël, – à laquelle s’associent des Juifs israéliens et ailleurs dans le monde- revient à nier le droit à l’existence de l’Etat d’Israël comme étant “un Etat juif et démocratique”.
Comme si l’on pouvait qualifier de démocratique, un pays où les législateurs n’ont de cesse de s’employer, avec une redoutable efficacité, à paralyser le système judiciaire, enfreindre toute liberté d’action de la société civile, et empêcher tout citoyen ayant le tort de n’être point juif, de prétendre à l’égalité des droits.
Pendant plus de cinquante ans, ce pays a appliqué une politique qui, sous la botte d’un énorme et omnipotent pouvoir militaire, a entériné le vol de terres, les démolitions de maisons, dénié la liberté d’aller et de venir, de vivre dignement de son travail, accordant par contre tous les droits à vivre comme bon leur semble aux Juifs qui décident de s’installer sur les terres volées à des millions d’autres gens.
Et l’on voudrait nous faire croire qu’un Etat appliquant une telle politique d’apartheid, pourrait continuer d’être rangé aux côtés des pays démocratiques.
Certes, en Israël, le parlement et le gouvernement sont choisis à la suite d’élections (élections dont sont exclus les Palestiniens des territoires occupés, quand bien même elles touchent à leur quotidien sous tous ses aspects).
Mais vous êtes bien placés pour savoir que ce n’est pas le critère le plus approprié pour définir la démocratie, étant donné qu’une majorité de votre population a, directement ou indirectement, placé le parti nazi au pouvoir en Allemagne.
Antisémites, dites vous, tous ceux qui, selon-vous toujours, rejettent le droit d’Israël à “assurer sa sécurité”.
Mais vous vous gardez bien de préciser que toutes les guerres menées par Israël durant des décennies, consistent à répandre la destruction depuis le Liban jusqu’à la bande de Gaza, brisant la vie de centaines de milliers de gens, au cours de bombardements massifs depuis la terre, la mer et l’air.
En quoi, agir ainsi consisterait à assurer sa propre sécurité ?
A quoi bon s’étendre plus longuement sur ces guerres, tout a déjà été dit, sous la plume de chercheurs ou de personnes un tant soi peu dotées de sens moral.
Et c’est pourtant précisément à ce très sombre moment de l’histoire de notre pays, que l’Allemagne ressent un besoin pressant de se ranger du côté d’Israël, politiquement, économiquement et militairement, prétendant, en se positionnant ainsi, lutter contre l’antisémitisme.
Dans votre résolution, rien ne transparait sur la bataille que nous menons, sur place,- nous qui affrontons des défaites répétées, dont vous n’êtes pas étrangers pour le moins- afin de réaliser notre désir de vivre en simple être humain, plutôt que de devoir mourir dans un conflit sanglant.
C’est un conflit que les gouvernements israéliens ont entretenu sciemment jusqu’aux récentes générations, et aujourd’hui c’est en assumant de manière décomplexée leurs desseins bellicistes, qu’ils nous promettent de vivre éternellement sous le règne du glaive.
Le pouvoir militaire, disent vos hommes d’Etat et législateurs, déterminera toujours la situation d’Israël, géographiquement, politiquement, et moralement, – le pouvoir militaire, et non ces conventions signées par la communauté internationale, dont pourtant la plupart ont vu le jour après la mort et les destructions que votre pays a semées partout où son armée à envahi.
Non, vous ne mentionnez rien de tout cela, braves législateurs du parlement allemand.
Au lieu de vous sentir quelque peu concernés par le poids de votre responsabilité dans le destin qui nous est assigné ici, vous avez fait le choix, sans doute plus confortable, de vous alléger de tout sentiment de culpabilité.
Voilà la nature de votre résolution, et tout ce qu’elle signifie, dans toute son étendue.
Rien ne vous autorise à me taxer d’antisémite, pour le seul motif que j’en suis venue à estimer que, vu les circonstances, seuls des sanctions et le boycott, outil non violent, sont à même de contraindre Israël à se retirer des territoires occupés.
Un tel boycott, appliqué selon ces critères, n’a absolument rien à voir avec celui, brutal et raciste que les nazis de votre pays ont imposé à l’encontre des boutiques et commerces juifs en avril 1933.
Vous n’avez aucun droit à me désigner comme antisémite sous prétexte que, dans ce journal je travaille d’arrache-pied à convaincre mes collègues, intellectuels israéliens, ou artistes, de répondre à notre appel en lui donnant un écho urgent qui se traduirait ainsi :
” Nous, artistes, créateurs, intellectuels et universitaires, citoyens et résidents d’Israël, pressons la communauté internationale de contraindre Israël, par des sanctions exercées diplomatiquement, économiquement et politiquement, à retirer tous ses citoyens des territoires occupés.”
Assez d’hypocrisie, cessez de vous regarder le nombril, dans cette posture d’autosatisfaction face à vos sentiments de culpabilité.
Si vous voulez prendre à bras le corps le poids de la culpabilité écrasante de vos parents et de votre pays, alors faites la seule chose juste qu’il est encore temps de faire, opposez vous à la politique que mènent les gouvernements israéliens.”
(Traduit par Lionel R. pour CAPJPO-EuroPalestine)
Source : Haaretz
CAPJPO-EuroPalestine