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Contre la présence des Forces de Défense Israéliennes dans nos salles de cours

AURDIP 13/Janvier/2019
Sous les auspices du Programme de Politique Publique et du Comité des Relations Internationales, Meir Elran, un général de brigade en retraite de l’armée israélienne, va donner un cours cet hiver à l’Université de Chicago intitulé « Sécurité, Antiterrorisme et Résilience : le cas d’Israël ».

La principale qualification d’Elran pour donner ce cours est qu’il a consacré sa carrière à concevoir et administrer la politique antiterroriste d’Israël.

Ces derniers mois, sous prétexte d’antiterrorisme, Israël a violemment réprimé des manifestations contre les mesures de sécurité omniprésentes à la mosquée d’al-Aqsa, le troisième principal lieu saint de l’Islam ; Israël a assassiné sept Palestiniens lors d’une mission ratée des services secrets dans la bande de Gaza ; et il a massacré plus de 150 autres Palestiniens de la Grande Marche du Retour, visant des civils, des ambulanciers et des journalistes avec des balles qui explosent à grande vitesse, conçues pour s’épanouir dans le corps comme des champignons et le mutiler à jamais.
Quand le général de brigade (en retraite) Meir Elran est entré mardi dans la salle de cours du secteur central du campus et a distribué le programme du cours à ses nouveaux étudiants, il est devenu d’autant plus difficile de déterminer où le militarisme, l’impérialisme américain et l’ethno-nationalisme s’arrêtent et où l’université commence.
La position d’Elran de directeur adjoint du Renseignement militaire de l’armée israélienne a coïncidé avec les deux premières années de la Première Intifada, un soulèvement palestinien s’opposant à l’occupation israélienne de Gaza et de la Cisjordanie. L’armée israélienne a répondu à la Première Intifada par une campagne de répression brutale et de tortures. Sous la bannière de « force, puissance et coups », l’armée israélienne a formé les troupes à casser les os des manifestants palestiniens à coups de matraque. Sous la supervision d’Elran, l’armée a coupé l’adduction d’eau de villages palestiniens. Pendant la Première Intifada, l’antiterrorisme en Israël a consisté à fermer simultanément toutes les universités de Cisjordanie pour des années, comme moyen de militariser l’accès à l’éducation. Aujourd’hui, Elran vient enseigner à l’université pour diffuser les techniques antiterroristes qu’il a apprises il y a trente ans.
L’appartenance d’Elran à l’armée israélienne ne se limite pas non plus au passé. Il maintient jusqu’à aujourd’hui des liens étroits avec les militaires israéliens et avec le complexe de sécurité en tant que chef du Programme de Sécurité Intérieure de l’Institut pour les Études de Sécurité Nationale (INSS) de Tel Aviv. L’INSS publie des recherches et des recommandations de politique destinées à l’appareil de sécurité nationale. Nombre de chercheurs de l’Institut ont précédemment servi dans l’armée. En fournissant une couverture à la machine de guerre antiterroriste israélienne, l’INSS est complice de ses crimes. Des chercheurs chevronnés de l’INSS, comme Meir Elran, ne produisent pas de connaissance au service d’investigations critiques ou de l’enrichissement humain. La connaissance qu’ils produisent arme l’État d’Israël dans le travestissement de ses crimes de guerre en lutte antiterroriste.
C’est tout d’abord par un financement du Programme de Professeurs Invités de l’Institut d’Israël qu’Elran peut enseigner à l’Université de Chicago. Fondé par un ancien ambassadeur israélien aux États Unis, l’Institut d’Israël fonctionne en pratique comme une arme de propagande pour l’État d’Israël. L’Institut fait partie d’une vaste campagne tendant à persuader la prochaine génération d’étudiants aux États Unis de soutenir le projet de l’État d’Israël, de détourner le regard tandis qu’Israël construit de plus en plus de colonies sur des terres palestiniennes expropriées ; qu’Israël incarcère des Palestiniens sans accusation ; et qu’il étend son système de ségrégation raciale.
Le cours d’Elran est annoncé comme examen historique de la stratégie israélienne de sécurité nationale, depuis l’époque de la Nakba de 1948 jusqu’à aujourd’hui. Les étudiants vont explorer comment « les démocraties libérales occidentales répondent à la menace terroriste et à l’état de guerre ’hybride’ de déstabilisation ». Nous condamnons le fait que ce cours présente un reconditionnement des violations des droits humains par Israël sous le couvert d’une formation générale.
L’usage de l’antiterrorisme comme rhétorique pour justifier l’occupation continue de l’esprit et des terres des Palestiniens est au mieux orientaliste et au pire meurtrier. C’est avec cette rhétorique que l’armée israélienne a justifié la répression dans des villages palestiniens résilients pendant qu’Elran était en poste comme général de brigade. Et c’est avec cette rhétorique que les forces d’occupation d’Israël cachent aujourd’hui la violence déshumanisante de leur siège de Gaza et de la colonisation de la Cisjordanie.
Les implications de l’introduction de cette rhétorique en salle de cours sont graves. Quelles que soient les intentions d’Elran, le fondement de son cours encourage nécessairement les étudiants à réfuter la légitimité des luttes palestiniennes pour la justice, à accepter l’occupation de la Palestine comme une situation normale et à célébrer la politique « libérale » d’une armée qui commet des atrocités contre les droits humains. La description du cours s’arrange pour exclure toute référence aux Palestiniens, diabolisant ainsi explicitement leur lutte de libération. Minimiser ce cours comme s’il présentait simplement de façon unilatérale une question compliquée serait fallacieux. Sous le prétexte d’une formation générale, le cours d’Elran porte atteinte à la liberté d’expression en prolongeant la rhétorique violemment islamophobe et bien trop répandue, qui présente Israël comme faisant face bravement et avec résilience aux indigènes barbares du pays. La rhétorique de l’antiterrorisme est inséparable de l’islamophobie et donc inséparable du système israélien de ségrégation raciale.
Dans des articles qu’il a écrits et dans la description de son cours, Meir Elran vante ce qu’il appelle « la doctrine de résilience » comme paradigme de l’antiterrorisme. L’adoption par Elran de la « doctrine de résilience » est tragiquement ironique, étant donné que rien n’incarne mieux la résilience que la lutte quotidienne des Palestiniens pour la dignité, l’égalité des droits et l’autodétermination.
—Les Socialistes de l’Université de Chicago et les Étudiants pour la Justice en Palestine (UChicago Socialists and Students for Justice in Palestine).
Les Socialistes de l’Université de Chicago et les Étudiants pour la Justice en Palestine |Traduction SF pour l’AURDIP