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Espagne – Arabie Saoudite: armes ou droits de l’homme?

François Musseau 12 septembre 2018
Les relations diplomatiques entre l’Espagne et l’Arabie saoudite sont au plus bas. Et cela pour des raisons de ventes d’armes.

La semaine dernière, le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez avait surpris en annonçant la suspension de la livraison de 400 bombes guidées de haute précision. Raisons invoquées par la ministre de la Défense : ces bombes seront utilisées pour tuer des innocents. En représailles, l’Arabie Saoudite parle aujourd’hui d’annuler un contrat mirifique, ce qui serait une catastrophe économique pour Madrid.

Ledit contrat n’est ni plus ni moins que le plus grand contrat de ces dernières années en ce qui concerne les navires de guerre. En juillet 2018, l’Espagne a en effet signé avec l’Arabie saoudite un contrat sans précédent qui prévoit la construction de cinq corvettes dans les chantiers navals de San Fernando, près de Cadix dans le sud du pays. Cinq navires de guerre, qui rapporteront près de deux milliards d’euros et fourniront pendant cinq ans pas loin de 6 000 emplois. Un véritable cadeau du ciel pour cette région de Cadix touchée par un chômage qui atteint les 30% à 35%, selon les zones.
Pas de bombes, pas de chantier
Si les Espagnols refusent de revenir sur le blocage des 400 bombes guidées, les Saoudiens mettront un terme au contrat. Les autorités saoudiennes l’ont fait savoir avec une grande clarté, par leur ambassade à Madrid. Ryad a besoin de ces bombes de très haute précision lancées depuis des avions, notamment dans son conflit au Yémen. Pour le gouvernement espagnol, qui se dit progressiste et proche des victimes de ce conflit, ces bombes ont été utilisées et seront utilisées à l’avenir pour tuer des innocents. C’est ce qu’assure le porte-parole parlementaire socialiste. Il s’appuie sur ce carnage, le 9 août, où une cinquantaine de Yéménites, des enfants pour la plupart, ont été tués par ce genre de bombe guidée.
Terrible dilemme
Ou l’Espagne livre ces 400 bombes, ou bien elle peut s’attendre à l’annulation d’une forte commande qui aurait de vastes conséquences sociales. Dans la région de Cadix, pourtant de gauche, on s’angoisse et on l’exprime lors de manifestations bruyantes : il est impensable de perdre cette commande et ces 6 000 emplois ; les dirigeants locaux disent même que si elle est annulée, les chantiers navals publics, Navantia, ne s’en remettront pas. La population civile au Yémen, ou bien des milliers d’emplois en Andalousie. Le maire de Cadix évoque un choix impossible. On verra dans les jours qui viennent ce que décident les socialistes au pouvoir. L’éthique d’un côté, l’emploi de l’autre.