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L’ascenseur social en panne en Allemagne

Florence
Schulz, EURACTIV,  27 giu 2018

Les
ministres des Affaires sociales européens tentent de se mettre d’accord sur les
droits sociaux et le marché du travail. Mais l’origine sociale continue de
peser fortement sur la carrière professionnelle en Allemagne, malgré son
système social développé. Un article d’Euractiv Allemagne.

An exterior
view of the Federal Employment Agency (BA) in Duisburg, Germany, 27 December
2017. The Federal Employment Agency publishes its employment report for
December 2017 on 03 January 2018. EPA-EFE/SASCHA STEINBACH [EPA-EFE/SASCHA
STEINBACH]
Six
générations, c’est la durée nécessaire en Allemagne pour qu’une famille à
faible revenu progresse jusqu’au revenu moyen. Dans les pays scandinaves, cette
même ascension prend autour de trois générations.

Dans une
nouvelle étude, l’OCDE dresse un triste tableau de l’égalité des chances dans
les pays d’Europe occidentale. L’Allemagne, qui dispose pourtant d’un système
de sécurité sociale développé et d’une éducation gratuite, n’est pas
épargnée : la règle y reste celle de la reproduction sociale, ceux nés
pauvres restant pauvres et ceux nés riches restant riches.
Réunis à
Luxembourg la semaine dernière, les ministres des Affaires sociales européens
ont abordé la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ainsi
que l’égal accès au marché du travail. Des avancées sont également attendues
sur le socle européen des droits sociaux. Mais le fait que les opportunités de
travail soient encore fortement dépendantes de l’origine sociale, même dans un
pays riche comme l’Allemagne, ternit les réjouissances.
Un
système scolaire divisé et des mini-jobs sources de barrières sociales
Parmi les
20 % des plus faibles revenus au sein de la population allemande, presque
60 % ne sortent pas de leur tranche de revenu. Presque chaque second
enfant d’un manager devient lui-même manager. Au haut de l’échelle des revenus,
74 % de ceux gagnant le plus ne voient pas leur revenu diminuer. Des
tendances qui, bien que se retrouvant dans d’autres États membres d’Europe
centrale, tiennent aussi à des facteurs propres au système allemand.
« Je
trouve ces résultats alarmants, mais peu surprenants », déclare Sabine
Zimmermann, présidente du comité pour la famille, les personnes âgées, les
femmes, la jeunesse, et porte-parole de la gauche sur la thématique du marché
du travail au Bundestag. « Les enfants sont bloqués dans le système
scolaire allemand, en étant catégorisés dans des types d’écoles séparés à l’âge
de 10 ans. »
Plus
tard, dans la vie professionnelle, les choses ne s’arrangent pas, en raison du
nombre croissant de contrats à durée déterminée, de petits jobs et d’emplois
temporaires sur le marché du travail allemand. Selon des déclarations du
gouvernement en octobre 2017, 3.2 millions de personnes ont plusieurs emplois
en Allemagne.
« Le
travail temporaire divise notre société entre des travailleurs de première
classe et des travailleurs de seconde classe. Cela devrait être aboli »,
insiste Zimmermann. Selon l’OCDE, les conditions de travail précaires compliquent
la progression de carrière, la poursuite de multiples emplois rendant plus
difficile l’épanouissement professionnel.
Une
meilleure redistribution de la richesse
Face à ce
constat, que faire ? « Des mesures de long terme et de court terme
sont nécessaires pour assouplir les structures sociales », explique
Michael Förster, responsable de l’étude à l’OCDE.
Ce qui
signifie en mesures concrètes une réduction des taxes sur les travailleurs à
faible salaire, plus d’incitations pour le plein emploi, et une réforme de
l’impôt sur l’héritage pour atténuer la concentration du capital.
Dans le
même temps, sur le long terme, d’importants investissements dans l’éducation de
la petite enfance, des journées d’école complètes, un assouplissement du
système scolaire tripartite et une réduction du chômage de longue durée sont
nécessaires.
Le
gouvernement de coalition allemand s’est engagé à investir massivement dans
l’éducation et la politique familiale. La semaine prochaine, il souhaite
finaliser son « paquet familial », d’une valeur de 9.8 milliards
d’euros et qui comprend une hausse des allocations pour enfants.
À partir
de 2019, une loi sur le travail à temps partiel régulera la réinsertion sur le
marché du travail. Si ces efforts vont dans le bon sens selon Förster, l’expert
insiste sur l’importance de la « redistribution des richesses entre
classes sociales », sans laquelle « la stagnation sociale va
empirer ».
Entre
autres, les ministres des Affaires sociales de l’Union ont défini la semaine
dernière leur ligne commune quant aux propositions sur des règles européennes
minimales pour le congé parental et une meilleure coordination des systèmes de
sécurité sociale. Avant que le socle européen des droits sociaux n’ouvre la
voie à l’égalité des chances sur le marché du travail, beaucoup reste à faire.