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La plus plausible et raisonnable histoire de la Palestine et d’Israël

Rima
Najjar, Chronique Palestine, 29 juin 2018

L’histoire
derrière la Palestine et Israël est une histoire de colonialisme de peuplement
juif européen – c’est-à-dire le sionisme. Et puisque le racisme est à la fois
un symptôme et un outil du colonialisme de peuplement, le sionisme est aussi
considéré comme de l’antisémitisme, et comme de l’ethno-suprématie ou
suprématie juive, de l’arabophobie et de l’islamophobie.
Ghada
Karmi (G) et Ellen Siegel, font la preuve de l’injustice de la loi israélienne
du ” retour ” en 1973 – Photo : réseaux sociaux

La relation
triangulaire de l’antisémitisme, de l’islamophobie et de l’arabo phobie dans
l’histoire de la Palestine et d’Israël est partie intégrante du mouvement
colonisateur de peuplement du sionisme et n’est pas une « nouvelle
histoire » au sens de l’expression introduite par l’historien israélien
Benny Morris en 1980 pour humaniser, dans le discours universitaire israélien,
les victimes du sionisme. Elle reflète simplement la terminologie moderne et
englobe les événements historiques auxquels l’esprit sioniste est encore
largement fermé.

Ces
événements historiques sont simples dans leurs grandes lignes. Les Juifs
sionistes (athées autoproclamés) ont décidé de construire un État juif en
Palestine et ont fini par s’approprier par la force une grande partie de la terre,
expulser la plupart de la population palestinienne arabe non juive, et empêcher
son retour.
Aujourd’hui,
Israël occupe le reste du territoire que l’Organisation Sioniste Mondiale n’a
pas réussi à prendre et continue à le « coloniser ».
Dans ‘The
Ends of Zionism: Racism and the Palestinian Struggle’(Les buts du sionisme :
Racisme et la lutte palestinienne), Joseph Massad écrit:
 »
Ce qui façonne l’idéologie du sionisme en tant que mouvement colonial et
préside à ses pratiques c’est une épistémologie religio-raciale à travers
laquelle il s’appréhende lui-même et le monde qui l’entoure… Il n’est plus
contesté, même parmi de nombreux Israéliens, que parmi les effets du sionisme
sur le peuple palestinien au cours des cent dernières années figurent : l’expulsion
de la majorité des Palestiniens de leur terre et de leur foyer, la proscription
de leur retour et la confiscation de leurs biens à l’usage exclusif des Juifs
qui en résulta; l’imposition d’un système d’apartheid militaire aux
Palestiniens restés en Israël de 1948 à 1966, qui depuis lors a été assoupli en
un système civil de discrimination via la suprématie juive ; et l’occupation
militaire et le système d’apartheid imposé à la Cisjordanie et à la Bande de
Gaza et à leur population depuis trente-cinq ans[maintenant cinquante et un],
ainsi que la poursuite de la colonisation de ces territoires occupés.”
En ce
sens, l’histoire du colonialisme de peuplement juif européen – c’est-à-dire le
sionisme – derrière la Palestine et Israël (par opposition à l’histoire en tant
que  » récit  » ou mythe sioniste) a de son côté la voix de la
raison, parce qu’elle révèle une atrocité qui doit être réparée.
Reconnaître
les crimes historiques et en cours d’Israël contre les Arabes palestiniens et
en assumer la responsabilité est la première étape du règlement de la Nakba.
Les détails historiques concernant le pourquoi et le comment de ces événements
tragiques ont rempli de nombreux livres, mais là n’est pas la question.
Les grandes
lignes ont en soi la voix de la raison si l’on considère aussi la justice comme
raisonnable et l’injustice comme déraisonnable.
Qu’est-ce
qui est raisonnable ou plausible, par exemple, dans le fait qu’Ivanka Trump,
fille du président américain Donald Trump et épouse de Jared Kushner, puisse
maintenant acheter une maison à Jérusalem et « retourner » en Israël
grâce à sa conversion au judaïsme et à la judéité de son mari américain, alors
que Ghada Karmi, Arabe palestinienne musulmane se voit refuser le retour dans
son pays d’origine et n’est même pas autorisée à racheter la maison volée de
son propre père ?
Dans
“Humanizing the Text: Israeli ‘New History’ and the Trajectory of the 1948
Historiography” (Humaniser le texte : la nouvelle Histoire d’Israël et la
Trajectoire de l’historiographie de 1948), Ilan Pappe, célèbre pour son ‘Le
nettoyage ethnique de la Palestine’ écrit:
« Une
chose est claire lorsqu’on analyse le sort de la nouvelle histoire israélienne
depuis sa création à la fin des années 1980 jusqu’à sa disparition brève ou
temporaire en 2000 : la reconstruction historique est étroitement liée à
l’évolution politique générale et à ses bouleversements. Dans les sociétés
déchirées par des clivages et des conflits internes et externes, le travail des
historiens est constamment imprégné par les évènements politiques autour d’eux.
Dans ces lieux géopolitiques, la prétention d’objectivité est particulièrement
déplacée, sinon totalement infondée. »
Les
historiens dissidents juifs radicaux comme Ilan Pappe en Israël sont vitaux
pour une histoire qui a la voix de la raison de son côté. Ils constituent un
pont vers une opinion publique plus large en Israël.
Les
Palestiniens se demandent souvent ce qu’il faut pour sensibiliser l’opinion
publique occidentale à l’histoire tragique de la Palestine de ces 70 dernières
années.
Je crois
que la meilleure façon de faire basculer l’opinion publique occidentale du
soutien à Israël vers un soutien à la cause palestinienne est de continuer à
souligner ce qui s’est déjà produit et dû à la mort du soi-disant  »
processus de paix  » et de la  » solution à deux États « , à
savoir la prise de conscience, si longtemps occultée, que le problème d’Israël
réside dans sa nature de projet colonial de peuplement sioniste en Palestine,
plutôt que comme  » occupant  » militaire.
Dans
Pourquoi le terme ‘ occupation israélienne ‘ doit être rejeté, Ramzy Baroud
écrit,
« On dit
souvent qu’Israël est un occupant qui a violé les règles de l’occupation telles
qu’elles sont énoncées dans le droit international. Cela eut été le cas un,
deux ou cinq ans après l’occupation initiale, mais pas 51 ans plus tard.
Depuis, l’occupation s’est transformée en colonisation à long terme. »
Beaucoup
de gens croient que la Grande Marche du retour a eu tant de réactions
journalistiques positives dans les médias occidentaux parce que la protestation
est essentiellement non-violente – c’est-à-dire qu’on ne peut pas dire qu’elle
menace la sécurité d’Israël et donc que la force meurtrière qu’Israël utilise
est « disproportionnée » et criminelle.
Voilà
toute la portée de l’action non-violente palestinienne. Elle ne change en rien
la perception qu’ont les populations occidentales d’Israël en tant qu’État de
type occidental légitime protégeant ses « frontières » (bien qu’avec
une force disproportionnée) contre une mer d’Arabes ou leur perception des
Palestiniens en tant qu’ »émeutiers » et « barbares » dont
le seul désir maléfique est de tuer les Juifs.
La
résistance non violente a son utilité, certes, mais, à mon avis, elle ne doit
jamais être imposée comme degré moral supérieur de résistance à un peuple
opprimé et brutalisé.
En outre,
l’accent mis sur la tactique de la résistance non violente délégitime
implicitement d’autres formes de résistance, en élevant au statut de saint
certains martyrs palestiniens et prisonniers grévistes de la faim en détention
administrative (c’est-à-dire ceux qui sont emprisonnés sans inculpation) et en
acceptant la justification d’Israël pour l’exécution et l’emprisonnement de
milliers d’autres Palestiniens.
Ce qui
est différent avec la Grande Marche du Retour, c’est que son exigence de retour
relie « l’occupation » et le siège avec la Nakba, théâtralisant pour
un public occidental, par la protestation et la résistance, la colonisation de
toute la Palestine.
Cette
exigence, entendue pour la première fois dans l’histoire récente de la
résistance palestinienne, modifie la perception des publics occidentaux.
Les
militants pour la justice en Palestine utilisent depuis longtemps sur les
réseaux sociaux différentes tactiques (principalement exposer et faire
connaître les violations du droit international et de la dignité humaine par
Israël) pour atteindre les publics occidentaux (briser le silence des médias
grand public en Occident). Les plus efficaces sont les campagnes de Boycott,
Désinvestissement et Sanctions (BDS – PACBI) qui persuadent les grands noms du
monde universitaire et les célébrités culturelles et sportives de se rallier à
la cause palestinienne.
Les
populations occidentales sont également de plus en plus conscientes de la
réaction hostile sioniste contre les campagnes du BDS, en particulier parce
qu’elle empiète sur la liberté d’expression.
En
général, s’adresser à des auditoires occidentaux, en particulier ceux de
gauche, fonctionne en se référant aux valeurs progressistes applicables aux
injustices contre tous les groupes marginalisés de la société occidentale, car
cela fait ressortir l’incongruité de faire de la cause palestinienne une
exception.
Les
auditoires occidentaux sont supposés faire partie de la tradition
judéo-chrétienne, expression forgée par George Orwell à la fin des années 1930
pour combattre l’antisémitisme. Malheureusement, cette tradition humaniste est
entachée, car l’antisémitisme et l’antisionisme y sont désormais inexorablement
liés, ainsi combattre l’un signifie combattre l’autre.
La
civilisation occidentale a longtemps été définie par la conquête coloniale
(accompagnée au Moyen-Orient d’islamophobie et d’arabophobie) et le pouvoir
impérial ; c’est ce qui a donné naissance au sionisme. En outre,
« ….
une fois établie dans sa position de supériorité militaire, la culture
coloniale produit, par le biais de toute une gamme de supports, une ‘série
inépuisable de propositions qui, lentement et subtilement – grâce à des livres,
journaux, écoles et leurs textes, publicités, films, radio – s’insinuent dans
l’esprit et façonnent la vision du monde du groupe auquel on appartient…. Une
colonisation réussie conduit l’opprimé à s’identifier à la vision du monde de
l’oppresseur. ».
L’Autorité
palestinienne s’identifie maintenant si totalement à son oppresseur qu’elle n’a
pas hésité, sur ordre d’Israël, à sévir violemment contre les Palestiniens de
Cisjordanie qui se mobilisaient contre les mesures économiques punitives de
Mahmoud Abbas à Gaza.
Ce qui
changera en fin de compte la perception de l’opinion publique occidentale, ce
sont les Palestiniens eux-mêmes, quelle que soit la manière qu’ils choisiront
de résister. Ils doivent exiger leur libération – la décolonisation et non pas
simplement la « fin de l’occupation ».