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Israël a profité de la Grande Marche pour tester ses dernières armes de répression à distance

Rebeccas
Stead, Chronique Palestine, 1 juin 2018

Cent
quinze Palestiniens viennent d’être tués et 13 000 autres blessés pendant la
Grande Marche du retour qui a commencé le 30 mars. Beaucoup d’entre eux ont été
abattus à balles réelles à partir des positions israéliennes situées de l’autre
côté de la clôture qui sépare Gaza d’Israël. Des drones sans pilote planaient
dans le ciel et larguaient du gaz lacrymogène sur les manifestants. Les «
balles papillon » ont fait exploser les membres de dizaines de Palestiniens.
Attaqués
par les forces israéliennes d’occupation, des manifestants palestiniens se
rassemblent pour réclament le droit de retourner dans leur patrie, à l’occasion
du 70e anniversaire de la “Nakba” et pour protester contre le
transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem – Khan Younis, dans le sud de
la bande de Gaza, le 15 mai 2018 – Photo: Ashraf Amra

e fut une
opération de répression des manifestants à distance. Froide, clinique,
calculée, et aux effets dévastateurs. Israël est l’un des principaux fabricants
d’armes et de munitions de haute technologie, et la Grande Marche du retour a
été une occasion toute trouvée d’expérimenter ses dernières réalisations. Grâce
à la population de cobayes de près de deux millions de Palestiniens emprisonnés
dans Gaza assiégée, Israël peut vanter sa technologie et son armement qui ont «
fait leurs preuves au combat » dans un monde entrepreneurial indifférent à
l’éthique.

On a
beaucoup parlé des drones utilisés par Israël pour larguer des gaz lacrymogènes
sur les manifestants et les journalistes palestiniens qui couvraient les
manifestations. Ces drones ont fait leur apparition en mars dernier dans des
images de la télévision libanaise Al-Mayadeen TV qui montraient de petits appareils
aériens en train de larguer des bombes de gaz sur des Palestiniens près de la
clôture de séparation.
Le Times of
Israel
a rapporté qu’un « porte-parole des Forces de défense
israéliennes avait déclaré que le drone [véhicule aérien sans pilote] n’était
pas utilisé par l’armée mais par la police des frontières ». La police des
frontières a refusé de commenter.
La «
balle papillon » est une balle qui va plus vite que le son et qui provoque de
graves dommages dans la chair et les os du corps humain. Elle est utilisée par
les tireurs d’élite de l’armée israélienne contre les manifestants inoffensifs
aux abords de Gaza [Twitter].

Middle East
Eye
(MEE) a enquêté sur l’utilisation de ces drones par Israël, et,
selon ce site, « il semble y avoir trois types de drones utilisés pour
disperser le gaz ». Le premier est connu sous le nom de « Cyclone Riot Control
Drone System » et est fabriqué par la société israélienne ISPRA.

Les
autres sont inconnus et semblent avoir été utilisés pour la première fois
contre les manifestants de la Grande Marche, selon MEE, l’un est « un drone qui
vaporise le gaz directement depuis le drone comme un aérosol » et le second est
« un drone de type hélicoptère qui transporte des grenades remplies de balles
de caoutchouc avec des couvercles métalliques qui vaporisent le gaz en tombant
».
Mais il y
a pire que ces drones. Non seulement Israël a tiré à balles réelles sur une
foule de manifestants, mais on a appris qu’ils avaient également utilisé des «
balles papillon ». Selon un article d’Al Jazeera,
au début du mois :
Les
médecins sur le terrain affirment que les forces israéliennes tirent sur les
manifestants avec une nouvelle sorte de balle – jamais vue auparavant – connue
sous le nom de « balle papillon
», qui explose à l’impact, pulvérisant les tissus, les artères et les os, et
causant de graves blessures internes.
 

On pense
que ce sont ces « balles papillon » qui ont tué les journalistes palestiniens Yaser Murtaja
et Ahmed
Abu-Hussein
, abattus alors qu’ils faisaient des reportages à Gaza en
étant clairement identifiés comme journalistes.
Les deux
hommes ont reçu des balles dans l’abdomen, ce qui, selon le porte-parole du
ministère de la Santé de Gaza, Ashraf Al-Qedraf, a eu pour conséquence que «
tous leurs organes internes [ont été] totalement détruits, pulvérisés ». Il a
ajouté que ces balles sont les plus meurtrières que l’armée israélienne ait
jamais utilisées.
Israël a
fait un usage intensif de ces nouvelles balles. Selon un rapport de Médecins Sans
Frontières
(MSF), « la moitié des plus de 500 patients que nous
avons admis dans nos cliniques ont des blessures où la balle a littéralement
détruit les tissus après avoir pulvérisé l’os ».
Le
rapport note également que le nombre de patients traités dans les cliniques de
MSF au cours des trois premières semaines de la Grande Marche du retour « [a
été] plus élevé que le nombre de patients que nous avons traités pendant toute
l’année 2014, lorsque l’opération militaire israélienne « Protective Edge » a
été lancée contre la bande de Gaza.
Les
médecins à Gaza rapportent que les forces israéliennes utilisent une
« balle papillon » dévastatriceC’est loin d’être la première fois
qu’Israël expérimente ses nouvelles technologies sur les Palestiniens.

En 2006,
dans le sillage du « désengagement » d’Israël de Gaza, au cours duquel Israël a
rapatrié environ 8000 colons illégaux de la bande de Gaza, Darryl Li de
l’Université de Chicago a qualifié Gaza de « laboratoire
». Selon Li, Gaza est « un espace où Israël teste et affine diverses techniques
de gestion cherchant continuellement à atteindre un contrôle maximal du
territoire tout en assumant une responsabilité minimale de sa population non
juive ». Il a cité Amos Yadlin, alors chef du renseignement militaire israélien
: « Notre vision du contrôle aérien s’est circonscrite à la notion de contrôle.
Nous recherchons le moyen de contrôler une ville ou un territoire à partir des
airs lorsqu’il devient illégitime de le contrôler ou de l’occuper sur le
terrain.

Il est
clair que l’utilisation par Israël de nouvelles technologies pour réprimer la
Grande Marche du retour n’est qu’un aspect de ses efforts incessants pour
contrôler Gaza et sa population assiégée. Les drones constituent une méthode de
contrôle à distance qui, tout en faisant courir un risque minimal aux forces
d’Israël, lui permet de se targuer d’avoir « les mains propres » devant
l’opinion internationale. Mais, bien qu’Israël ait l’habitude de tester ses
nouvelles technologies sur une population captive avec une « responsabilité
minimale », en testant les nouvelles « balles papillon » à l’effet dévastateur,
Israël montre que son mépris de la vie palestinienne a atteint un nouveau
sommet.
La Grande
Marche du retour a, à nouveau, servi de laboratoire à Israël pour tester ses
dernières technologies en situation réelle. Cela lui fournit des preuves
concrètes de l’efficacité de ses technologies, qui servent ensuite d’arguments
de vente dans les transactions internationales d’armes. ISPRA, l’entreprise qui
fabrique le « Drone Cyclone» mentionné ci-dessus, se vante sur son site web d’offrir des «
solutions intelligentes pour le contrôle des foules » basées sur un «
savoir-faire technique assorti d’une expérience pratique sur le terrain ».
ISPRA,
qui se présente comme un« fournisseur mondial de premier plan pour les forces
de police et de défense du monde entier, y compris les États-Unis, le Canada,
l’Europe, l’Asie, l’Amérique centrale et du Sud et l’Afrique », et d’autres
fabricants d’armes, augmenteront sans doute leurs profits et leur notoriété,
grâce au succès remporté par leurs produits contre les manifestants
palestiniens lors de la Grande Marche du retour. Tant que les forces internationales
de défense et de police du monde entier continueront d’acheter ces produits, le
sang des Palestiniens continuera de couler.