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Gaza : la mobilisation contre Israël en net repli

Par Cyrille
Louis, Le Figaro, 09/06/2018

Quatre
Palestiniens ont été tués et plus de cinq cents ont été blessés vendredi par
des tirs israéliens.
Les
soldats de Tsahal, postés à la frontière avec Gaza, ont l’ordre d’empêcher
toute intrusion sur le territoire israélien. Amir Cohen/REUTERS

Les postes de
tir se succèdent le long de la frontière
, semblables à de petits
terrils que relie un remblai à hauteur d’hommes. Sur chacune de ces hauteurs,
sept ou huit soldats abrités du soleil par une toile sombre observent, accroupis,
le spectacle qui se déroule sous leurs yeux. À une centaine de mètres tout au
plus, par-delà les deux rideaux de clôture qui enserrent l’enclave
palestinienne, une foule clairsemée émerge à travers un rideau de fumée. Dès
que les plus téméraires approchent en criant pour se donner de l’entrain, une
jeep crache une salve de grenades lacrymogènes. Le gros des manifestants se
replie tandis qu’un noyau dur poursuit sa progression jusqu’à ce que claquent
trois détonations rapprochées. «Des tirs de sommation», assure l’officier qui
commande la compagnie déployée ce vendredi face aux 4000 Palestiniens
massés à l’est de la ville de Gaza.

L’armée
israélienne, dont la répression meurtrière des rassemblements organisés depuis
le 30 mars dans l’enclave palestinienne a suscité les critiques de
nombreux pays, a autorisé vendredi la presse internationale à se rendre sur
l’une de ses positions le long de la frontière. Par contraste avec le fracas
qui règne de l’autre côté, l’atmosphère y est étonnamment silencieuse. «Ce
vendredi est une journée plutôt calme», explique l’officier qui a été chargé
d’expliquer les règles qui président à l’ouverture du feu. Ses soldats,
assure-t-il, ont pour instruction d’utiliser le plus possible de gaz
lacrymogènes «bien que cela coûte cher et que les stocks soient limités». Il
poursuit: «L’emploi des balles réelles est limitée aux situations d’extrême
nécessité, comme lorsque des assaillants jettent des grenades ou des engins
explosifs artisanaux en direction de nos forces.» Le cas de figure,
précise-t-il, s’est produit à deux reprises vendredi sur le site dont il est
responsable. Au total, quatre Palestiniens ont été tués et plus de 500 ont été
blessés sur les cinq points de rassemblement. Un photographe de l’AFP, Mohammed
al-Baba, a été touché à la jambe alors qu’il faisait son travail à bonne
distance de la clôture.
La
mobilisation, évaluée par l’armée à 10.000 personnes, était en net repli
par rapport à celle observée le 14 mai lors des rassemblements organisés
pendant l’inauguration
de l’ambassade américaine
. Le Hamas et
le Djihad islamique, qui siègent en force au sein du comité d’organisation,
avaient pourtant appelé les habitants de l’enclave à se rassembler en masse aux
abords de la clôture pour célébrer le 51e anniversaire de la conquête des
Territoires palestiniens par l’État hébreu. Une partie des organisateurs
avaient annoncé des manifestations non violentes tandis que des clips vidéo
diffusés par les médias palestiniens appelaient à tenter de s’infiltrer sur le
territoire israélien. Cette mobilisation populaire fait figure de dernier atout
dans la manche du mouvement islamiste, qui est fragilisé par son isolement.
L’armée
israélienne, qui a tué 131 Palestiniens et fait plus de 3800 blessés
par balle depuis le début de la «
marche du retour», affirme que celle-ci est pilotée en sous-main par l’Iran
L’armée
israélienne, qui a tué 131 Palestiniens et fait plus de 3800 blessés
par balle depuis le début de la «marche du retour», affirme que celle-ci est
pilotée en sous-main par l’Iran et estime que l’essentiel des Palestiniens
tombés sous ses balles étaient des «terroristes». Mais la présence
d’adolescents, de jeunes femmes, de soignants et de journalistes parmi les
victimes indique que la réalité est plus complexe. Un certain nombre de membres
des brigades Ezzeddine al-Qassam, la branche armée du Hamas, ont également été
tués, mais la direction du mouvement affirme qu’ils étaient pour la plupart
venus, sans arme, prendre part aux manifestations.
Ce choc
des propagandes a franchi un nouveau seuil jeudi, lorsque le porte-parole
arabophone de l’armée israélienne a semblé justifier la mort, il y a une
semaine, d’une infirmière de 21 ans en diffusant une vidéo tronquée sur
laquelle on la voit jeter au loin une grenade lacrymogène tirée par des
soldats. «Razan al-Najjar n’était pas l’ange auquel le Hamas veut faire
croire», a écrit sur Twitter Avichay Edraee, accusant la jeune femme de s’être
présentée comme un «bouclier humain» censé protéger le Hamas. Sur la version
complète de la vidéo, celle-ci déclare en réalité: «Je suis ici, sur la ligne
de front, en tant que bouclier humain pour protéger les blessés à l’intérieur
de la ligne de front.» La mort de cette jeune femme, vendredi dernier, a
suscité une très forte émotion dans la bande de Gaza.
Outre de
nombreux snipers, des chars et des véhicules de transport de troupes blindés,
l’armée a déployé vendredi des drones spécialement chargés d’intercepter les
cerfs-volants incendiaires que les manifestants palestiniens dirigent désormais
chaque jour vers les terres agricoles israéliennes. Plus d’une dizaine de ces
engins étaient visibles vendredi après-midi dans le ciel de Nahal Oz. L’un
d’eux a provoqué un spectaculaire départ de feu aux abords du kibboutz. Quelque
900 hectares seraient déjà partis en flammes et le ministre de la Sécurité
intérieure, Gilad Erdan, a appelé ces derniers jours à abattre les pilotes de
cerfs-volants.