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Migrants africains: la surprenante volte-face d’Israël

Le PointAfrique (avec AFP), 03/04/2018

Quelques
heures à peine après l’avoir annoncé, Israël a suspendu lundi soir par surprise
un accord conclu avec l’ONU pour régler le sort de milliers de migrants
africains vivant en Israël.
Des
migrants africains manifestent à Tel-Aviv le 3 avril 2018. © Menahem Kahana /
AFP

Cet
accord prévoit la réinstallation de plus de 16 000 Soudanais et
Érythréens vivant en Israël dans des pays occidentaux. En échange, l’État
hébreu s’engageait à donner un titre de séjour à un nombre équivalent d’entre
eux devant rester sur son territoire. « J’ai décidé de suspendre
l’application de cet accord et d’en repenser les termes », a écrit M.
Netanyahu sur sa page Facebook lundi soir, affirmant avoir été attentif aux
critiques de certains habitants de Tel-Aviv, où vivent la plupart de ces
migrants, contre cet accord. Certains de ces habitants dénonçaient le fait que
des milliers de Soudanais et d’Érythréens soient autorisés à rester en Israël.
« Je suis attentif aux critiques et je vais rencontrer vos représentants
demain matin », affirme M. Netanyahu qui avait promis l’année dernière aux
habitants de « rendre le sud de Tel-Aviv aux citoyens d’Israël ». Le
ministre de l’Éducation israélien Naftali Bennett, du parti nationaliste
religieux Foyer juif a dénoncé l’accord avec l’ONU, qui, selon lui,
« signifie qu’Israël va se transformer en paradis pour les
clandestins ». Le ministre des Finances Moché Kalhlon, un des piliers de
la coalition, a déclaré que « le gouvernement doit se réunir et décider
d’une nouvelle trajectoire sur ce sujet ». La suspension de l’accord avec
l’ONU, que M. Netanyahu avait annoncé en grande pompe le même jour, a surpris
la classe politique. Le député travailliste Itzik Shmouli (opposition) a évoqué
sur Twitter « le mal de tête provoqué par les zigzags de Netanyahu »,
tandis que le chef de son parti Avi Gabbay a qualifié cette annonce
d’« inquiétante ».

Des
dispositions annoncées, mais pas confirmées
L’accord
avec le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) devait remplacer un
projet gouvernemental d’expulsions très controversé, annulé officiellement
lundi. Le HCR n’avait pas donné de détails sur les pays d’accueil, mais le
Premier ministre israélien avait cité « des pays développés comme le
Canada, l’Allemagne et l’Italie ». Il n’existe « aucun accord »
avec l’Italie dans le cadre du document signé entre Israël et HCR, pour la
réinstallation de ces migrants, avait toutefois réagi le ministère italien des
Affaires étrangères. Le ministère allemand de l’Intérieur a assuré de son côté
« ne pas avoir connaissance d’une demande concrète concernant une prise en
charge de réfugiés vivant en Israël, en particulier originaires de pays
africains ».
La
première décision d’Israël face aux réalités
Le
gouvernement israélien avait d’abord prévu de donner le choix à des milliers de
migrants africains présents sur son territoire de partir d’ici à début avril –
soit pour leur pays d’origine, soit pour un pays tiers – ou d’aller en prison
indéfiniment. Ce projet avait suscité de nombreuses critiques, notamment du HCR
et d’ONG. Ces dernières semaines, des manifestations avaient réuni des dizaines
de milliers de personnes dans plusieurs villes du pays, dont des survivants de
la Shoah, pour demander le retrait de ce projet. Selon les autorités
israéliennes, 42 000 migrants africains vivent en Israël, mais les
femmes et les enfants n’étaient pas menacés par ce plan.Ces migrants sont
arrivés majoritairement après 2007 à partir du Sinaï égyptien. La
frontière, à l’époque poreuse, avec l’Égypte a depuis été rendue quasiment
hermétique. Ils se sont installés en nombre dans des quartiers pauvres de
Tel-Aviv.
Israël
admettait tacitement ne pas pouvoir renvoyer dans leur pays ces milliers
d’Érythréens et de Soudanais sans mettre leur vie en danger. Le régime
érythréen a été accusé par l’ONU de crimes contre l’humanité « généralisés
et systématiques ». Le gouvernement israélien avait donc imaginé les
renvoyer vers un pays tiers qu’il n’avait jamais nommé jusqu’à aujourd’hui. M.
Netanyahu a dévoilé lundi soir qu’il s’agissait du Rwanda, qui a refusé
d’accueillir des « clandestins africains ». « Pour pouvoir les
expulser légalement, il fallait l’accord d’un pays tiers et quand nous avons vu
ces dernières semaines que cette option n’existait plus, nous avons dû trouver
une autre solution », a expliqué M. Netanyahu.