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Syrie: l’école à l’abri des bombes

Par Sami Boukhelifa, RFI, 15-03-2018

Après
sept années de guerre en Syrie, le conflit est toujours aussi sanglant et
dévastateur. Plus de cinq cent mille morts et disparus, des millions de
réfugiés éparpillés aux quatre coins du monde et des millions de déplacés à
l’intérieur de la Syrie. Quel avenir pour les enfants syriens, au milieu de ce
chaos ? Un enfant né au début de la guerre en 2011, est âgé aujourd’hui de
sept ans et n’a potentiellement jamais été scolarisé. 
Comment
mener une vie d’enfant dans un pays en guerre ? Enfants évacués de Douma, la
Ghouta, le 13 mars 2018.REUTERS/Bassam Khabieh

La guerre
en Syrie, tue les hommes, défigure les villes, et brise la société. Des
millions d’enfants syriens n’ont jamais connu l’école. Ils n’apprennent ni à
lire ni à écrire. Une génération sacrifiée. « Nos parents refusent
qu’on aille à l’école parce que nos écoles sont bombardées. Beaucoup d’enfants
sont morts à l’école. Nos parents ont peur pour nous », confie la
petite Mouna Karzi, huit ans, depuis Maarat Al Nouman, dans la province
d’Idlib. « Mais aujourd’hui, avec les écoles cachées, la situation a
changé et nous pouvons de nouveau aller en classe », se réjouit la
fillette.  
Son
témoignage est transmis via l’application WhatsApp, par le directeur de
cette « école cachée ». Il s’appelle Fadi El Maari, et il
est également militant de l’opposition syrienne. « Sous les bombes,
malheureusement, le savoir devient secondaire et la priorité est de vivre,
survivre », regrette celui qui se bat pour la scolarisation des
enfants syriens. « Les enfants de Maarat Al Nouman, [à Idlib], ont
perdu trois ans de scolarité en moyenne. Ici tous les habitants ont dû quitter
la ville et fuir à cause des combats et des bombardements de l’aviation
syrienne qui ciblaient délibérément les civils », raconte Fadi Al
Maari. « Lorsque la situation s’est un peu calmée nous avons pu
rentrer chez nous mais nos écoles et nos hôpitaux étaient régulièrement
bombardés. Les gens avaient peur et refusaient catégoriquement d’envoyer leurs
enfants à l’école. Mais rapidement nous avons pris conscience du danger que
représentait la déscolarisation des enfants. Alors nous avons créé des écoles
dans des zones à l’abri des frappes aériennes syriennes et russes », explique
fièrement le jeune directeur d’école.
« Nos
enfants ont le droit au savoir »
Fadi Al
Maari, et plusieurs autres militants de l’opposition syrienne, mettent la main
à la poche et rassemblent leurs maigres économies. Ils lancent également un
appel au bénévolat. Des femmes de leur communauté de Maarat Al Nouman, se
portent alors volontaires et s’improvisent institutrices ou enseignantes.
Aujourd’hui elles s’occupent d’enfants entre six et seize ans. « Certaines
d’entre nous enseignaient déjà avant la guerre. Les autres sont toutes
diplômées », confie Thana*, qui s’occupe des petites sections. « Idlib
et Maarat Al Nouman sont des villes sinistrées. Le régime ne s’est pas juste
contenté de tuer les civils ici, son aviation et l’aviation russe ont détruit
nos écoles. L’école, c’est la vie, c’est l’avenir de nos enfants »,
s’emporte la jeune femme, avant de poursuivre : « Nous avons
rejeté l’idée d’une génération d’enfants syriens illettrés, analphabètes. C’est
pour cela que nous avons mis en place ces écoles cachées. Ces écoles sont à
l’abri des bombardements, elles sont en dehors des villes et les classes sont
toutes en rez-de-chaussée. Nos enfants ont le droit au savoir c’est leur droit
le plus élémentaire. »  
L’appel à
l’aide
Déterminé
à scolariser tous les enfants de sa province, le militant de l’opposition, Fadi
Al Maari, frappe à toutes les portes. Mais difficile de lever des fonds auprès
d’une population syrienne appauvrie et dévastée par sept années de guerre
civile.
Alors
Fadi Al Maari, se tourne vers l’étranger et multiplie les appels à
l’aide. « L’aide internationale qui arrive en Syrie ne doit pas se
limiter seulement à la nourriture et aux médicaments », explique-t-il. « Nous
avons une grande responsabilité. Avoir fondé cette école alternative signifie
que les enfants vont recevoir une éducation. Les organisations humanitaires
françaises ou autres, aident déjà énormément le peuple syrien mais il faut
comprendre que l’éducation est une priorité au même titre que le reste de
l’aide humanitaire », insiste le directeur d’école. 
« J’adresse
un message aux organisations humanitaires françaises : aidez les enfants
syriens à avoir une éducation. Dans les zones libérées, les enfants doivent
pouvoir continuer d’aller à l’école. Au-delà des frappes aériennes du
régime, la déscolarisation est elle-même une bombe à retardement», conclut
ce militant de l’opposition syrienne.

 

Enfants
syriens réfugiés au Liban, mars 2018: rester dans un pays en guerre sans
pouvoir mener sa vie d’enfant et aller à l’école, oufuir. REUTERS/ Mohamed
Azakir