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Palestine: un «Jour de la Terre» à un moment critique

Chroniclede Palestine, 30 mars 2018

Mohammed
Moussa – Depuis 1976, le 30 mars est un jour de patriotisme et de résistance
pour les Palestiniens dans le monde entier. Mais 2018 promet d’être à noter
dans les annales.
Le 29
mars 2018, les Palestiniens ont pris part à une marche vers la clôture
israélienne dans une grande marche du retour – Photo: MEM/Mohammed Asad

 

En 1976,
en réponse à l’annonce par le gouvernement israélien d’un plan de confiscation
de 21 000 dounams (près de 5 200 acres) de terres palestiniennes, une grève
générale et des manifestations ont été organisées dans les villes depuis la
Galilée jusqu’au Negev.
Dans les
affrontements qui ont suivi avec l’armée et la police israéliennes, six
Palestiniens désarmés ont été abattus, une centaine ont été blessés et des
centaines d’autres arrêtés.
Depuis
cette date, le 30 mars a été le jour où les Palestiniens et leurs partisans se
rassemblent pour démontrer leur attachement indéfectible à leurs terres
ancestrales et à leur identité culturelle commune. Et à plusieurs reprise,
Israël a réagi très violemment.
Au cours
de la deuxième
Intifada
en 2001, à l’occasion du 25ème anniversaire de la Journée
de la terre, quatre Palestiniens ont été tués et 36 blessés à Naplouse lorsque
les forces israéliennes d’occupation ont utilisé des tirs à balles réelles
contre des manifestants. Et à Ramallah la même année, un Palestinien a été
abattu et 11 autres blessés lorsque des soldats se sont affrontés avec 2000
manifestants qui brûlaient des photos d’Ariel Sharon. Il y avait aussi des
manifestations dans le même temps à Gaza.
Certains
se demandent si le Jour de la Terre de 2018 sera identique aux autres. Les
Palestiniens de Gaza prévoient une manifestation massive qui débutera le 30
mars et se poursuivra jusqu’au 15 mai, jour de l’anniversaire de la Nakba
– «la catastrophe» quand plus de 750 000 personnes ont été chassées de leurs foyers
pour faire place à Israël.
Cette
initiative palestinienne intervient alors que le gouvernement américain a
annoncé la reconnaissance de Jérusalem comme capitale
d’Israël
et le transfert de son ambassade depuis Tel Aviv – avec une
ouverture prévue le 14 mai – puis une réduction
drastique
du financement de l’agence des Nations Unies qui soutient
les réfugiés palestiniens (UNRWA).
« La
marche de cette année peut faire face à de nombreux défis, mais nous devons
faire en sorte qu’elle reste non-violente. Nous devons informer les participants
de rester pacifiques et de ne pas entrer en conflit avec les soldats
israéliens », explique l’analyste politique Ibrahim Habib.
« La
peur d’Israël de cette marche l’obligera à pousser aux provocations et cela ne
doit pas nous empêcher de continuer, même s’ils utilisent des
drones
pour tirer des bombes lacrymogènes sur les manifestants,
comme ils nous ont prévenus qu’ils le feront. Nous devons faire de cette marche
un succès, car si c’est le cas, ce sera une nouvelle étape pour la résistance
palestinienne. »
L’action
centrale des initiatives prévues à Gaza est une « ville-tente »,
installée sur plusieurs points, à 700 mètres de la clôture israélienne.
Ce qui va
se dérouler pendant la première semaine déterminera les actions pour les jours
suivants. Ce qui est central, cependant, c’est un accord entre toutes les
organisations politiques pour travailler ensemble sous deux drapeaux seulement –
la Palestine et les Nations Unies – dit l’un des principaux organisateurs de la
jeunesse, Ahmed Abu Rteima.
C’est un
objectif majeur, étant donné l’antagonisme
actuel
entre le Fatah et le Hamas.
Dans le
même temps, des groupes en Cisjordanie projettent de planter des oliviers sur
des terres qui ont été volées par l’occupant. D’autres projets comprennent la
réalisation de peintures murales et de sculptures, des expositions mettant en
avant des réalisations du patrimoine palestinien et de l’artisanat, et des
campagnes numériques sur divers sites de réseaux sociaux.
« J’adore
ma terre, je ne peux pas l’oublier », dit Mahmoud Khaldi, un agriculteur
âgé de 65 ans dans le nord de Gaza et qui envisage de participer à « la
Grande Marche du retour ». « Ma terre est mon âme et il est
impossible de l’abandonner. Même si on nous la vole, nous la
récupérerons. »
Ahmed
Saleh, un journaliste de Gaza âgé de 24 ans, a déclaré qu’il comptait
participer à la marche: « La commémoration de la Journée de la Terre n’est
pas seulement une commémoration d’événements historiques, mais une nouvelle
bataille dans une guerre pour restaurer les droits des Palestiniens. »
L’Organisation
de libération de la Palestine rend Israël responsable « des crimes contre
notre peuple, sa terre et ses droits » et appelle à étendre le boycott des
produits israéliens pour briser la politique expansionniste et agressive
d’Israël, et briser aussi son blocus de
Gaza
.
Le
porte-parole du Fatah, Atef Abu Seif, a qualifié la « nouvelle marche du
retour » de nouvelle étape « pour affirmer notre droit au retour dans
notre pays, la terre de nos pères et grands-parents ».
Fawzi
Barhoum, porte-parole du mouvement Hamas qui administre la bande de Gaza, a
lancé un grand exercice de défense ce dimanche, notant que le bombardement de la Bande
de Gaza ce week-end a démontré qu’Israël craignait la manifestation à venir.
« Mais
ils doivent savoir que ce bombardement ne nous empêchera pas de nous préparer
pour la marche », a-t-il déclaré.
Selon le
Bureau central palestinien des statistiques, Israël occupe plus de 85% de la
Palestine historique. Alors que les Palestiniens représentent 48% de la
population totale [selon les derniers chiffres publiés, plus de 50% – NdT], ils
ne peuvent vivre que sur 15% des terres. Dans le même temps, il y a plus de
6000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, la plupart d’entre eux étant
détenus en tant que prisonniers
politiques
.
« Pour
nous, la terre est un aspect important de notre vie », explique Ahmed
Kama, un militant âgé de 50 ans qui prévoit également de participer à la
manifestation du 30 mars. « Elle nous garantit la sécurité et une vie décente,
elle est la patrie des civilisations qui ont émergé à travers l’histoire, elle
est au cœur de notre identité ».
Haitham
Kaloub, membre du comité des médias pour la marche, résume les sentiments des
Palestiniens: « Le Jour de la Terre nous rappelle la perte de nos terres
et les souvenirs de ceux qui nous ont précédé et qui ont été tués en protégeant
leurs terres. En ce jour, nous renouvelons notre espoir, notre
détermination. »