Les jeunes Américains dans la rue contre les armes à feu
Sébastien
Blanc, La Presse, 24 mars 2018
Exaspérés
par la répétition des fusillades dans leurs écoles, des centaines de milliers
d'Américains descendent samedi dans la rue pour une manifestation historique
contre les armes à feu.
L'événement
national, baptisé « March for Our Lives » est une réaction spontanée
au massacre le 14 février de 17 personnes dans une école secondaire
de Floride.
Photo Aaron P. Bernstein, Reuters
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Jusqu'à un demi-million d'adolescents et d'adultes étaient attendus à Washington, avec comme mot d'ordre : « Plus jamais ça ! »
Plus de
800 marches sont prévues dans d'autres villes des États-Unis avec,
partout, la jeunesse en fer de lance.
L'événement
national, baptisé « March for Our Lives » est une réaction spontanée
au massacre le 14 février de 17 personnes dans une école secondaire
de Floride.
Ce énième
drame a pour beaucoup d'Américains fait déborder le vase. Leur frustration est
alimentée par l'inaction des législateurs et des pouvoirs publics, réticents à
agir contre la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby des armes.
La
possibilité de détenir une arme à feu est considérée par des millions
d'Américains comme un droit constitutionnel aussi fondamental que la liberté
d'expression.
Cependant,
cette fois, la tuerie commise par un ancien élève perturbé psychiquement dans
la ville de Parkland a soudé des élèves s'identifiant comme
« survivants » : depuis cinq semaines, ils sont omniprésents
dans les médias.
Cinq
d'entre ont fait la une du magazine Time cette semaine. Leur énergie leur a
gagné l'appui de nombreuses célébrités.
George
Clooney, Oprah Winfrey et Steven Spielberg ont chacun offert
500 000 dollars pour soutenir la « March for Our Lives ».
L'acteur
Bill Murray a comparé la mobilisation avec celle des années 60 contre la
guerre du Vietnam.
Et la
scène dressée sur Constitution Avenue, au coeur de la capitale fédérale,
devrait voir un défilé de vedettes, parmi lesquelles Ariana Grande, Jennifer
Hudson, Demi Lovato, Justin Timberlake ou Miley Cyrus.
« Cette
marche n'aurait pas lieu sans la fusillade dans mon école, donc cela va être un
moment difficile », a confié à l'AFP Carlos Rodriguez, l'un des rescapés
de l'école secondaire de Parkland.
Mot
d'ordre : «Agir»
« Mais
je me sens fier d'être l'un des élèves qui ont lancé ce mouvement ».
Aalayah
Eastmond a aussi fait le voyage jusqu'à Washington en hommage à ses copains
tués et blessés.
« J'ai
perdu deux amis dans ma classe et six autres ont été touchés », a-t-elle
relaté. La jeune fille de 17 ans a eu la vie sauve en se protégeant
derrière le corps de l'un de ses camarades décédés.
« Il
faut agir. Cela ne peut plus se reproduire. Cela fait déjà 36 jours et
rien ne se passe. On se battra jusqu'à ce que cela change », affirme
l'étudiante.
Une
détermination partagée sur les réseaux sociaux, avec un raz-de-marée de
messages appelant à interdire les fusils d'assaut et à limiter l'accès aux
armes, sous le mot-clic #enough.
« Je
suis avec vous », a tweeté Justin Bieber. L'ancien président Barack Obama
a également jeté son poids derrière les élèves de Parkland. « Vous avez
favorisé le réveil de la nation », a-t-il écrit.
«Génération
Columbine»
Les armes
font plus de 30 000 morts par an aux États-Unis, où la jeunesse
scolarisée est parfois présentée comme la « génération mass
shooting » ou la « génération Columbine », du nom d'une école
secondaire du Colorado où deux élèves ont tué 12 de leurs camarades de classe
et un professeur en 1999.
Ces
élèves ont vécu la totalité de leur scolarité avec cette menace permanente,
spécifique aux États-Unis.
Année
après année, ils ont vu leurs élus faire la sourde oreille ou, récemment,
Donald Trump proposer d'armer leurs enseignants.
Dans un
tweet vendredi, le président a redit sa volonté d'interdire les « bump
stocks », des dispositifs permettant de tirer en rafale, une mesure de
portée marginale alors que son administration a officiellement lancé une
procédure dans ce sens.
À
Washington, le rassemblement géant s'étalera entre la Maison-Blanche et le
Capitole, tout un symbole.
Interrogé
par l'AFP, le sénateur démocrate Chris Murphy, partisan de mesures contre les
armes depuis la tuerie perpétrée en 2012 à l'école Sandy Hook dans son État du
Connecticut, a estimé que les jeunes ne devaient pas se faire d'illusions sur
les chances d'une réforme législative majeure.
« J'espère
qu'ils ont bien à l'esprit qu'ils s'inscrivent dans un mouvement social sur le
long terme. Ils n'obtiendront pas justice dans un Congrès contrôlé par les
républicains », a-t-il averti.