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L’accord migratoire UE-Turquie, une réussite sur le papier, mais un échec humanitaire

Par Ana
Mora Segura, Euractiv, 20 mar 2018

Deux ans
après sa signature, l’accord d’immigration entre l’UE et la Turquie a fait
chuter le nombre d’arrivées en Grèce. Mais les conditions de vie des réfugiés
en Grèce restent catastrophiques. Un article de
notre partenaire, Euroefe
.
Aujourd’hui,
plus de 13.000 personnes se trouvent dans ces îles dans l’attente d’un éventuel
transfert en Turquie, selon le ministère grec de l’Immigration.
Le nombre
d’arrivées sur les îles grecques a diminué de 97 % grâce à la signature de
ce mécanisme conjoint, selon le ministère grec de l’Immigration.
Bien
qu’il s’agisse d’une amélioration notable au niveau statistique, les conditions
de vie des réfugiés dans les îles grecques sont toujours déplorables. Les
demandeurs d’asile vivent dans une constante tension, dans des installations
insalubres et dangereuses, ce qui altère fortement leur santé mentale. Ils sont
enfermés, même à l’air libre.
L’accord
prévoit de renvoyer les réfugiés en situation irrégulière qui arrivent sur les
côtes grecques en Turquie. Il ne reste donc sur les îles grecques que les
personnes qui ont obtenu le droit d’asile, qui ont été arrêtées pour avoir
commis un crime ou qui appartiennent à un groupe vulnérable. Dans ce dernier
cas, elles peuvent alors être transférées sur le continent.
« 
La grande majorité des demandeurs de protection internationale et d’asile sont
confinés pendant plus d’un an sur l’une des cinq îles où se trouvent les
centres d’accueil », explique Paloma Solo de la Commission espagnole
d’aide aux réfugiés (CEAR).
Aujourd’hui,
plus de 13
000
personnes se trouvent dans ces îles dans l’attente d’un éventuel transfert en
Turquie, selon le ministère grec de l’Immigration. Bien que le gouvernement
d’Alexis Tsipras ait transféré environ 8
000 personnes vers le continent pendant l’hiver,
les centres sont surpeuplés, comme Moria, un camp conçu pour 2
300 personnes où vivent
actuellement plus de 5
400 réfugiés.
La
surpopulation, l’insécurité et le manque de perspectives d’avenir provoquent
souvent des confrontations entre les demandeurs d’asile et la police. Le 14
mars, une manifestation a dégénéré en émeutes et la police est intervenue en
lançant des gaz lacrymogènes. Huit policiers ont été blessés, et l’équipe de
Médecins Sans Frontières a soigné 11 personnes victimes du gaz lacrymogène et
de crises de panique, notamment des enfants et des bébés.
Une
nouvelle tranche d’aide financière pour les réfugiés en Turquie
Les
installations ne sont pas capables d’accueillir tous les réfugiés dans les
îles. « Dans le camp de Moria, il y a une salle de bain pour 100 personnes
et une douche pour 300 personnes. Certains sont arrivés ici quelques jours
après la mise en œuvre de l’accord, pouvez-vous vous imaginer vivre dans de
telles conditions pendant deux ans
? Ces personnes ont perdu tout contrôle de leur vie
», dénonce Luca Fontana, coordinateur de Médecins Sans Frontières à Lesbos.
Bien que
l’aide soit précaire dans tous les domaines, les autorités grecques et
européennes oublient totalement la santé mentale des demandeurs d’asile, qui
ont subi de graves traumatismes par le passé et actuellement, reléguant cette
mission aux ONG.
Sur les
400 patients traités par MSF au dispensaire de Mytilène, tous ont commis au
moins une tentative de suicide. Cependant, seulement 7 % sont considérés
comme vulnérables, un critère qui leur permet d’être transférés sur le
continent. Cette semaine, rien qu’à Moria, trois jeunes ont tenté de se
suicider.
L’accord
UE-Turquie était initialement « une mesure temporaire et extraordinaire,
nécessaire pour mettre un terme aux souffrances humaines et pour rétablir
l’ordre public ». Cela fait pourtant deux ans qu’il est d’application et
les personnes qui sont piégées sur ces îles ne connaissent depuis rien d’autre
que la souffrance. « Cet accord est payé en vies humaines, pas en
argent », a déploré Luca Fontana.
Le 14
mars, la Commission européenne a donné son feu vert à une deuxième enveloppe
financière de trois milliards d’euros pour aider la Turquie à accueillir les
réfugiés syriens sur son sol, comme promis dans l’accord migratoire. Cette
deuxième tranche d’aide montre qu’en dépit des tensions avec Ankara et de ses
défauts, l’accord est encore en œuvre.