Législatives en Colombie: la droite opposée à l’accord de paix l’emporte
Florence
Panoussian, La Presse, 11 mars 2018
La droite
opposée à l'accord de paix avec l'ex-guérilla FARC est arrivée en tête des
législatives de dimanche en Colombie, lors d'un scrutin historique auquel les
anciens rebelles ont participé pour la première fois et à l'issue duquel ils
ont fait leur entrée au Parlement.
Plus de 36 millions d'électeurs étaient appelés à voter, à l'issue d'une campagne marquée par des violences contre les FARC, qui ont annulé tout rallye public et attribué ces «actes de sabotage» à «ceux qui n'ont pu accepter que la guerre est terminée». |
Pour la
première fois en plus d'un demi-siècle de conflit armé, les Colombiens ont pu
cependant voter sans la menace des guérillas. Le président Juan Manuel Santos a
salué «les élections les plus sûres, les plus transparentes (...) de l'histoire
récente du pays».
En tête
de la coalition de droite, c'est le Centre démocratique du sénateur et
ex-président Alvaro Uribe, farouche adversaire de l'accord avec les FARC, qui a
recueilli le plus de voix, obtenant 19 sièges au Sénat et 33 à la chambre des
députés.
L'accord
avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) garantit 10 des 280
sièges du nouveau Parlement à l'ancienne guérilla marxiste, devenue la Force
alternative révolutionnaire commune, sous le même acronyme.
Ex-guérilleros
au Parlement
Si les
FARC obtenaient seulement 0,35% au Sénat et 0,22% à la Chambre, le centre et
les autres partis de gauche ont fait une avancée, selon des résultats officiels
portant sur plus de 90% des suffrages.
Mais
selon les analystes les grands équilibres se maintiennent. «Les lignes ont très
peu bougé (...) Ce sont plutôt des ajustements», a déclaré Frédéric Massé,
expert en conflit armé et processus de paix à l'université Externado.
Les
ex-rebelles, qui ont quitté la lutte armée dans la jungle des Andes pour
l'arène politique, étaient visiblement émus dimanche.
«Je vote
pour la première fois de ma vie et je le fais pour la paix», a assuré
l'ex-commandant rebelle et futur sénateur Pablo Catatumbo, 64 ans, en se
rendant aux urnes sous la protection de gardes du corps.
«C'est la
première fois, en plus d'un demi-siècle, que les FARC, au lieu de saboter les
élections, y participent», s'est félicité M. Santos, ajoutant que l'Armée
de libération nationale (ELN, guévariste), dernière guérilla active, avait
«respecté» le cessez-le-feu unilatéral annoncé pour l'occasion.
Plus de
36 millions d'électeurs étaient appelés à voter, à l'issue d'une campagne
marquée par des violences contre les FARC, qui ont annulé tout rallye public et
attribué ces «actes de sabotage» à «ceux qui n'ont pu accepter que la guerre
est terminée».
Et le
nouveau parti à la rose rouge s'est retiré de la course à la présidence: son
chef et candidat Rodrigo Londoño, alias Timochenko, 59 ans, a subi un pontage
coronarien mercredi après un infarctus. Il a annoncé dimanche sur Twitter
qu'il était sorti de la clinique pour se reposer dans un lieu non précisé.
La droite
devrait maintenant peser sur la présidentielle, prévue les 27 mai et 17 juin.
Elle
pourra toutefois difficilement jeter aux orties l'accord de paix qui a polarisé
la quatrième économie d'Amérique latine, mais dont le point majeur, le
désarmement des 7000 guérilleros des FARC, est effectif.
Primaires
pour la présidentielle
Mais,
avec des alliances au Congrès, elle sera en mesure de bloquer la mise en oeuvre
du reste du pacte, dont la réforme agraire et la justice spéciale de paix. Les
ex-rebelles doivent avouer leurs crimes, dédommager les victimes et pourront
bénéficier de peines alternatives à la prison, ce qu'elle rejette.
Ce
dimanche, avaient aussi lieu les primaires pour désigner les candidats à la
présidence des deux principales tendances.
À droite,
c'est le sénateur Ivan Duque (CD) qui l'a emporté, à gauche, Gustavo Petro,
ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout. Avec le centriste
Sergio Fajardo, ancien maire de Medellin, deuxième ville du pays, ils sont en
tête des sondages.
Si Ivan
Duque remporte la présidence, les pourparlers avec l'ELN pourraient aussi être
retardés. Ils ont été gelés en février par le gouvernement après des attentats
meurtriers de cette guérilla d'environ 1500 combattants.
M.
Santos, au pouvoir depuis 2010 et qui le quittera le 7 août, entendait signer
avec l'ELN un accord similaire à celui conclu avec les FARC et parvenir
ainsi à une «paix complète» en Colombie, où le plus ancien conflit armé du
continent a fait plus de huit millions de victimes entre morts, disparus et
déplacés.