Les enfants, victimes collatérales par millions des conflits armés
Margot Desmas 19.02.2018 |
Le dernier rapport de l’ONG Save the Children, sur les enfants vivant en zones de guerre, fait état de plus de dizaines de milliers de mineurs tués ou blessés à la guerre en 2016.
Du Moyen-Orient à l’Amérique centrale, près de 8 % des enfants du monde vivent aujourd’hui en zones de guerre. Dans son rapport annuel «La Guerre faite aux enfants», publié le 15 février, l’ONG Save the Children alerte sur le sort des mineurs dans les pays en guerre, qui seraient au nombre de 16 millions. Depuis vingt ans, la durée des conflits armés augmente, rendant leurs effets encore plus dévastateurs, notamment pour les enfants.
«Les enfants sont beaucoup plus vulnérables en zone de conflits qu’ils ne l’ont jamais été depuis ces dernières années, explique Kitty Arie, directrice de plaidoyer au sein de Save the Children, dans sa préface du rapport. Si vous regardez la situation en Syrie, qui entame sa septième année de guerre, nous constatons une surenchère des atrocités commises, en termes d’agression et de ciblage des enfants, notamment les bombardements d’hôpitaux et d’écoles, l’utilisation d’armes chimiques et l’impossibilité d’accéder à l’aide humanitaire.»
Des conflits peu médiatisés et urbains
L’ONG distingue douze pays en guerre dans le monde où plus de 16 millions d’enfants vivent dans des zones d’affrontements, selon le rapport de l’ONU intitulé «Le Sort des enfants en temps de conflit armé». Au Moyen-Orient, où se concentrent la plupart de ces conflits armés, deux enfants sur cinq vivent dans des zones à risques.
Outre les affrontements subsahariens ou moyen-orientaux qui restent relayés par les médias, d’autres conflits, notamment au Mexique, touchent un grand nombre de mineurs, sans pour autant bénéficier d’une large couverture médiatique. La guerre des cartels qui y fait rage depuis 2006 est aujourd’hui le deuxième conflit le plus mortel au monde – après la Syrie – avec plus de 23 000 morts (majeurs et mineurs) en 2016.
Par ailleurs, une enquête sur les conflits armés de l’Institut national d’études stratégiques, un cercle de réflexion respecté, met en lumière le caractère de plus en plus urbain des affrontements: «Autrefois, les rebelles combattaient dans les montagnes, dans la forêt ou la jungle ; aujourd’hui on les trouve tout autant dans un contexte urbain.» Le rapport estime que la moitié des conflits en cours se déplace vers les villes, notamment en Syrie, en Libye, au Soudan du Sud ou en Afghanistan. Par conséquent, les enfants y sont plus exposés, tout comme les infrastructures urbaines, comme les écoles, les hôpitaux ou les réseaux d’eau et d’électricité.
Plus de conflits au Moyen-Orient, plus de victimes en Asie
Selon la violence des conflits, les mineurs peuvent être blessés, mutilés, ou même tués lors des affrontements. Si la Syrie reste l’un des pays où le nombre d’enfants touchés est le plus élevé, c’est également le cas au Yémen avec la présence de groupes armés comme Al-Qaida. Au cours de l’année 2016, les frappes aériennes, elles, ont causé la mort de 349 enfants et en ont blessé 334 autres.
Entre les velléités indépendantistes de groupes armés et les guerres de religions menées par des groupes djihadistes, l’Afrique subsaharienne est la zone qui concentre le plus de conflits. L’Asie reste toutefois le continent où le plus de mineurs sont tués lors d’affrontements armés avec, notamment, 3 512 morts en Afghanistan, le nombre le plus élevé jamais enregistré.
En matière de sécurité, la situation se détériore dans le pays à cause de l’intensification des affrontements entre les Forces nationales de défense et de sécurité afghanes et les talibans, qui ont causé une augmentation de 24 % du nombre d’enfants victimes du conflit par rapport à 2015. Les affrontements au sol et les restes explosifs de la guerre sont les principales causes de mort des mineurs dans cette guerre qui oppose les groupes rebelles au gouvernement.
Près de 3 000 enlèvements en Afrique de l’Est
Outre les blessés et les victimes des affrontements, de nombreux mineurs sont enlevés, séquestrés ou utilisés par les groupes armés et parfois même par le gouvernement de certains pays.
La majorité de ces enlèvements ont lieu en Afrique où ont lieu des affrontements avec des groupes paramilitaires. Au Nigeria, Boko Haram est le principal auteur de ces rapts, le groupe a notamment utilisé trente mineurs pour perpétrer des attentats-suicides dans la région. Le nombre de leurs recrutements a par ailleurs augmenté de manière sensible par rapport à 2015, où 278 enfants avaient été enlevés, contre 2 122 en 2016.
De la même manière, le nombre d’enfants utilisés en Somalie a doublé entre 2015 et 2016, les Chabab ayant multiplié par deux le nombre de leurs recrues. Mais l’armée nationale du pays, elle aussi, compte des enfants dans ses rangs, ils étaient au nombre de 182 en 2016.
Les mauvais traitements infligés aux mineurs en zones de conflit sont des exemples parmi beaucoup d’autres. On recense notamment 878 cas de violences sexuelles commises dans ce cadre et plus de 7 700 enfants détenus par les Etats ou les groupes paramilitaires dans le monde.
Dans son rapport annuel, l’Organisation des Nations unies (ONU) appelle les Etats à la clémence envers les mineurs enrôlés dans des organisations terroristes, rappelant qu’ils en sont avant tout les victimes. Outre le traumatisme, les cauchemars et l’angoisse dont souffrent ces mineurs en zones de guerre, ces derniers doivent également faire face à une difficile réintégration une fois leur calvaire terminé. L’une des raisons pour lesquelles le rapport du secrétaire général de l’ONU demande aux Etats membres la mise en place systématique de mécanismes de réinsertion, notamment pour les filles, victimes régulières de sévices sexuels.