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Les jeunes femmes des grandes villes, premières victimes des violences dans la rue

Sifflements salaces, insultes, pelotage intempestif, attouchements, propositions sexuelles insistantes, coups… En France, une femme sur quatre a subi au moins une violence dans les espaces publics sur une année. 
Entre 20 et 25 ans, plus de la moitié d’entre elles sont concernées. À l’heure où le harcèlement de rue a pris une place croissante dans le débat et devrait prochainement faire l’objet d’une loi, l’Ined tente de quantifier ce phénomène dans une nouvelle étude dévoilée jeudi. Cette dernière est fondée sur les résultats de l’enquête Virage, qui a mesuré en 2015 les violences subies dans les douze derniers mois et au cours de la vie, dans les différents espaces de vie (famille, études, travail, couple actuel ou passé, espaces publics), sur un échantillon représentatif de 15 556 femmes et 11 712 hommes âgés de 20 à 69 ans.

De quelle nature sont ces violences?
Sur cent femmes, vingt ont mentionné avoir été sifflées au moins une fois. Elles citent ensuite les insultes (8%), le fait d’avoir été suivie (3%) et le pelotage accompagné parfois de baisers forcés (2%). Les propositions sexuelles insistantes et l’exhibitionnisme ou le voyeurisme concernent 1% d’entre elles. Tout comme les brutalités physiques (gifle, coup, secouement). En prenant en compte la drague importune, le harcèlement et les atteintes sexuelles, les violences sexuelles, plus d’une femme sur cinq est concernée. Selon l’Ined, 3 millions de femmes âgées de 20 à 69 ans sont touchées par la drague importune dans les espaces publics, en France, tous les ans. Elles seraient un million à subir chaque année des situations de harcèlement et d’atteintes sexuels.
Quelles sont les femmes les plus concernées?
Les plus jeunes. Entre 20 et 25 ans, c’est le cas pour plus de la moitié d’entre elles. À ces âges, 40 % déclarent en effet avoir fait l’objet d’une drague importune au cours des douze derniers mois tandis que 14 % évoquent des situations de harcèlement et d’atteinte sexuelle. Les situations de drague importune, de harcèlement et d’atteintes sexuelles restent néanmoins fréquentes tout au long de la vie. «Elles constituent la majorité des faits subis au cours des douze derniers mois par les femmes jusqu’à l’âge de 60-64 ans», décrit l’Ined. Les femmes plus âgées sont par ailleurs davantage touchées par les insultes.
Ile-de-France, premier lieu des violences sexuelles
Les grandes villes, «un espace sexiste et violent»? L’Ined pose directement la question dans son étude. Au printemps dernier, une pétition des résidentes du quartier parisien de La Chapelle-Pajol dénonçant un harcèlement de rue omniprésent avait mis ce phénomène sous le feu des projecteurs. Dans l’agglomération parisienne, une femme sur cinq (20%) a subi de la drague importune dans les douze derniers mois et une sur dix (10%) des situations relevant du harcèlement et des atteintes sexuels, indique l’étude, sans rentrer dans le détail des zones les plus touchées.
C’est en Ile-de-France que les violences de toutes sortes sont les plus fréquentes. «37% des femmes et 18% des hommes âgés de 20 à 69 ans ont déclaré avoir subi au moins un fait dans les douze derniers mois, et 15% et 7% au moins un fait grave», selon les données de l’enquête Virage. Chez les jeunes franciliens de 20-24 ans, cette proportion s’envole à 68 % pour les femmes. Plus préservés, seules 17 % de femmes et 9 % d’hommes installés dans une zone rurale déclarent avoir subi une violence l’an passé.
Enfin, tout territoire confondu, c’est dans les espaces publics que les agressions sexuelles sont les plus fréquentes. C’est là que 7,9% des femmes et 2,2% des hommes en ont subi une au cours de leur vie. À l’inverse, les viols et tentatives de viols sont moins nombreux dans l’espace public (avec 0,9 % des femmes concernées) que dans un cadre familial ou conjugal.
Les hommes, également victimes?
Moins touchés que les femmes, 14% des hommes déclarent avoir subi au moins une violence au cours des 12 derniers mois dans l’espace public. L’insulte, citée par 8 % des hommes, arrive pour eux au premier rang de ces violences. 2,3% d’entre eux indiquent également avoir subi un fait de violence physique au cours des douze derniers mois. Un pourcentage qui grimpe à 4,1%, en incluant les bagarres.
Enfin, 3 % d’hommes disent avoir subi des sifflements et interpellations sous prétexte de drague. Des épisodes qu’ils ne considèrent pas comme graves. 1 % déclare avoir été la cible de propositions sexuelles insistantes malgré leur refus.
Comment les victimes jugent-elles les faits?
«Les faits déclarés comme graves relèvent le plus souvent des violences physiques et sexuelles», décrit l’Ined. D’autres agissements paraissent «largement tolérés» par les femmes, comme les sifflements et interpellations sous prétexte de drague jugés sans gravité par une large majorité de femmes (86%). Plus de la moitié d’entre elles ne s’alarment pas non plus des insultes. In fine, «8% des femmes déclarent avoir subi dans les 12 derniers mois au moins un fait grave dans les espaces publics et 17% un fait sans gravité», résume l’Ined. Au-delà de cette évaluation des victimes, l’Ined relève que les faits jugés anodins, comme la drague importune, «sont fortement corrélés à des faits plus graves de harcèlement ou de violence sexuels».
Ces violences ont-elles pris de l’ampleur?
Quinze ans plus tôt, selon l’enquête Enveff (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France) de l’an 2000, 19% de femmes étaient victimes d’atteintes dans les espaces publics. Ce pourcentage, plus faible qu’en 2015, semble montrer une augmentation de ces violences. Mais la comparaison n’est pas aisée car des nouvelles questions relevant du harcèlement sexuel ont été ajoutées à l’enquête Virage de 2015. Elles pourraient expliquer «la fréquence plus élevée de déclaration dans l’enquête», souligne l’Ined. En outre, les campagnes de sensibilisation menées depuis les années 2000 et la réprobation sociale plus forte de ces agissements laissent imaginer que les femmes sont plus promptes à les dénoncer.