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Espagne : le poids de la culture arabo-musulmane sur les législatives catalanes

Marie Villacèque 20 décembre 2017
Lors des élections régionales du 21 décembre, cruciales pour l’avenir de la Catalogne en Espagne, 500 000 électeurs de culture arabo-musulmane pourraient faire pencher la balance.

Il parle catalan depuis sa plus tendre enfance. Ses parents font partie de la première vague de ces immigrés marocains venus chercher du travail en Espagne. Né il y a trente-huit ans à Granollers, dans la province de Barcelone, Chakir El Homrani est un militant de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) depuis 2004. Et l’un des deux candidats d’origine arabe – avec Najat Driouech, une Marocaine vivant depuis l’âge de 9 ans à Barcelone – qui a le plus de chances de remporter un siège de député aux élections régionales catalanes du 21 décembre.
Un scrutin anticipé que Madrid a convoqué pour clarifier la situation dans une province déchirée entre indépendantistes et unionistes au lendemain du référendum d’autodétermination du 1er octobre, organisé contre l’avis du gouvernement central.
9 candidats
El Homrani comme Driouech se présentent sous l’étiquette du parti indépendantiste ERC, qui court en tête dans les sondages et a dirigé la région avec le Parti démocrate européen catalan (PDeCAT) jusqu’à ce que les autorités espagnoles prononcent la dissolution de leur gouvernement, le 27 octobre.
L’ERC n’est pas le seul parti qui cherche à attirer les électeurs de culture arabo-musulmane, que neuf autres candidats représenteront à ce scrutin. À Barcelone, le Pakistanais Abdul Razzaq Sadiq Chohan et le Marocain Mohamed Ahsissene Ben Sbih portent les couleurs du Parti des socialistes de Catalogne (PSC). Sont également en lice Tahir Rafi Khanum, d’origine pakistanaise (Ciudadanos, centre droit), Hanan Serroukh Ahmed, d’origine marocaine (Parti populaire, droite), ainsi que Saloua Laquaji Faridi (Junts per Catalunya, indépendantiste) et Nora Sánchez Oussedik (Cat en Comú, gauche).
Avec une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale, la communauté musulmane représente 6,8 % de la population catalane
Dans la ville de Lérida, le Marocain Mohamed El Mamoun (PSC) et la sociologue turque Özgür Günes (Candidatura d’Unitat Popular, indépendantiste, extrême gauche) sont engagés dans la bataille. À Gérone, Yosef El Bakali Mateos, dont le père est marocain, ferraille pour Cat en Comú.
Avec une croissance démographique supérieure à la moyenne nationale, la communauté musulmane représente 6,8 % de la population catalane. Soit 515 482 personnes (dont environ 300 000 d’origine marocaine). Un tiers d’entre elles ont le droit de vote et forment donc depuis quelques années une cible électorale de choix.
Plan Maroc 2014-2017
Déjà, il y a trois ans, le gouvernement de Madrid avait accusé la Generalitat (gouvernement régional catalan) de multiplier les gestes en faveur des immigrés et d’avoir tenté de capter les voix des naturalisés lors d’un premier référendum d’autodétermination (illégal) organisé le 9 novembre 2014. Les suffrages les plus convoités ? Ceux des Marocains, communauté d’origine étrangère la plus nombreuse (20,3 %) devant les Roumains (9 %), les Subsahariens (4,9 %) et les Chinois (4,5 %).
Après avoir approuvé le « Plan Maroc 2014-2017 » autorisant entre autres les cours d’arabe, de tamazight – la troisième langue la plus parlée en Catalogne – et de religion islamique dans les écoles de la région, le président Artur Mas (2012-2016) avait promis de construire une mosquée à Barcelone (car, bien que l’on compte 250 lieux de culte musulman en Catalogne, il s’agit souvent de salles mal aménagées où les fidèles sont à l’étroit). Une promesse restée en suspens faute de financement.
Autres préoccupations
Le résultat des régionales s’annonçant très serré, les indépendantistes espèrent puiser dans ce vivier de voix. Pour Mireia Aguado, coordinatrice de l’association Bayt al-Thaqafa, qui accueille à Barcelone des immigrés d’origine arabe, « ces électeurs ont d’autres préoccupations, notamment celle de trouver un emploi ».
Un argument de taille quand on sait qu’en Espagne le chômage frappe plus durement les immigrés que les nationaux (25,4 % contre 18 %). Les premiers ont surtout pour objectif de s’intégrer. Ce qui passe par l’apprentissage du catalan – principal facteur d’intégration – en même temps que de l’espagnol.