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Violences sexuelles en RDC : au procès de Kavumu, les témoins se cachent de peur des représailles

Aïssatou Diallo 16 novembre 2017
Le procès sur le viol de 48 fillettes s’est ouvert mardi devant la cour militaire de Kavumu, en RDC. Charles Cubaka Cicura, porte-parole des avocats des parties civiles revient pour Jeune Afrique sur les menaces qui pèsent sur les témoins, mais aussi le désir de justice dans un procès qui est aussi celui de l’impunité pour les crimes sexuels dans le pays.

Le procès de 18 suspects, tous membres d’une même milice – qui se fait appeler « Armée de Jésus -, s’est ouvert le 9 novembre à Kavumu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Ils sont entre autres accusés de crimes contre l’humanité et du viol de 48 fillettes entre 2013 et 2016. Le chef de la milice, le député Frédéric Batumiken, qui est également pasteur, est aussi accusé de l’assassinat en mars 2016 du défenseur des droits de l’homme Évariste Kasali. Très attendu par la population et les ONG, ce procès pourrait marquer la fin de l’impunité dont jouissent souvent les auteurs de crimes sexuels dans le pays.
Charles Cubaka Cicura est le porte parole des avocats des parties civiles. Il revient sur le début du procès pour Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Quelle importance revêt ce procès, en RDC ? 
Charles Cubaka Cicura : Le procès Kavumu est emblématique en premier lieu parce qu’il concerne un député provincial, Frédéric Batumike, qui en principe est couvert par l’immunité parlementaire. Mais un député provincial qui s’est aussi illustré par des crimes internationaux, des crimes contre l’humanité.
Ensuite, le procès est important de par le nombre de filles qui ont été victimes de viols, par leur jeune âge et le mode opératoire des violeurs. Ces enfants ont attendu pour obtenir réparation. Il fallait qu’il y ait un procès pour que justice soit faite. Cela pourrait aussi décourager tous ceux qui voudraient s’aventurer ce chemin.
L’immunité du député Frédéric Batumike a-t-elle été levée ?
Oui, son immunité a été levée. Et même si cela n’avait pas été le cas, il est poursuivi – entre autres – pour crimes contre l’humanité. En cette matière, l’article 27 du statut de Rome stipule que la qualité officielle d’une personne, ou son immunité, ne peut pas jouer en cas de présomption de crimes de masse, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide.
Le féticheur leur avait dit de prélever le sang de l’hymen de filles encore vierges pour être invulnérables face aux balles
Qui sont les autres personnes sur les bancs des accusés ?
Frédéric Batumike était le commandant en chef, les autres étant des exécutants : 17 autres personnes, membres de sa milice, l’« Armée de Jésus », qui sont avec lui sur le banc des accusés. La milice a attaqué plusieurs fois l’armée régulière, pour se ravitailler en armes. Le féticheur du groupe – qui est d’ailleurs aussi sur le banc des accusés – leur avait dit qu’ils devaient prélever le sang de l’hymen de filles encore vierges pour être invulnérables face aux balles des forces armées congolaises…