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« Contrairement aux préjugés, le travail manuel exige de grandes compétences intellectuelles »

18 Mai 2017


Les travailleurs manuels, en particulier les femmes, seront-ils à nouveau les grands perdants du quinquennat qui se profile. Emmanuel Macron s’était autoproclamé « le candidat du travail ». Devenu Président, saura-t-il prendre en considération la réalité que vivent les femmes préposées au ménage, au service dans la restauration, à la chaîne des usines ou aux caisses des supermarchés ? Dans son ouvrage Les souffrances invisibles, l’ergonome Karen Messing raconte en quoi les métiers de ces femmes sous-qualifiées exigent de grandes qualités cognitives, ignorées voire méprisées par la majeure partie de la société. Entretien.

Basta ! : Quand vous procédez à vos premières observations en milieu de travail, dans les années 1980, vous pensiez que les femmes effectuaient des « travaux légers ». Mais, que ce soit les soignantes dans les hôpitaux ou celles qui font le ménage, vous découvrez qu’elles sont très sollicitées physiquement. Comment expliquez-vous cette invisibilité de la pénibilité de leur travail ?

Karen Messing : Quand on évoque le fait de « lever des charges », on pense souvent aux objets lourds que les hommes soulèvent. Le fait de soulever, tourner ou tirer des personnes pour les habiller, ou pour faire leur lit n’est jamais considéré. Or, c’est un travail très physique, essentiellement accompli par des femmes. Leurs bras et leur dos sont à ce point sollicités qu’elles ont des accidents et développent des maladies professionnelles. Une autre raison de l’invisibilité, c’est que la même charge peut ne pas représenter le même degré de sollicitation : avec un même plateau, les serveuses sont souvent davantage sollicitées que les serveurs parce qu’elles ont des plus petites mains. Elles doivent aussi marcher plus vite parce qu’elles font de moins grands pas.