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Maher Shawamreh, danseur palestinien : “Par la danse, je communique avec toutes les cultures du mondeˮ

par Antonietta Chiodo, ProMosaik, traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala, 21/3/2017. 

Parlons de la Palestine, en donnant la parole à un
artiste qui vit en Palestine occupée, Maher Shawamreh,  maître de danse
et directeur de l’école d’art de Ramallah. Dans cette interview, il
explique comment il communique la paix à travers l’extension de l’âme,
surmontant ainsi les frontières de l’intolérance et de la guerre.
Il nous parle de l’amour pour les arts qu’il enseigne tous les jours
avec le soutien de son équipe du Théâtre Orient & Dance. Ses élèves
sont des enfants et des adolescents. La communication se fait à travers
les vibrations du corps et de la musique. Maher, un homme qui a grandi
dans un état de siège, a réussi à créer dans cette ère moderne la
capacité de dissoudre les paroles, en donnant vie sur scène à une paix
capable d’unir les différentes cultures et langues.
En tant que professeur et artiste chevronné, il a pu  au
cours des dernières années accoster aux rives occidentales grâce à ses
spectacles, ce qui lui a permis de collaborer avec des artistes de
divers pays. Sa capacité d’approche et de confrontation aux arts lui a
permis de se surpasser en permanence au niveau technique, en
communiquant la liberté aux spectateurs à travers la communication
corporelle.



Quand as-tu commencé avec la danse et qu’est-ce qui t’a fait comprendre que c’était ta voie ?

Quand j’étais jeune, j’ai étudié le génie électrique. Ma carrière en
danse contemporaine a officiellement commencé en 1996. En 1999, j’ai
commencé à faire des spectacles dans diverses régions de la Palestine et
d’autres pays. Je vivais de mon travail dans des ateliers. Quelques
années plus tard, j’ai commencé avec des interprétations importantes,
soutenues par des œuvres d’auteurs du  calibre
de Mahmoud Darwish et Ghassan Kanafani. Je me suis alors vraiment rendu
compte que je ne pouvais plus échapper ou me distraire. La danse avait
pris possession de ma vie et de mon esprit. Permets-moi de préciser que
pour moi la danse n’est pas la vie, mais un parcours à la recherche de
mon identité. Par la danse je deviens une partie de l’univers et j’entre
en contact avec Allah. Au jour d’aujourd’hui, j’ai compris que la danse
est une cure, un médicament miracle.












Photo Rough Stage 2015


Pourquoi les artistes, historiquement, se sont-ils révélés être les ambassadeurs les plus précieux de la paix ?



Les humains communiquent entre eux dans différentes langues, en
français, arabe, italien, espagnol … il est de notre devoir de nous
comprendre à fond les uns les autres et de nous mettre à la recherche de
contenus sémantiques différents. L’art est un langage universel et n’a
pas besoin d’une grammaire spécifique pour être compris. La danse est le
langage du corps. En réveillant sensations et vibrations, la danse
fusionne la nature et de l’âme. De cette façon, il s’établit une
communication avec l’esprit, mû par Allah. À ce stade tu réalises
qu’Allah t’ aime et par cette communication tu retrouves ta paix
intérieure. Au moment où un corps danse, Allah met l’univers en
mouvement. La création elle-même se transforme en mouvement, créant une
danse permanente. La danse et la musique donnent lieu à l’immortalité
pour ceux qui les interprètent comme pour ceux qui les reçoivent.





Comment imaginerais-tu un spectacle de danse avec des artistes et palestiniens et occidentaux ? Quelle musique choisirais-tu ?



Comme je l’ai mentionné précédemment, la danse est le prolongement de
la parole d’Allah qui traverse le corps et produit nos sensations. Nous
pouvons la partager dans toutes les langues du monde. En restant à
l’écoute, nous pouvons effleurer nos âmes. Nous pouvons nous refléter
nous-mêmes en dansant, sans ressentir aucune crainte. En outre la danse
nous permet de partager simultanément diverses langues et cultures.
Voilà ce que je cherche à transmettre à travers mon art. J’aime danser
avec de la musique vivante, en déplaçant non seulement mon corps mais
aussi mon âme. Le public qui me regarde danser me convainc que la danse
n’a pas de frontières. En fait, elle englobe la terre, les oliviers,
l’aigle, les rochers, la mer … une femme âgée. Il faudrait s’exprimer
librement sur la place centrale d’un marché pour compenser son propre
manque intérieur  à travers l’expression artistique. Voilà mon art exprimé en mots.






Quel est ton secret pour aider tes élèves à surmonter la peur de ne pas y arriver ?



Mes élèves doivent être contents d’eux-mêmes et faire le vide dans
leur tête quand ils dansent. C’est seulement de cette manière qu’on peut
éliminer les tensions. J’ai appris à sortir du stress, en fuyant loin.
Quand j’entre dans la salle et que je vois le premier étudiant, toutes
mes sensations deviennent positives. Et j’existe dans ce moment unique.
Grâce à la danse, la rage qui est une part de l’être humain a tendance à
se perdre dans les mouvements, arrivant ainsi à se dissoudre
complètement. La danse est en mesure de créer la tolérance. La danse est
comme une évasion de l’âme hors de la vie et de monde qui nous entoure.




As-tu déjà eu peur que l’un de tes élèves puisse être embarqué par des soldats israéliens?




Non, nous n’avons pas peur, nous sommes nés sous l’occupation.