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Avec la résolution 2334, pas mal d’illusions du gouvernement israélien se sont écroulées d’un coup, d’un seul…

par LD, Pour la Palestine, 27 Décembre 2016


Selon le journaliste politique vedette de Haaretz, Barak Ravid, l’adoption de la résolution 2334 du Conseil de sécurité a été précédée d’un véritable psychodrame, au cours duquel Netanyahou – qui depuis quelques mois semblait planer sur un petit nuage, persuadé qu’il était que personne dans le monde ne s’intéressait plus guère aux Palestiniens et qu’Israël gagnait chaque jour de nouveaux soutiens – a vu s’écrouler brutalement pas mal d’illusions.

Selon Barak Ravid, dans les jours et les heures qui ont précédé le vote du Conseil de sécurité, “la Grande-Bretagne tirait les ficelles”. “Les Britanniques ont secrètement travaillé avec les Palestiniens, et ont poussé la Nouvelle-Zélande à faire avancer la résolution, tandis qu’un appel de Netanyahou à Poutine a déclenché un véritable drame à peine une heure avant le vote”.

Déclaration de guerre

Vendredi dernier, quelques heures avant le vote du Conseil de sécurité sur la résolution concernant les colonies juives dans les territoires palestiniens occupés, raconte Barak Ravid, Benjamin Netanyahou a téléphoné au Ministre des Affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande, Murray McCully. La Nouvelle-Zélande, conjointement avec le Sénégal, la Malaisie et le Vénézuela, donnait l’impulsion pour relancer une procédure de vote du Conseil de sécurité après que l’Égypte y ait renoncé la veille, sous la presse d’Israël.

Quelques heures avant cette conversation, un haut fonctionnaire du Ministère des Affaires étrangères israélien avait appelé l’ambassadeur de Nouvelle-Zélance à Tel Aviv, Jonathan Curr, et l’avait averti que si son pays persistait à vouloir faire voter la résolution Israël pourrait fermer son ambassade à Wellington. L’ambassadeur Curr en prit acte, et fit rapport à son gouvernement. Mais quand le jour se leva à New York les Israéliens comprirent que la position des néo-zélandais n’avait pas changé.

La conversation téléphonique entre Netanyahou et McCully représentait une ultime tentative pour éviter le vote du Conseil de sécurité, ou au moins pour le retarder quelque peu pour “acheter un peu de temps”. Des diplomates occidentaux rapportent que cette conversation a été “dure” et très tendue, et que Netanyahou s’est laissé aller à formuler des menaces acerbes, “peut-être sans précédent dans les relations entre Israël et un autre pays occidental”, écrit le journaliste politique de Haaretz sur base de déclaration de diplomates occidentaux “qui tiennent à garder l’anonymat étant donné la sensibilité de la question”.

Netanyahou aurait déclaré au ministre néo-zélandais des Affaires étrangères que si son pays continuait à pousser à l’adoption de la résolution “du point de vue israélien ce sera une déclaration de guerre. Cela provoquera une rupture dans les relations et il y aurait des conséquences. Nous rappellerons notre ambassadeur”. Mais McCully s’est montré inflexible : “Cette résolution est conforme à notre politique et nous allons la faire progresser”, dit-il à Netanyahou.

Juste un mois auparavant, lorsque McCully s’était rendu en Israël et avait rencontré Netanyahou, il avait trouvé celui-ci d’humeur très agréable, amical et particulièrement chaleureux, écrit Barak Ravid. Le Premier ministre israélien montra fièrement à son hôte une présentation PowerPoint dont il avait déjà fait un grand usage devant des journalistes depuis l’été. Un pointeur laser à la main, Netanyahou avait montré à McCully à quel point les relations internationales d’Israël se développaient, opérant une véritable percée dans la région du Moyen-Orient et se faisant des amis à foison en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Des diplomates occidentaux ont rapporté que McCully, qui au cours des deux derniers mois avait constamment insisté auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies pour que le problème israélo-palestinien revienne au premier plan, a expliqué à Netanyahou la teneur de la résolution que son pays aurait aimé faire adopter.

Il s’agissait d’un texte considérablement plus “soft” que celui qui a été voté vendredi dernier. Le projet de résolution de la Nouvelle Zélande parlait d’un “gel” des constructions dans les colonies, mais également du “gel” de toute nouvelle initiative des Palestiniens aux Nations Unies et à la Cour Pénale Internationale de La Haye et en appelait à “des négociations directes sans conditions préalables”.

Sans conditions préalables ?

Cette formule – «sans conditions préalables» – sonne généralement agréablement aux oreilles israéliennes, et le gouvernement israélien l’a souvent utilisée. Elle n’a qu’une signification : le refus israélien du droit international comme base de négociations… Pour expliquer la chose, Alain Gresh écrivait en 2009 :

«Prenons un exemple pour être clair. En 1990, l’Irak envahit le Koweït, la famille royale s’enfuit. Quelle aurait été la réaction internationale si Saddam Hussein avait annoncé qu’il était prêt à négocier sans conditions préalables avec la dynastie Al-Sabah ? Tout le monde aurait compris que c’était une manœuvre et que, compte tenu des rapports de force, ces négociations, si elles avaient eu lieu, n’auraient pu déboucher sur aucun accord.»

«Lors de la conférence d’Annapolis de novembre 2007, bien oubliée malgré les « espoirs » qu’elle avait suscités dans les médias, une déclaration israélo-palestinienne avait été adoptée. J’expliquais alors : « Le plus inquiétant dans la déclaration commune, c’est l’absence de toute base juridique ou légale aux négociations. Il n’y a aucune référence au droit international, ni même à la résolution 242 du Conseil de sécurité et à l’idée d’échange de la paix contre les territoires. Les deux parties s’engagent à “des négociations bilatérales en toute bonne foi”. En toute bonne foi ? Mais que signifie ce terme ? Ehoud Olmert pense, “en toute bonne foi”, que Jérusalem, y compris sa partie arabe conquise en 1967, est “territoire israélien” ; il pense “en toute bonne foi” que les grands blocs de colonies doivent être annexés à Israël. Il pense aussi, “en toute bonne foi”, que la sécurité des Israéliens est plus importante que celle des Palestiniens. »

Malgré cela, Netanyahou rejeta catégoriquement l’idée avancée par McCully, explique Barak Ravid. Selon lui, il n’y avait aucune raison que le Conseil de sécurité évoque la Palestine, tout simplement. Il avait d’ailleurs expliqué infatigablement la même chose publiquement depuis des semaines. Le monde, estimait Netanyahou, ne se soucie plus trop de la question de la Palestine. La majorité automatique contre Israël aux Nations Unies appartiendra bientôt au passé, croyait-il. Israël n’a-t-il pas désormais des amis tant et plus ? Le vote de vendredi a donc été une dure désillusion.

Londres à la manœuvre, en secret…

Les diplomates occidentaux et israéliens racontent – poursuit Barak Ravid – qu’il s’est passé beaucoup de choses entre le moment où l’Égypte a décidé de céder aux pressions israéliennes, jeudi après-midi, et vendredi matin, quand la Nouvelle Zélande, le Sénégal, la Malaisie et le Vénézuela firent savoir qu’ils allaient s’activer pour relancer une procédure de vote. Dès que l’Égypte a cédé, des pressions se sont exercées sur ces quatre pays pour qu’ils prennent le relais. Les Palestiniens furent les premiers à se manifester, mais très vite certains États du Golfe et surtout la Grande-Bretagne les ont rejoints.

Les Britanniques avaient commencé à se montrer actif à propos du projet de résolution depuis quelques jours déjà. Des diplomates israéliens affirment que des informations étaient parvenues au Ministère des Affaires étrangères à Jérusalem selon lesquelles des juristes et des diplomates britanniques avaient travaillé directement avec les délégués Palestiniens pour élaborer le texte du projet de résolution, avant même qu’il soit distribué pour la première fois par l’Égypte, le mercredi soir. Selon eux, les Britanniques avaient agi en secret et sans en informer Israël.

Le gouvernement israélien suspecte qu’en fait la Grande-Bretagne agissait à ce moment pour le compte des États-Unis, afin de s’assurer que le projet de résolution serait acceptable pour Barack Obama, mais sans que Washington ait besoin d’intervenir directement dans sa formulation.

«Nous savons lire une résolution du Conseil de sécurité. Ceci n’est pas un texte qui a été écrit par les Palestiniens ou l’Égypte, mais bien pas une puissance occidentale», affirme un important diplomate israélien, rapporte Barak Ravid. L’ambassadeur israélien à Washington a affirmé lundi, dans une interview, qu’Israël a la preuve que l’administration Obama était “derrière la résolution” et l’avait rédigée.

Le récit fait par des diplomates occidentaux, explique Barak Ravid, confirme dans une certaine mesure celui de leurs homologues israéliens. Ils disent qu’en effet les britanniques ont joué un rôle important pour peaufiner le texte du projet de résolution en coopération avec les Palestiniens. Mais ils disent n’avoir aucune preuve que c’était en fait l’administration américaine qui dirigeait en sous-main la manœuvre de bout en bout. “Les Britanniques ont aidé à trouver le ton juste pour que le texte puisse satisfaire aux critères américains pour éviter qu’il se heurte à un véto”, explique un diplomate occidental anonyme cité par Ravid.

Allô, Vladimir…

La conversion houleuse de Netanyahou avec le Ministre néo-zélandais des Affaires étrangères n’avait pas marqué le point final de ses efforts pour bloquer la résolution.

Quelques heures avant le vote de vendredi, il a appelé le Président de la Russie, Vladimir Poutine, afin de tenter de le persuader. La veille, à la demande de Moscou, les représentants d’Israël à l’Assemblée générale de l’ONU s’était délibérément absentés au moment du vote d’une résolution concernant les crimes de guerre en Syrie.

On ne sait pas très bien ce que Netanyahou et Poutine se sont dit, mais – selon Barak Ravid – moins d’une heure avant le vote, alors que les membres du Conseil de sécurité préparaient les interventions qu’ils allaient prononcer, l’ambassadeur de Russie aux Nations Unies, Vitaly Churkin, a soudain demandé une réunion à huis clos.

Vitaly Churkin aurait alors provoqué un véritable choc chez les autres membres du Conseil de sécurité en propo­sant de postposer le vote jusqu’après la Noël. Il n’y avait pas eu, estimait-il, un débat suffisamment approfondi sur la formulation du texte, et il se disait surpris de la hâte manifestée par certains pays pour que le vote ait lieu le plus rapidement possible. C’est, expliquèrent les Russes, le timing et non le contenu de la résolution qui leur posait un problème, vu la proximité de l’entrée en fonction d’une nouvelle administration à Washington.

Mais les autres pays ont fait la sourde oreille, et ils ont voulu que le vote soit organisé sans délai. Le diplomate russe n’aurait pas beaucoup insisté, résumant la situation par une remarque à propos des événements faisant suite à l’abandon par l’Égypte de sa tentative de faire voter la résolution : jamais dans sa vie, dit-il, il n’avait vu autant de gens se précipiter à ce point pour adopter un orphelin…

A la fin de la réunion les ambassadeurs entrèrent dans la salle du Conseil de sécurité, et quelques minutes plus tard la résolution 2334 était adoptée à l’unanimité, moins une abstention. Et Israël apparaissait isolé comme jamais.