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Récit de Loïc, l’Anonymous condamné, violenté par la police ce 15 septembre

25 Septembre 2016

Il y a quelques jours, à l’occasion de la manifestation contre la « Loi travail » qui se tenait le 15 septembre à Paris, Loïc Schneider a été violemment interpellé par la police alors qu’il était bloqué, avec d’autres, dans une nasse. Loïc, c’est aussi ce jeune homme qui fut condamné à de la prison avec sursis pour avoir attaqué, avec d’autres, sous bannière Anonymous, un site du gouvernement. Son but : dénoncer la politique d’enfouissement des déchets nucléaires et le meurtre de Rémi Fraisse. À 20 ans à peine, cette agression des forces de l’ordre va le conduire à devoir supporter un troisième procès de l’État contre sa personne.


Multiples prolongations de l’État d’urgence, atteintes à la vie privée et violences policières : trois tendances inquiétantes qui sont l’expression d’un État qui se transforme en mettant à mal de nombreuses libertés, comme le dénonce plusieurs ONG importantes dont Amnesty International. Ce que Loïc Schneider nous rapporte, confirme nos craintes : l’État de droit est en danger. Ses affirmations, s’ajoutent au nombreux autres témoignages et cas avérés dans lesquels des agents de police vont volontairement réprimer de manière particulièrement brutale des personnes, sans que rien ne le justifie. L’accumulation de ce qui ne peut plus être décrit comme des « bavures exceptionnelles », laisse penser que les forces de l’ordre transgressent de manière volontaire et organisée leurs fonctions, de plus en plus souvent en camouflant illégalement leur numéro d’identification. Ces derniers mois, un clivage de plus en plus marqué au sein de la société est apparu non seulement en raison de la série d’attentats qui a touché la France (entrainant une réaction sécuritariste), mais aussi à la suite des mouvements sociaux du printemps. Dans ce contexte, la multiplication des interventions des forces de l’ordre est préoccupante : l’ONG Action des chrétiens pour l’abolition de la torture a publié un rapport, inquiétée par l’éventuelle impunité des policiers.

Certains éléments laissent donc à penser que les autorités publiques, en réponse à une volonté politique ou de leur propre chef, tentent d’intimider ceux qui dérangent, par la violence, la répression physique et la répression morale. Loïc en a fait les frais : esseulé et menotté, « il est terrifié par les menaces » et préfère, « pétrifié, de [se] taire ». Lui, ce n’est pas la première fois qu’il fait de mauvaises expériences avec l’État français. Il y a cela un peu plus d’un an, nous interpellions sur sa première arrestation forcée : en cause, ses activités en tant qu’Anonymous.

Pour ses attaques informatiques contre les sites internets de plusieurs collectivités territoriales, il a été punis de 4 mois de prisons avec sursis ainsi qu’à environ 7500 euros d’amende, une somme dont il devra s’acquitter avec d’autres Anonymous ayant participé à l’action. Loïc, c’est également un activiste actif sur d’autres fronts. Il s’est également fait remarquer par un poème, devenu viral sur les réseaux sociaux, écrit au gouvernement de François Hollande.

Ci-dessous, le récit brut des évènements, tels qu’ils ont été vécus et contés par Loïc Schneider.
Nouveau procès inutile et imposé le 14 octobre à Paris

« Le 15 septembre, juste avant la manifestation contre la loi travail à Paris, après mon arrivée devant la place de la Bastille vers 13h30, je suis témoin d’une nasse policière juste devant le filtre policier de la place. Plus personne ne pouvait rentrer pour rejoindre la manifestation et parmi les 40 personnes de la nasse, je vois l’une d’entre elle, d’un coup, se faire interpeller et menotter. Surpris de cette répression policière, je m’indigne de cette atteinte à la liberté de manifester et lance le slogan « libérez nos camarades » pour éveiller l’attention collective des personnes aux alentours.

Tout à coup alors que cela ne faisait même pas 2 minutes que j’étais arrivé, trois gendarmes sortent de la nasse, ils me prennent et me tirent, je tente de reculer mais ces derniers me plaquent contre le sol violemment. L’un d’entre eux empoigne mes cheveux avec force jusqu’à m’en arracher, un autre me frappe au visage. À terre un gendarme se met en équilibre debout, ses deux pieds sur mes deux genoux. Je saigne du nez, le sang coule sur mon visage et colore le sol bétonné de Paris. Je suis sous la pression du poids des gendarmes, mon bras droit se retrouve écrasé entre mon corps et le sol, les gendarmes n’arrivent pas a le prendre et le tire de plus en plus fortement. Dans la confusion et la douleur je n’arrive pas a m’exprimer pour leur faire comprendre qu’ils me bloquent le bras en m’écrasant le dos, finalement, je suis menotté, relevé et plaqué contre le mur dans la nasse.
La personne menottée est libérée, la nasse se rétrécie, je me retrouve seul dans la nasse. Tout le monde est en liberté, sauf moi. J’essaye de questionner les gendarmes sur les motifs de mon interpellation, je n’ai pas de réponse. Je continue de m’indigner, le gendarme a lunette qui me tient les menottes me dit « Tais toi ou je te pète les poignets ». Je répète ce qu’il m’a dit à voix haute pour que les gens autour de la nasse entendent cette menace, le gendarme exerce une forte pression sur les menottes, je crie de douleur et lui et son collègue disent haut et fort « arrête de jouer la comédie ». Terrifié par les menaces, la douleur et le mensonge, pensant vraiment qu’il serait capable de me péter les poignets. Je décide, pétrifié, de me taire.

Une dizaine de minutes plus tard, une voiture de police banalisée m’amène au commissariat du 19ème arrondissement. Je ne sais toujours pas le motif de mon interpellation, finalement, on me signale que je suis en garde a vue pour des faits d’ »outrage » et « rébellion ». On me dit que la motivation de mon interpellation sont des insultes prononcées à l’égard des forces de l’ordre. Ayant clairement souvenir que je n’ai pas insulté la police je met en avant que de toute façon la scène entière a été filmé par plusieurs caméras et journalistes. Après 5 heures de garde à vue, celle-ci est requalifiée avec en plus de « l’outrage » et la « rébellion », « l’incitation à la rébellion ». Deux heures plus tard, elle sera requalifiée une troisième fois, cette fois-ci sans l’ »outrage ». Du coup, sans le motif de mon interpellation. Oui, tout va bien.


Je passerai mes 24h de garde à vue au côté d’un syndicaliste Sud interpellé dans un filtre policier car ce dernier avait 3 fumigènes dans son sac. Il avait toujours eu 3 fumigènes dans toutes les précédentes manifs. Bref, je suis en procès le 14 octobre pour « rébellion » et « incitation a la rébellion ». Je risque jusqu’à 1 an de prison (peine max) et le gendarme « victime » du fait que j’ai reculé pour éviter de me faire interpeller, celui qui m’a arraché des cheveux et menacé de me péter les poignets (oui c’est le même) demande 500 € de préjudice moral et 500€ pour son avocat. Je suis, jusqu’au 14 octobre sous contrôle judiciaire avec interdiction d’aller a Paris et je dois pointer une fois par semaine au commissariat de Nancy. L »incitation à la rébellion » serait caractérisée par cette phrase « On est plus nombreux qu’eux, on leur rentre dedans et on libère nos camarades« . Problème, je n’ai jamais dit cette phrase (d’ailleurs il y a 4 versions différentes de cette phrase dans les PV des différents gendarmes auditionnés). J’ai les preuves vidéos et audio, prisent depuis mon arrivée par un cameraman. Ce 3ème procès est une vaste blague. »

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