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Changer le monde : 500 ans d’utopie

Juillet 2016


De Thomas More à Nuit debout
Voilà juste cinq cents ans, en 1516, l’humaniste anglais Thomas More publiait L’Utopie. Dans ce récit de voyage dans un pays imaginaire, il décrivait une société qui, sans être idéale, fonctionnait bien mieux que celle de son temps, qu’il dénonçait avec virulence. Il inventait en même temps un mot, “utopie”, tiré du grec, désignant, aussi bien un pays de nulle part qu’un pays de bonheur. Thomas More concluait sa description par ces mots : “Je le souhaite plus que je ne l’espère. …

Il y a 500 ans, Thomas More publiait “L’Utopie”
Six heures de travail par jour ! Cette utopie lança un genre littéraire et servit, par sa modernité, de boîte à idées à bien d’autres. Mais gardons-nous de tout anachronisme ! Voyons d’abord son contenu, en compagnie de Thierry Martens, imprimeur à Louvain, dans les Flandres, et de l’éditeur Pierre Gilles qui, avec Erasme – la grande figure de l’humanisme européen du début du XVIe siècle -, a encouragé Thomas More dans son projet. …

Ils ont pensé l’utopie
Monde imaginaire pour s’évader du monde où l’on vit et le critiquer, projet irréaliste mais souhaitable, anticipation traçant la voie pour un avenir plus ou moins proche, projet local exemplaire aspirant à faire école, l’utopie se veut aujourd’hui “concrète”. Les utopies ne sont que des vérités prématurées. L’utopie concrète est donc soucieuse de comprendre avec précision le songe de son objet, un songe qui réside dans le cours même de l’histoire. …

La contre-utopie comme cri d’alarme
Si Jonathan Swift, avec ses Voyages de Gulliver, s’attaque avec ironie et humour aux utopies scientifiques de son temps, c’est le XXe siècle qui donne à la contre-utopie ses oeuvres majeures : Nous autres d’Evgueni Zamiatine (1922), Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1931) et 1984 de George Orwell (1949). Dans le collimateur de ces auteurs : la menace que font peser sur l’humanité les tentatives de réalisation de rêves utopistes prétendant, par la science et l’organisation, faire le bonheur des hommes, y compris malgré eux. …

Pour la paix
En 1713, le Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe est publié à Utrecht, en Hollande. Le lieu et la date ne doivent rien au hasard : l’auteur, l’abbé de Saint-Pierre, participe aux négociations de la paix d’Utrecht, qui met un point final à la guerre de Succession d’Espagne. En cinquante-quatre ans de règne, Louis XIV aura guerroyé trente-trois ans : guerres, impôts, misère, famine…, le bilan du Roi-Soleil est bien sombre. …

Une soif de fraternité et d’égalité
Le naufrage des isles flottantes ou Basiliade (1753) d’Etienne-Gabriel Morelly – contemporain des essais de Jean-Jacques Rousseau Sur les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) et Sur le contrat social (1762 ) -, ouvre la voie aux utopies sociales (entre autres de l’abbé Mably, du curé Meslier et de Dom Deschamps). La Révolution en permettra la tentative de réalisation politique. …

Sauver l’humanité et la planète
Vivre en harmonie avec la nature : pour William Morris, “la civilisation moderne”, c’est “l’âge de l’ersatz” qui engendre pauvreté matérielle, pauvreté culturelle, nourriture et loisirs frelatés… Il rejoint ainsi Charles Fourier qui, dès 1835, tempêtait contre la civilisation moderne, ainsi que son contemporain, le géographe anarchisant Elisée Reclus, qui parle de “demi-civilisation” à propos de la civilisation industrielle. …

Un modèle de société clé en main
Contrairement à leurs prédécesseurs, de Thomas More à Louis-Sébastien Mercier, les utopistes du XIXe siècle ne se bornent pas à décrire un ailleurs ou un futur de bonheur permettant de dénoncer en creux la société de leur temps. Ils ambitionnent beaucoup plus. Ils entendent proposer un modèle de nouvelle société à portée de main en créant des communautés qui se veulent exemplaires. Autour de 1880-1910, les utopistes, souvent influencés par les grands courants marxistes ou anarchistes qui s’imposent alors, imaginent aussi la société qu’ils appellent de leurs voeux. …

Des communautés éphémères
Les tentatives n’ont pas manqué pour fonder des communautés à la fois de vie et de travail, reposant sur l’égalité, la démocratie et l’harmonie mutuelle. On en compte encore une bonne cinquantaine en France au XXe siècle [[Le site de Michel Antony donne la liste notamment de celles se revendiquant de l’anarchisme : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel. 2012/03/communes-libertaire-et-anarchiste-en. Après bien d’autres, “L’essai” d’Anglemont (Ardennes), fondée en 1903 par Fortuné Henry, ambitionnait d’être “la cellule initiale de l’humanité future”. …

La science et la technique à la rescousse
La nouvelle Atlantide, écrite en 1622 par Francis Bacon, est sans doute la première utopie où les scientifiques jouent un rôle moteur : le roi s’appuie sur un groupe de savants pour découvrir le monde et inventer des machines nouvelles. Louis-Sébastien Mercier, dans L’an 2440. …

L’utopie numérique
Nous créons un monde auquel chacun peut accéder, sans privilège ou considération de race, de pouvoir économique, de force militaire ou de lieu de naissance. Nous créons un monde dans lequel chacun, partout, peut exprimer ses croyances, si singulières soient-elles, sans crainte d’être contraint au silence ou au conformisme. …

Changer d’abord l’économie !
Dès le XVIe siècle, l’anglais James Harrington imagine, dans Oceana (1656), une république idéale reposant sur une répartition équitable de la propriété foncière. Au XVIIIe siècle, de nombreux auteurs s’opposent à la conception mercantiliste qui veut qu’une nation ne peut s’enrichir et devenir puissante qu’au détriment des autres, en se protégeant des importations et en promouvant ses exportations. L’idée se répand alors que la paix ne peut s’établir durablement entre les nations sans le développement des échanges. …

Une nouvelle démocratie
La question majeure est la suivante : quelle peut être la nature de la révolution démocratique appelée à porter une transformation complète de la relation à l’économie et à la nature, mais aussi du citoyen à la société ? Cette révolution doit d’opérer à trois niveaux : les droits de la personne, la démocratie locale et la gouvernance mondiale. …

L’utopie, ici et maintenant
Insérées dans la société telle qu’elle est, mais en faisant un pas de côté – et souvent un pas en avant -, les initiatives, multiformes, se développent localement pour agir tout de suite et démontrer que l’utopie peut devenir réalité. A une autre échelle, de nombreuses propositions sont faites, qui se veulent réalisables, pour transformer en profondeur l’école, les rapports femmes-hommes, la ville, les modes de production ou de consommation ou pour combattre efficacement les inégalités sociales les plus criantes. …