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Guatemala: l’esclavage sexuel, crime contre l’humanité

Par FIDH

La FIDH et son organisation membre au
Guatemala, le CALDH, saluent le nouveau pas en avant accompli par la
justice guatémaltèque qui vient de prononcer la première
condamnation pour esclavage domestique et sexuel comme crime contre
l’humanité commis pendant le conflit armé dans le pays.


La condamnation a été prononcée par
un tribunal national le 26 février dernier dans la ville de
Guatemala. 

Cette condamnation, prononcée dans l’affaire connue
sous le nom de «Sepur Zarco», établit un précédent
pour les victimes de ces crimes, non seulement au Guatemala, mais
dans la région et dans le monde entier.


La présidente de la chambre A de la
Cour suprême du Guatemala a jugé que les victimes avaient été
traitées «pire que des animaux» dans le cadre d’un
«plan stratégique visant à réduire à néant le tissu
social et à détruire sa capacité de production». 

Les faits
se sont produits en 1982-1983 dans la base militaire installée dans
la municipalité de Sepur Zarco (nord-est du Guatemala). Les
militaires avaient enlevé des femmes mayas q’eqchi de cette
municipalité pour en faire leurs esclaves sexuelles et domestiques.
Elles étaient obligées de faire la cuisine, le ménage et la
lessive des soldats; elles étaient aussi violées et forcées
à prendre des médicaments pour ne pas tomber enceinte. Leurs époux,
qui réclamaient que soient reconnus officiellement leurs droits de
propriété sur leurs terres ancestrales, disparurent et/ou furent
assassinés.



Dans son rapport final de 1999, la
Commission pour la vérité historique avait signalé que «le
viol des femmes, accompagné de tortures et/ou suivi de leur
assassinat, fut une pratique courante destinée à détruire la
dignité de la personne dans l’un de ses aspects les plus intimes
et vulnérables. La plupart des victimes de ces violences étaient
des femmes mayas».


Les peines infligées aux deux
ex-militaires condamnés s’élèvent cumulativement à un total de
360 ans de prison. 

Le colonel Francisco Esteelmer Reyes Girón, jugé
coupable de crimes contre l’humanité pour avoir gardé en
esclavage domestique et sexuel quinze femmes et pour avoir tué une
femme et ses deux filles, a été condamné à 120 ans de prison. 

Heriberto Valdés Asij, un paramilitaire au service de l’armée, a
été condamné à 240 ans de prison pour des actes d’esclavage et
pour la disparition forcée de sept hommes.


Le 16 mai prochain, le procès spécial
(à huis clos) de Rios Montt et, en même temps, le procès ordinaire
(en public) d’un autre prévenu, José Mauricio Rodríguez Sánchez,
débuteront sans qu’aient été résolues les graves contradictions
qu’implique cette situation. 

Si le procès spécial se déroule à
huis clos, la publicité des débats de l’autre procès est violée
et si le procès se déroule en public, ce sont les droits de Ríos
Montt qui sont mis à mal. 

Et en fusionnant les deux procédures, on
commettrait une illégalité qui aboutirait à l’annulation du
procès nul. 

Nous lançons donc un appel aux autorités judiciaires
pour qu’elles agissent en toute indépendance et impartialité et
qu’elles garantissent l’application des principes de respect du
droit et des droits des victimes des crimes graves commis, à
l’instar du procès «Sepur Zarco».



Selon la commission de vérité
historique des Nations unies, pendant le conflit armé interne au
Guatemala, qui dura de 1960 à 1996, plus de 200 000 personnes furent
assassinées — dont 45 000 sont toujours portées disparues —,
un million de personnes furent déplacées de force, plus de 600
massacres furent documentés et 400 villages furent totalement
détruits.