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Une crise appelée virus tient le capitalisme mondial en suspens

Roberto Ciccarelli 01/03/2020
État d’urgence. La pire semaine boursière depuis 2008 touche à sa fin et certains scénarios pessimistes, apocalyptiques même, se déploient, tandis qu’on espère une reprise.

Tradotto da Fausto Giudice
Après un long cavalcade, les marchés boursiers ont perdu en moyenne 10 % de leur valeur. Pour la BCE, l’urgence ne provoquera pas d’effets persistants, mais dans l’incertitude, il y a aussi ceux qui annoncent le pire. Pandémie de prévisions. Pour l’économie italienne, des hypothèses sont formulées sur des pertes possibles comprises entre 9 et 27 milliards dues aux effets du “Coronavirus”.
Au terme de la pire semaine depuis le crack de Lehman en 2008, qui a révélé l’existence de la pire crise économique depuis 1929, ce qui se termine aujourd’hui est la semaine la plus désastreuse pour le capitalisme financier et les chaînes d’approvisionnement et de valeur mondiales depuis douze ans. Le cygne noir Coronavirus a mis le feu aux prairies d’un marché mondial gonflé d’actions, d’obligations, de fonds de toutes sortes avec des évaluations et des rendements exagérés. Tous les grands indices, de Milan à Wall Street, ont perdu 10 % de leur valeur.
Au cours des dernières heures, les prévisions d’une prochaine reprise, qui pourrait ou non se produire bientôt, se sont multipliées. Les marchés sont comme ça : ils savent que même la pire crise (1929.2008) est la prémisse d’une nouvelle flambée. Et même un virus peut devenir une opportunité d’investir aujourd’hui et d’encaisser demain. Tout dépend de la date à laquelle ce demain commencera à payer et de l’endroit où il convient le mieux d’investir. Ce n’est pas de la prophétie, c’est un calcul de probabilité à la lumière des séries historiques où l’on parie non seulement sur la hausse, mais aussi sur l’effondrement. Ces derniers jours, certains ont reproposé l’idée que nous sommes confrontés à une crise financière en forme de V (c’est-à-dire une baisse des indices boursiers suivie d’une reprise rapide). Jusqu’à présent, on ne sait toutefois pas encore si la trajectoire ascendante du “V” sera empruntée avant ou après l’été, alors qu’on pense – mais ce n’est qu’un espoir – que le virus peut être vaincu par les températures tropicales. Un raisonnement tiré d’une histoire presque séculaire de crises financières faites aujourd’hui dans la plus grande confusion induite non pas tant par le virus inconnu, qui n’est quand même qu’ un virus, mais par la pandémie médiatique qui a frappé les synapses qui relient les marchés aux médias, aux gouvernements et aux populations ignares et effrayées. Tous liés dans la même représentation d’une menace apocalyptique, alors que la vie reste enfermée et qu’il commence à être normal que les droits – ceux qui existent, mais surtout ceux qui doivent être revendiqués – soient suspendus.
Dans un système otage de l’impondérabilité du risque d’effondrement attribué à un virus, et non à des contradictions produites par un rapport avec le capital, il y a ceux qui espèrent une baisse des taux de plus de 25 points de base en mars, suivie d’une autre baisse en juin par la Réserve fédérale usaméricaine. Et il y a ceux qui savent qu’une politique monétaire similaire ne viendra probablement pas de la Banque centrale européenne, qui ces dernières années a tiré toutes les cartouches du bazooka de Draghi et qui aujourd’hui se contente de regarder. Pour la présidente de la BCE, Christine Lagarde, le virus ne provoquera pas d’effets persistants.
La politique monétaire ne peut pas grand-chose dans une crise émotionnelle et politique qui investit avec une violence sans précédent l’économie industrielle et peut, potentiellement, la conduire au blocus. Ici, on joue dans une autre catégorie et il est possible de mesurer la distance entre le monde glacial et automatisé des robo-algorithmes qui régissent les échanges financiers, la mécanique compliquée des chaînes de production et l’arrêt des réseaux sociaux où de nombreuses personnes peuvent soudainement perdre leur salaire ou leur revenu. On peut alors inonder le marché d’argent, mais cela ne sert à rien si cet argent n’est pas dépensé parce que les marchandises sont bloquées, les travailleurs sont licenciés ou renvoyés, les entreprises sont arrêtées et n’investissent pas. Tout capitalisme affronte une crise pour se restructurer. Des indices de cette crise ont fait l’objet de mises en garde l’année dernière lorsqu’il a été question du risque “Brexit”, d’une guerre tarifaire entre les USA et la Chine, ralentissant la croissance de cette dernière. Maintenant, la crise semble venir d’ailleurs, projetée sous la forme d’un virus. Mais c’est la crise qui incubait, le virus n’a fait que lui donner forme. Pour l’instant.
Même en Italie, les prévisions des conséquences hypothétiques d’un blocage total de la machine gloable sont devenues une source constante de préoccupation. Selon Ref Ricerche, la crise sous forme de virus va coûter au PIB une perte comprise entre -1% et -3% au premier et au deuxième trimestre 2020, soit un trou de 9 à 27 milliards d’euros. La fourchette est aussi grande que la confusion produite par la crise soudaine, et se justifie par le fait que les “zones rouges” de la contagion se trouvent en Lombardie et en Vénétie qui produisent 31% du PIB italien. Arithmétiquement, une contraction de 10 % du PIB dans ces deux régions équivaut à une diminution de 3 % de celui de l’ensemble du pays. Une arithmétique basée sur des prévisions faites sur l’inconnu. Dans ce cadre s’inscrivent également les prévisions du Centre de recherche Nens selon lesquelles la crise pourrait peser lourdement sur la loi de finances 2021 et obliger le gouvernement italien à rechercher des ressources pour 25 milliards. Des fonds à ajouter aux 20 déjà prévus pour “stériliser” la TVA. Et puis à celles nécessaires pour faire face à la réforme annoncée de l’Irpef (Impôt sur les revenus des personnes physiques). Ainsi, la “flexibilité” que l’exécutif italien s’apprête à demander à la Commission européenne sera très large. Une montagne à gravir.
Vu que nous sommes sur le thème des prévisions, étant donné l’infrastructure de la politique économique existante, un autre problème se posera à ce moment-là, les espaces de politique budgétaire concédés par les contrôleurs de comptes de Bruxelles varient d’un pays à l’autre. Beaucoup de gens s’accordent à dire qu’il serait utile de faire plus de déficits pour contrer l’effet récessionniste de la crise attribuée au virus, mais tout le monde ne pourra pas se le permettre dans la même mesure. À commencer par l’Italie, qui bénéficiera d’une flexibilité, mais qui pourrait même être insuffisante, même si le ministre de l’Économie, Roberto Gualtieri, nous rassure : il existe des marges budgétaires qui assureront l’opération.
Dans un monde infecté par un seul problème, il y a ceux qui, comme à Hong Kong, ont garanti aux citoyens de plus de 18 ans 10 mille dollars locaux (1 170 euros) chacun pour pallier l’absence temporaire de demande agrégée. C’est une version fiscale de « l’hélicoptère monétaire », mais appelons-la aussi « revenu de base ». Une politique qui répond à une urgence sans précédent. À maux extrêmes, bons remèdes.