Covid19 : Nous avons nous-mêmes déchaîné cette pandémie
David Quammen 26/03/2020 |
Le virus a peut-être vu le jour dans une cave, avec une chauve-souris, mais ce sont les activités humaines [et, plus précisément, les activités de la civilisation industrielle, NdT] qui l’ont déchaîné.
Tradotto da Nicolas Casaux
Le dernier virus en date qui attire l’attention du monde entier, a provoqué le confinement de 56 millions de personnes en Chine, a perturbé des plans de voyage dans le monde entier et a déclenché une course à l’approvisionnement en masques médicaux, de Wuhan, dans la province de Hubei, à Bryan, au Texas, est connu provisoirement sous le nom de « nCoV-2019 ». Un surnom maladroit pour une menace effrayante.
Le nom, choisi par l’équipe de scientifiques chinois qui a isolé et identifié le virus, est l’abréviation de « novel coronavirus of 2019 ». Il reflète le fait que le virus a été reconnu pour la première fois comme ayant infecté des humains à la fin de l’année dernière — dans un marché de fruits de mer et d’animaux vivants à Wuhan — et qu’il appartient à la famille des coronavirus, un groupe notoire. L’épidémie de SRAS de 2002–2003, qui a infecté 8 098 personnes dans le monde entier et en a tué 774, a été causée par un coronavirus, tout comme l’épidémie de MERS qui a débuté dans la péninsule arabique en 2012 et qui persiste encore (2 494 personnes infectées et 858 décès en novembre).
Malgré ce nouveau nom, et ainsi que les personnes qui l’ont baptisé le savent bien, le nCoV-2019 n’est pas aussi nouveau qu’on pourrait le croire.
Une chose qui lui ressemble beaucoup a été découverte il y a plusieurs années dans une grotte du Yunnan, une province située à environ mille miles au sud-ouest de Wuhan, par une équipe de chercheurs attentifs, qui ont consigné son existence avec inquiétude. La propagation rapide du nCoV-2019 — plus de 4 500 cas confirmés, dont au moins 106 décès, ce mardi matin, et les chiffres auront augmenté au moment où vous lirez ceci — est étonnante mais pas imprévisible. Que le virus soit apparu chez un animal non humain, probablement une chauve-souris, et peut-être après être passé par une autre créature, peut sembler effrayant, mais cela n’a rien d’étonnant pour les scientifiques qui étudient ces choses.
Parmi eux on retrouve Zheng-Li Shi, de l’Institut de virologie de Wuhan, l’auteure principale de l’ébauche d’étude (pas encore examinée par des pairs et jusqu’à présent disponible uniquement en version préliminaire) ayant attribué au nCoV-2019 son identité et son nom. Ce sont Mme Shi et ses collaborateurs qui, en 2005, ont montré que l’agent pathogène du SRAS était un virus issu des chauves-souris qui s’était répandu chez les humains. Depuis, Mme Shi et ses collègues ont étudié les coronavirus chez les chauves-souris, soulignant que certains d’entre eux sont particulièrement adaptés pour provoquer des pandémies humaines.
Dans un article publié en 2017, ils ont expliqué comment, après presque cinq ans de collecte d’échantillons de selles de chauves-souris dans la grotte du Yunnan, ils avaient trouvé des coronavirus chez plusieurs individus de quatre espèces différentes de chauves-souris, dont une appelée » chauve-souris intermédiaire en fer à cheval », en raison du lambeau de peau semi-ovale qui dépasse comme une soucoupe autour de ses narines. Le génome de ce virus, a annoncé Mme Shi et ses collègues, est identique à 96 % à celui du virus de Wuhan récemment découvert chez l’homme. Et ces deux virus constituent une paire distincte de tous les autres coronavirus connus, y compris celui qui cause le SRAS. En ce sens, le nCoV-2019 est nouveau — et peut-être même plus dangereux pour l’homme que les autres coronavirus.