En Iran, au moins 13 morts en 5 jours dans les manifestations contre les difficultés économiques
Le HuffPost avec AFP 01.01.2018 |
INTERNATIONAL – C’est le cinquième jour de protestation en Iran. Ce lundi 1er janvier, de nouvelles manifestations antigouvernementales ont eu lieu dans le pays, poursuivant un mouvement de protestation contre la vie chère sans équivalent depuis 2009.
Au total 13 personnes, dont dix manifestants, ont été tuées dans les violences qui ont émaillé ces protestations, parties jeudi de Machhad (nord-est), la deuxième ville du pays, pour se propager rapidement à travers le territoire, d’après un décompte de l’AFP. Parmi ces victimes, un policier iranien tué lundi lors d’actes de violences à Najafabad (centre), selon un site internet de la télévision d’État.
Des journalistes sur place font eux état de quinze morts.
Des bâtiments publics incendiés
Lundi soir, des petits groupes de manifestants, dont certains scandaient des slogans antirégime, se sont rassemblés dans un quartier du centre de Téhéran sous forte présence policière, selon des vidéos publiées sur les sites de médias locaux et les réseaux sociaux. Le calme était revenu en fin de soirée et plusieurs “meneurs” ont été arrêtés, selon des médias iraniens.
La nuit précédente dans la capitale et plusieurs autres villes, des manifestants avaient attaqué et parfois incendié des bâtiments publics, des centres religieux, des banques, des voitures de police ou des sièges du Bassidj (milice islamique du régime).
Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis le début des troubles, dont certaines ont ensuite été libérées. Quatre personnes ont ainsi été arrêtées pour avoir “insulté le drapeau sacré” de la République islamique en le brûlant. Les autorités accusent “des fauteurs de troubles” ou des “contre-révolutionnaires” armés de s’infiltrer parmi les manifestants.
Le président Hassan Rohani, qui avait d’abord appelé au calme dimanche 31 décembre, a ensuite averti le 1er janvier que “le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles”, qui ne sont selon lui qu’une “petite minorité”. Et le ministère du Renseignement a prévenu dans un communiqué que “les émeutiers et les instigateurs” ont été identifiés et que “bientôt on s’occupera sérieusement d’eux”.
Des messageries bloquées par le gouvernement
Les manifestations se poursuivent en dépit du blocage par les autorités sur les téléphones portables des messageries Telegram et Instagram, utilisées pour appeler à manifester. Elles sont les plus importantes depuis le mouvement de contestation en 2009 contre la réélection de l’ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Trente-six personnes avaient été tuées dans la répression de ce mouvement, selon un bilan officiel (72 tués selon l’opposition).
Pointant du doigt une “petite minorité” d’agitateurs, Hassan Rohani a insisté lundi sur la détermination du gouvernement à “régler les problèmes de la population”, en particulier le chômage. “Notre économie a besoin d’une grande opération chirurgicale”, a-t-il dit.
Hassan Rohani, élu pour un second mandant en mai 2017, a permis à l’Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales liées aux activités nucléaires du pays. Cette conséquence de la signature en 2015 d’un accord nucléaire historique avec les grandes puissances avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la mauvaise situation économique.
“Frustration”
Face aux protestations antigouvernementales, des manifestations de soutien au pouvoir ont été organisées lundi dans plusieurs villes du pays, dont Rasht, Zanjan, Ahvaz et Takestan.
“Ce qui fait descendre les Iraniens dans la rue le plus souvent, ce sont des problèmes économiques ordinaires -la frustration face au manque d’emplois, l’incertitude par rapport à l’avenir de leurs enfants”, explique à l’AFP Esfandyar Batmanghelidj, fondateur du Europe-Iran Business Forum. Selon cet expert, les troubles ont été provoqués par les mesures d’austérité de Hassan Rohani, comme les réductions des budgets sociaux ou les augmentations des prix des carburants.