La main dans le sac : le pillage des zones de pêche sahraouies par la Russie
Haddamin Mouloud Said 28/04/2020 |
Selon l’Agence fédérale russe des pêches, le gouvernement russe et le gouvernement marocain s’apprêtent à renouveler l’accord de pêche signé le 15 mars 2016.
L’accord actuel définit les principes de la coopération entre la Russie et le Maroc dans le domaine de la conservation et de l’utilisation des ressources vivantes de la zone économique exclusive du Royaume du Maroc et détermine les conditions des activités de pêche des navires battant pavillon de la Fédération de Russie.
Conformément à l’accord, le Maroc offre aux navires de pêche russes la possibilité de pêcher les petites espèces de poissons pélagiques dans sa zone de pêche atlantique, et détermine également chaque année la composition totale des espèces capturées par groupe d’espèces de poissons, zone de pêche, prix de référence, nombre et type de navires russes engagés dans la zone de pêche atlantique du Maroc.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie suit de près le conflit du Sahara occidental. Le statut juridique international du territoire n’est pas inconnu pour le gouvernement russe.
Dans les faits et à titre d’exemple, la Russie a participé activement, le 9 avril 2020, au sein du Conseil de sécurité au débat sur le Sahara occidental.
Toutefois, en dehors des murs du Conseil de sécurité, la Russie adoptait une étrange position. Dès qu’elle quittait New York, elle s’arrêtait aux eaux atlantiques du Sahara occidental pour s’adonner aux pratiques typiques des siècles anciens, c’est-à-dire le pillage des biens d’autrui. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, n’est-ce pas, il y en a toujours pour qui il fait bon de pécher en eaux troubles. Autrement dit, tant que le conflit n’est pas résolu, la Russie pouvait continuer de tirer profit, au prix des souffrances du peuple sahraoui, propriétaire des ressources en question.
L’accord signé en mars 2016 entre la Russie et le Maroc que l’on veut désormais rénover, établit que la zone de pêche objet de l’accord se situe au sud du parallèle 28º N. C’est-à-dire dans les eaux du Sahara occidental. Cela voudrait dire que ce que la Russie appelle coopération internationale, légalité internationale, etc., ne sont en réalité que des euphémismes pour camoufler des pratiques de pillage et de piraterie en haute mer. La Russie engloutit quantités industrielles de sardine, de sardinettes, de maquereaux, de chinchards et d’anchois volés au Sahara occidental, en violation flagrante de la convention de Montego Bay de 1982.
Il convient de rappeler, à ce propos, que les États-Unis ont un accord commercial avec le Maroc. Mais les États-Unis, contrairement à la Russie, excluent expressément le territoire du Sahara occidental du champ du dit accord.
Il est évident que les Sahraouis, abandonnés dans le désert, ne peuvent que si peu faire face à la puissante Russie. Mais on pourrait se demander pourquoi la Russie n’irait-elle pas directement pêcher dans ces eaux, sans accord préalable avec le Maroc? Elle ne le fait pas car il serait alors évident que la Russie pillait et saccageait les ressources naturelles d’un territoire non autonome.
Si la Russie n’allait pas d’elle-même se servir directement préférant pêcher en vertu d’un accord signé avec une partie qui n’a aucun titre légal pour le faire, cela changerait-il, pour autant, la qualité de l’acte commis en tant que pillage et saccage? Evidemment que non.
Par conséquence, ce que les Sahraouis peuvent faire ou ne pas faire n’aura lors aucune importance. Ce qui est en jeu, c’est la stature morale d’une Russie qui veut continuer à être un acteur clé dans une communauté internationale dont les relations sont fondées sur le respect des principes de l’égalité en droit entre les États et de l’autodétermination des peuples.
Il est lointain le temps où Moscou était l’un des grands défenseurs du droit du peuple namibien à préserver ses ressources naturelles et qu’elle participait activement au sein de la communauté internationale pour sanctionner le pillage des dites ressources par des États tiers.
Cependant, il semble qu’aujourd’hui la valeur de «Tuchka» a conduit les dirigeants russes à ignorer les préceptes à la fois juridiques et moraux, sur lesquels se fonde le droit international.
Par ailleurs, il est clair que cette attitude pourrait avoir un impact négatif sur les relations bilatérales de la Russie avec d’autres États bien déterminés à défendre le droit du peuple sahraoui à avoir la possession permanente de ses ressources et qui désapprouvent cette nouvelle modalité de piratage et de pillage des ressources naturelles d’un territoire non autonome. Une telle situation pourrait sérieusement perturber l’ambiance lors d’une éventuelle négociation sur la vente de matériel et d’équipement à ces États, ce qui finirait, sans doute, par porter préjudice à une autre industrie beaucoup plus vitale pour la Russie.