General

Qui a tué Olof Palme ? L’Afrique du Sud pourrait avoir la réponse

Göran Björkdahl 09/06/2020
L’assassinat, le 28 février 1986, du Premier ministre social-démocrate suédois Olof Palme, dans une rue du centre-ville de Stockholm, alors qu’il sortait avec sa femme Lisbeth du cinéma où ils venaient de voir Amadeus, de Milos Forman, a provoqué un choc sismique en Suède.

Tradotto da Fausto Giudice
Le mystère qui entoure ce crime, similaire à celui qui entoure l’assassinat de Kennedy, pourrait enfin être éclairci. On le saura demain 10 juin, quand le procureur spécial chargé de l’enquête fera des révélations. Göran Björkdahl récapitule l’histoire de la “piste sud-africaine”.-FG
La piste de l’assassin du Premier ministre suédois s’était refroidie jusqu’à ce qu’un diplomate se passionne pour l’affaire de 1986
C’est Dag Hammarskjöld qui m’a amené à Olof Palme. Deux dirigeants suédois, tous deux soutenant des petites nations sur la scène mondiale, qui refusaient tous deux d’être contrôlés par les superpuissances mondiales, sont morts d’une mort violente. Ont-ils aussi été victimes des mêmes forces ?
Pendant 11 ans, j’ai enquêté sur le mystérieux accident d’avion qui a tué l’ancien secrétaire général des Nations unies, Dag Hammarskjöld, un projet qui a fait l’objet du documentaire Cold Case Hammarskjöld.
C’est au cours d’un voyage de recherche pour le documentaire en 2014 que l’affaire du meurtre de l’ancien Premier ministre Olof Palme m’est littéralement tombée dessus, lorsque le journaliste De Wet Potgieter m’a passé les documents dits « Deepsearch » à la fin d’un dîner. Ces documents, préparés par le défunt général Tai Minnaar, décrivent comment l’Afrique du Sud a qualifié Palme d’ « ennemi de l’État » et fournissent les noms de personnes qui auraient été impliquées dans la prise de décision, la planification et la mise en œuvre de son assassinat.
Plus tard, j’ai appris que ces documents étaient considérés par beaucoup en Suède comme des faux. Mais l’année suivante, j’ai rencontré à Pretoria le général à la retraite Chris Thirion, un ancien chef des services de renseignements militaires sud-africains, qui m’a dit devant la caméra que les documents de Deepsearch semblaient authentiques. Il m’a également dit qu’il était lui-même convaincu que l’Afrique du Sud avait perpétré l’assassinat.
Grâce à l’enquête sur Hammarskjöld, j’avais établi un vaste réseau de contacts : d’anciens agents des services de renseignement, d’anciens militaires, des historiens et des journalistes. Pour l’affaire Palme, l’un des contacts les plus utiles était un ancien général major, Tienie Groenewald, qui, au moment de l’assassinat de Palme, était responsable de la Branche d’interprétation du renseignement national sud-africain. Il m’a raconté des histoires fascinantes sur la façon dont les services de renseignements militaires sud-africains ont collaboré avec la CIA, sur la façon dont les Israéliens ont aidé l’Afrique du Sud à se doter de la bombe nucléaire – mais sans grand intérêt pour l’affaire Palme.
Après notre dernière rencontre, je l’ai appelé et lui ai dit que lui, plus que quiconque, était en mesure d’aider à résoudre l’affaire Palme. J’ai mentionné la récompense de 50 millions de couronnes suédoises (4,25 millions de livres sterling, 4,8 millions d’€) et j’ai présenté l’idée d’un accord dans lequel la Suède accorderait l’immunité contre les poursuites et l’Afrique du Sud convaincrait tous ses citoyens impliqués dans l’assassinat d’avouer.
Le lendemain, un employé des services de renseignements militaires sud-africains m’a appelé et m’a invité à une réunion avec un général de la section secrète (je ne le nommerai pas mais j’ai vérifié son identité par la suite).
On m’a demandé de me rendre à l’hôtel Hyatt de Sandton, à Johannesburg, le 1er octobre 2015. De là, j’ai été escorté jusqu’à un restaurant presque vide situé à proximité, où j’ai rencontré le général.
Il est allé droit au cœur de l’affaire, me donnant les noms de ceux qui, selon lui, étaient impliqués dans la mort de Palme – et m’a dit que l’Afrique du Sud était prête à aider la Suède à découvrir la vérité.
En retour, l’Afrique du Sud espérait renforcer ses relations avec la Suède. Une condition pour un tel accord serait l’immunité de poursuites pour tous ceux qui ont agi sur ordre de l’ancien gouvernement sud-africain.
Il a laissé entendre que le motif aurait pu être à la fois politique (Palme et la Suède ont soutenu l’ANC) mais aussi économique, sans toutefois donner de détails. Il a déclaré que les services de renseignements militaires sud-africains étaient prêts à entamer une discussion, mais seulement avec leurs homologues suédois – les hommes politiques et les médias devaient être exclus du dialogue.
J’ai dit que le but de l’initiative serait de rendre enfin publique l’affaire afin que la famille Palme et le peuple suédois puissent tourner la page. Après une discussion intense, nous avons convenu de laisser les services de renseignement lancer la discussion et de la reprendre à partir de là.
Le général a été étonné que j’enquête sur le meurtre de Palme en tant que hobby. Il a souligné que je prenais d’énormes risques et que les opérateurs me tueraient tout simplement s’ils se sentaient menacés.
En novembre 2015, j’ai remis le matériel aux services nationaux de renseignement suédois (Säpo), qui l’ont à leur tour transmis à l’unité de police chargée d’enquêter sur la mort de Palme.
Pendant les deux ans et demi qui ont suivi, je n’ai plus rien entendu et, en avril 2018, j’ai cherché à rencontrer le nouveau procureur chargé de l’affaire Palme, Krister Petersson. Je lui ai raconté mon histoire et j’ai été heureux de constater qu’il était déjà au courant.
De plus, Petersson m’a demandé de faire savoir au général des renseignements militaires sud-africains qu’il était prêt à se rendre en Afrique du Sud pour le rencontrer.
Je n’ai jamais pu rétablir le contact avec le général sud-africain, mais en juin 2018, j’ai réussi à transmettre le message aux renseignements militaires par le biais d’un autre contact. Là encore, ça a été le silence – jusqu’à ce qu’il y a quelques semaines, une source de renseignement en Afrique du Sud m’informe qu’une réunion entre les représentants des deux gouvernements avait eu lieu à Pretoria le 18 mars pour discuter de l’affaire Palme.
Dans une affaire judiciaire ordinaire en Suède, l’immunité contre les poursuites serait impensable. Mais le cas de l’assassinat d’Olof Palme est unique.
C’est pourquoi j’espère que les autorités suédoises pourront faire une exception – à condition bien sûr que les responsables de l’assassinat se manifestent. Je pense que ce serait un geste respectable de leur part d’aider le peuple suédois à tourner la page.
Je pense que le besoin de savoir est plus grand que le besoin de punir.